En ville, choisir le trajet le plus court n'est pas inné, voici pourquoi

Sur cette carte, le chemin le plus emprunté par les piétons est représenté en rouge alors que le chemin piéton le plus court est en bleu. (Photo: MIT)
Sur cette carte, le chemin le plus emprunté par les piétons est représenté en rouge alors que le chemin piéton le plus court est en bleu. (Photo: MIT)

VILLE - L’itinéraire le plus court n’est pas toujours celui auquel on pense. Si le trajet le plus rapide se dessine en ligne droite, cette règle est difficilement applicable en ville à cause des rues, des bâtiments, des fleuves et rivières, des ponts accessibles ou encore des parcs. Alors instinctivement, nous optons pour le parcours qui se rapproche le plus du fameux “vol d’oiseau”.

Mais est-ce vraiment la meilleure solution? Une étude du MIT publiée le lundi 18 octobre dans la revue scientifique Nature s’est penchée sur la question. Se basant sur un ensemble de données regroupant les trajets quotidiens de plus de 14.000 personnes, l’étude suggère que notre cerveau n’est pas coordonné ou développé pour calculer le trajet le plus court.

L’équipe du MIT a appelé cela le “chemin le plus pointu”. Leurs travaux ont révélé que les piétons choisissaient instinctivement les chemins qui semblent le plus pointer vers leur destination. En clair, le chemin paraissant le plus droit sera le plus susceptible d’être choisi, bien qu’il ne soit pas toujours le plus court.

La navigation vectorielle, un héritage naturel

Cette stratégie de sélection s’appelle la “navigation vectorielle”. Loin d’être inhérente à l’Homme, elle est aussi observée dans le règne animal, des insectes aux primates. Nécessitant moins de matière grise que le calcul du chemin le plus court, l’étude avance que “la navigation vectorielle” aurait pu évoluer pour sauvegarder de l’énergie ou choisir un trajet plus sécurisé.

“Il semble y avoir un compromis qui permet à la puissance de calcul de notre cerveau d’être utilisée pour d’autres choses - il y a 30.000 ans, pour éviter un lion, ou maintenant, pour éviter un SUV dangereux”, explique Carlo Ratti, professeur de technologies urbaines au Département d’études urbaines et de planification du MIT et directeur du laboratoire Senseable City.

Carlo Ratti est l’auteur principal de l’étude. Il y a vingt ans, alors qu’il était étudiant diplômé à l’Université de Cambridge, son trajet quotidien se tenait à la route entre son collège résidentiel et son bureau départemental. Un jour, il a constaté qu’il empruntait deux itinéraires différents entre l’aller et le retour.

“Sûrement qu’un itinéraire était plus efficace que l’autre”, explique Carlo Ratti. “J’étais constamment incohérent, un petit constat mais frustrant pour un étudiant consacrant sa vie à la pensée rationnelle.” Ratti a voulu vérifier si ce mécanisme de pensée est commun ou non.

L’équipe de chercheurs a regroupé des données de signaux GPS anonymisés provenant de téléphones portables de piétons alors qu’ils traversaient les villes de Boston et de Cambridge dans le Massachusetts. Au total, cet ensemble de données comprend plus de 550.000 chemins empruntés par plus de 14.000 personnes.

Des itinéraires différents en fonction de l’angle

Si “la navigation vectorielle” ne produit pas le chemin le plus court, les trajets empruntés restent relativement brefs. Mais surtout, son itinéraire est bien plus simple et instinctif à calculer. La logique du calcul étant de limiter au maximum les angles de rues.

“Au lieu de calculer des distances minimales, nous avons constaté que le modèle le plus prédictif n’était pas celui qui trouvait le chemin le plus court, mais plutôt celui qui essayait de minimiser le déplacement angulaire, pointant directement vers la destination autant que possible, même si voyager à des angles plus grands serait être réellement plus efficace”, explique Paolo Santi, chercheur principal au Senseable City Lab et au Conseil national italien de la recherche, et auteur correspondant de l’article.

L’équipe de chercheur a aussi remarqué que, comme Carlo Ratti lorsqu’il était étudiant, les gens tendaient aussi à emprunter des itinéraires différents entre l’aller et le retour. “Lorsque nous prenons des décisions en fonction de l’angle par rapport à la destination, le réseau routier vous mènera à un chemin asymétrique”, explique Ratti. “Sur la base de milliers de marcheurs, il est très clair que je ne suis pas le seul: les êtres humains ne sont pas des navigateurs optimaux.”

La navigation vectorielle est bien différente des algorithmes informatiques exploités par les smartphones ou les appareils GPS. Grâce aux cartes stockées dans leur mémoire, ces derniers peuvent calculer précisément l’itinéraire le plus court entre deux points. Si les automobilistes peuvent discuter de la fiabilité des GPS, les piétons en leur possession peuvent presque marcher les yeux fermés.

À voir également sur Le HuffPost: Ces étudiants cambodgiens ont conçu un drone pour transporter des humains

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

A LIRE