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VIH/SIDA : les immigrés africains, fragiles en France

Harriet Hadfield/shutterstock.com

A la veille de l’ouverture de la conférence scientifique sur le VIH de l’IAS à Paris du 23 au 26 juillet prochains, un ouvrage éclaire la situation des immigrés africains en France. Une large enquête* menée auprès de 2 500 personnes sur 18 mois a permis d’offrir une image précise du parcours de vie et de santé de ces personnes.

L’ouvrage Parcours de vie et santé des Africains immigrés en France** constitue la première enquête quantitative d’ampleur menée auprès des immigrés d’Afrique subsaharienne. Elle décrit et analyse les trajectoires migratoires, sociales, administratives et de santé dans cette population en Île-de-France.

Premier constat, le délai d’installation est très long. « Il faut attendre 6 ans pour les femmes et 7 ans pour les hommes pour accéder à un logement stable, un titre de séjour d’au moins un an, et un travail rémunéré, conditions minimales de l’installation en France », soulignent les auteurs. Et entre temps, « les épisodes de précarité sont nombreux ». Dans le détail, « 14% des hommes et 5% des femmes ont dû dormir au moins une fois dans la rue » au cours de cette période.

Une santé fragile et un risque de contamination

En position de faiblesse pendant de longues périodes de précarité, ces femmes et ces hommes sont aussi « exposés aux risques sexuels et à l’infection à VIH ». La preuve, « entre un tiers et la moitié des immigrés d’Afrique subsaharienne qui vivent avec le VIH en France ont été contaminés après leur arrivée (30% pour les femmes, 44% pour les hommes) », notent les auteurs de ce travail. « Les femmes en particulier sont exposées à des rapports contraints et de la violence quand elles n’ont pas de logement personnel. »

Certes, « la moitié des immigrés africains réalise un test de dépistage pour le VIH dans les deux années après l’arrivée », indiquent-ils. « Cependant ce n’est pas encore assez rapide pour un bénéfice maximal pour les personnes atteintes et pour un effet préventif significatif du traitement sur la dynamique de l’épidémie », se désolent-ils. Même constat pour l’hépatite B. « Son dépistage n’est pas assez proposé ».

D’autres données concernant la santé de ces populations émanent de cette étude. Certains indicateurs de santé doivent ainsi alerter :

  • des symptômes d’anxiété et dépression fréquents (présents chez 25% des femmes et 18% des hommes) ;

  • un niveau élevé de surpoids et d’obésité (51% chez les hommes, 68% chez les femmes) qui implique des risques cardiovasculaires.

Des décisions politiques nécessaires

« Cette recherche permet de tirer des leçons sur l’accueil des immigrés en France, et ses répercussions sur leur santé, en particulier la vulnérabilité au VIH qui est augmentée par les conditions d’accueil », alertent les auteurs. « Améliorer l’accueil, mieux faire connaître aux nouveaux arrivants les ressources sociales et de santé qui existent pour les protéger de la grande précarité […] sont ainsi des impératifs de santé publique ». Mais plus fondamentalement, les chercheurs estiment que la « sauvegarde du système de santé et d’Assurance-maladie, qui protège les plus vulnérables, même lorsqu’ils sont sans papiers, est un élément majeur de cet accueil ».

*Cette recherche a été conduite en 2012-2013 sous la responsabilité scientifique d’Annabel Desgrées du Loû (IRD), France Lert (INSERM), Rosemary Dray-Spira (INSERM), Nathalie Lydié (Santé publique France) et Nathalie Bajos (INSERM), en partenariat avec des associations de migrants et de malades. Elle a été financée par l’ANRS, avec le soutien de la Direction Générale de la Santé et de Santé publique France
**Editions La Découverte, juillet 2017