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Les Vies de Thérèse - Canal+ : le documentaire bouleversant de Sébastien Lifshitz à la télé ce soir

Ce soir, à 22h40, Canal+ diffusera le documentaire inédit de Sébastien Lifshitz, Les vies de Thérèse, consacré à Thérèse Clerc. 

Thérèse Clerc est l’une des grandes figures du féminisme militant. Du combat pour l’avortement à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes en passant par les luttes homosexuelles, elle a été de toutes les batailles. Elle apprend aujourd’hui qu’elle est atteinte d’une maladie incurable et décide de jeter un dernier regard tendre et lucide sur ce que fut sa vie, ses combats et ses amours. 

Nous avions rencontré le réalisateur à Cannes, au lendemain de la très émouvante présentation du film à la Quinzaine des réalisateurs. Dans un extrait vidéo de notre interview ci-dessus, le réalisateur revient sur la genèse de ce projet. Il revient également sur les conditions dans lesquelles le film a pu être réalisé, ci-dessous.


Sébastien Lifshitz, réalisateur : "Il y a une chose importante, c'est que Thérèse ne souffrait pas. Etrangement. Elle était diminuée, affaiblie, mais elle ne souffrait pas. C'était important pour le film. Je ne sais pas si j'aurais supporté de filmer une femme en souffrance permanente. Ca aurait été vraiment le récit d'une agonie et j'aurais trouvé ça trop dur. Non, il y avait simplement un corps qui petit à petit perdait son énergie vitale, intérieure. Mais tant qu'il restait de la vie, elle était toujours présente, bien vivante, debout. Et ce que je trouvais magnifique, c'est que c'était pour elle une façon d'utiliser son corps de manière politique. C'est de dire : ce n'est pas parce que je suis mourante, malade qu'il faut que je subisse cette situation. Je dois l'appréhender. Je dois faire avec et peut être en faire quelque chose. Faire le film, c'était justement tout d'un coup utiliser sa maladie, son histoire, son corps pour porter un message : ce dernier moment de la vie, comment le vivre le plus dignement possible. Et surtout lui donner une incarnation, une image. Comme elle le dit, c'est quelque chose dont on ne parle pas, qu'on ne montre pas en général, et elle voulait au contraire que ça soit visible."

Faire le film, c'était justement pour elle, utiliser sa maladie, son histoire, son corps pour porter un message

"Ce que je trouve très émouvant dans le film, c'est qu'elle apprend à mourir progressivement. Elle s'observe, elle observe la transformation de son corps... 'Tiens, tel jour, je n'arrive plus à faire telle chose'. Manger devient compliqué. Aussi, elle observe l'apparition d'un souvenir auquel elle ne pensait pas 5 minutes avant. Une toute petite chose insignifiante, qui surgit comme ça du passé, et qui la touche, la bouleverse parfois. C'est ce que raconte le film au fond : qu'est ce qui reste quand vous savez que vous allez quitter la vie. Qu'est ce qui reste. A quoi pensez-vous ? C'est ce qui m'a intéressé en tout cas. Qu'est ce qu'on laisse ? Qu'est ce qui vous reste ? Qu'est ce qui vous travaille ? Comment la mort vous transforme ? Comme elle le dit, elle n'a aucune pensée métaphysique. Elle me dit : je suis vraiment dans le quotidien le plus banal, le plus simple. Elle vit au jour le jour, elle fait avec, et ce qui remonte, ce sont les toutes petites choses."

Les Vies de Thérèse - EXTRAIT VF "Homosexualité et féminisme"

 

Un récit de vie, un portrait, avec quelque chose d'universel

"Je ne trouve pas le film dur. Il contient de l'émotion mais il n'est pas dur. J'avais peur de ça, que les gens aient une sorte de peur à regarder une telle histoire, et j'ai pu constater qu'aux deux projections qui ont eu lieu à Cannes la ferveur du public, son émotion et les gens étaient là. Quand Edouard Waintrop de la Quinzaine des Réalisateurs a sélectionné le film, je me suis dit : "il est fou, personne ne va venir voir ce film à Cannes", qui est quand même censé être un lieu, on va dire, plus de spectacle, de glamour et aussi plus dédié à la fiction. Je trouvais ça assez gonflé en fait ! Et pour Edouard, il y avait une sorte d'évidence à ce que ce film soit là, à l'égal de fiction. Il considérait d'abord qu'il y avait du cinéma. Il considérait que l'histoire de Thérèse était bouleversante parce que c'était un récit de vie, un portrait, et qu'il y avait quelque chose d'universel dans le film."

Les Vies de Thérèse - EXTRAIT VF "Moment de latence"

 

"Le sommeil dans le film était un motif récurrent et très important parce que je me suis rendu compte que, quand on tournait, elle n'était pas capable de tourner toute une journée sans s'arrêter, donc on faisait souvent des pauses et je l'accompagnais dans son lit pour qu'elle s'endorme. Je l'observais en train de dormir et c'est là où j'ai compris que c'était important de la filmer dans son sommeil. Parce que d'abord elle était magnifique à regarder. C'était un moment où elle était en paix. Son lit était comme une sorte de refuge. Et surtout la regarder dormir, c'était se poser une question toute simple : à quoi pense-t-elle? A quoi rêve-t-elle dans de telles circonstances ? Et ça m'a permis d'ouvrir une sorte de brêche vers le passé, vers les songes, et qui a d'une certaine façon structuré le film, entre le présent et l'évocation du passé et des rêves."

>>> Retrouvez la liste des projections au cinéma du documentaire sur le site officiel de Sébastien Lifshitz

Sébastien Lifshitz travaille également sur un nouveau projet de documentaire Adolescentes, dont le tournage s'étale sur plusieurs années

Propos recueillis par Brigitte Baronnet au Festival de Cannes 2016