« Quand vient l’automne » de François Ozon ne se réduit pas à une tragique cueillette de champignons
CINÉMA - L’été est derrière nous. Bon débarras. L’heure est (enfin) venue de ressortir un bon vieux plaid, d’allumer de belles bougies. Les plus téméraires pourront, comme dans Quand vient l’automne, nouveau long-métrage de François Ozon en salles ce mercredi 2 octobre, enfiler paire de bottes et parka. Direction : la cueillette de champignons.
N’en parlez pas à Valérie (Ludivine Sagnier). Elle déteste ça. Et pour cause, elle est certaine que sa mère Michèle (Hélène Vincent dans le film) a tenté de l’empoisonner avec ceux qu’elle a récoltés un peu plus tôt dans la journée, avec Marie-Claude (Josiane Balasko), sa grande copine. Depuis, plus un mot. Elle refuse même de lui envoyer son petit-fils adoré pour passer les vacances chez elle, à la campagne.
Michèle est abattue. Comment peut-elle croire ça ? Elle sait que Valérie est malheureuse depuis son divorce. Leur relation a toujours été difficile, aussi. En cause, le mystérieux passé de Michèle, qui l’a toujours écœurée. Mais de-là à la croire capable de tuer sa propre fille ?
Quand le fils de Marie-Claude (Pierre Lottin), tout juste sorti de prison, entend l’amie de sa mère se morfondre, il décide d’agir. Il prend un billet pour Paris, sonne chez Valérie et la confronte. A-t-il bien fait ? L’issue de cette rencontre ne s’avère sans doute pas aussi tragique qu’il y paraît pour Michelle. Loin de là.
Découvrez ci-dessous la bande-annonce :
Mordante comédie noire sur les thèmes de la culpabilité et du pardon, Quand vient l’automne se distingue des récents films de François Ozon (Mon crime, Peter von Kant) par ses rebondissements désopilants et sa mise en scène plus classique, grâce à laquelle le film - au-delà des rires - émeut. Notamment pour son traitement délicat d’un autre sujet : la vieillesse.
Quand vient l’automne, c’est d’abord l’histoire de deux amies de longue date, deux femmes jouées par des actrices sans doute « trop » âgées pour l’industrie du cinéma (74 ans pour Josiane Balasko, 81 pour Hélène Vincent). En France, la part de tous les rôles attribués à des comédiennes de plus de 50 ans était seulement de 7 % lors du dernier décompte du collectif 50/50 en 2021, et n’a jamais dépassé les 9 % depuis le premier recensement.
François Ozon « effaré »
François Ozon, « effaré de voir à quel point » elles disparaissent de plus en plus « de la société et des écrans » (pour reprendre ses mots dans les notes de production), révèle à l’écran avec tendresse leurs mains, leurs visages et leurs rides, à la lumière du jour. « J’avais envie de filmer des actrices de 70 et 80 ans qui portent leur âge et l’assument sans artifice », précise-t-il.
Avant d’ajouter : « J’ai beaucoup repensé à “Sous le sable”, quand je m’apprêtais à tourner avec Charlotte Rampling - qui n’avait alors que 50 ans - et que tout le monde me disait déjà : “Elle est trop vieille. Ça n’intéressera personne.” » Sorti en 2000, le film avait réuni 567 185 spectateurs en salles.
Les préjugés et discriminations sur l’âge ne sont pas propres au septième art. Michèle, elle-même les subit au quotidien. A-t-elle vraiment besoin de passer des tests, comme lui répète sa fille dès qu’elle en a l’occasion ? Dans son village en Bourgogne, la vieille dame vit à son rythme : elle jardine dans son potager, va à l’église, passe du temps avec Marie-Claude, dîne quand ça lui chante.
« Michèle a sans doute eu une vie très agitée mais maintenant, elle se repose, continue le réalisateur. Elle a envie de profiter de la nature, de son amie et de son petit-fils. On sent un apaisement, un bien-être des rituels, une solitude assumée. » Du moins, jusqu’au moment où tout bascule. « Tout d’un coup, les choses lui pèsent », précise François Ozon.
Hélène Vincent à l’écran
Michèle n’est pas parfaite. Elle n’est pas machiavélique, mais son sens de la morale et sa bonne foi interrogent. Au village, on lui reproche son train de vie d’autrefois à Paris. Elle, elle se demande si elle a été une bonne mère, puis s’inquiète de l’arrivée de potentiels premiers signes de sénilité.
« On a tendance à sanctifier et idéaliser les personnes âgées, à oublier qu’elles ont eu un passé plus complexe qu’il n’y paraît, qu’elles ont été jeunes, qu’elles ont eu une sexualité, un inconscient », poursuit le réalisateur. Sur le plateau de C à vous, mardi 24 septembre, il a toutefois tenu à relativiser. « Les regards changent, déclare-t-il. […] Dans le cinéma français, on a de plus en plus de femmes qui ont un certain âge et qui sont au centre du film. »
Pour Hélène Vincent, découverte en 1988 dans La vie est un long fleuve tranquille, il aura fallu attendre Quand vient l’automne pour décrocher un premier rôle. « C’est une injonction de la société de rester jeune tout le temps », tempête-t-elle à son tour sur le plateau de l’émission de France 5. À ceux qui disent le contraire, « si, on a le droit » de vieillir, promet l’actrice. Voici peut-être venir l’âge d’or des seniors.
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