Une vidéo et des pleurs: les temps forts du premier jour du procès en destitution de Donald Trump

Jamie Raskin emmenant la délégation démocrate.  - Drew Angerer / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Jamie Raskin emmenant la délégation démocrate. - Drew Angerer / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Au moment où une majorité du Sénat américain s'est accordée sur la validité constitutionnelle d'une procédure en destitution conduite contre un ancien président des Etats-Unis rendu à la vie civile, la première journée du procès s'était déjà écoulée. Sans réellement de surprise, la dramaturgie de l'audience et son objet - juger la responsabilité éventuelle, et donc le cas échéant l'inégibilité, de Donald Trump dans l'invasion du Capitole le 6 janvier dernier - ont ménagé quelques temps forts.

· Une vidéo coup de poing

Les neuf élus démocrates, dépêchés par la patronne de la Chambre des Représentants Nancy Pelosi, emmenés par le représentant du Maryland Jamie Raskin et chargés de convaincre les sénateurs de la nécessité de l'impeachment de Donald Trump, ont lancé le coup d'envoi des débats. Ils ont diffusé en préambule une vidéo d'une dizaine de minutes environ, en guise de rappel des faits.

On y a vu le discours de Donald Trump à Washington le 6 janvier dernier, entrecoupé de captations prises sur le vif au sein des spectateurs, enregistrées par les manifestants eux-mêmes. Ont succédé à ces premières images celles des séances du Congrès consacrées ce jour-là à la certification du vote des grands électeurs, et par conséquent à l'officialisation définitive de la victoire de Joe Biden.

Soudain, au beau milieu d'un échange parlementaire, une sentence grave: "Les manifestants sont dans le bâtiment". La vidéo montre alors les congressmen and women du Capitole évacuer les deux chambres, à l'instar de Nancy Pelosi, tandis que les intrus pro-Trump sont en train de défiler dans les couloirs, tambourinant aux portes, aux cris de "traîtres!" ou encore de "Fuck The Blue!" (qu'on peut traduire par "merde aux bleus", d'après la couleur du Parti démocrate).

Cinq personnes ont perdu la vie en relation avec ces événements.

· Les larmes d'un parlementaire

Jamie Raskin a alors pris la parole, jugeant: "Si ces faits concrets et tangibles ne sont pas passibles d'une procédure de destitution, alors rien ne l'est". Le représentant démocrate du Maryland a ensuite inauguré un récit personnel de cette journée. "Il y a un bruit que je n’oublierai jamais: le bruit de coups portés contre les portes, comme des béliers. Ce son est le plus traumatisant que j’ai entendu de ma vie et je ne l’oublierai jamais", a-t-il dit.

Le 6 janvier, il se trouvait au Capitole et faisait visiter le saint des saints de la démocratie représentative américaine à sa fille, Tabitha, et à son beau-fils, Hank, à l'occasion du vote des parlementaires sur le scrutin du collège électoral. Il avait dû les rassurer auparavant. Il s'était porté garant devant eux de la sécurité des lieux même en ces temps troublés. Cette excursion familiale était inscrite dans un temps particulier: le fils du représentant, Tommy, venait d'être enterré après avoir mis fin à ses jours, écrasé par la dépression, comme l'a rapporté ici ABC News New York.

"Mon beau-fils n’était encore jamais venu au Capitole avant. Et quand ils ont été secourus une heure plus tard par les policiers du Capitole, je les ai serrés dans mes bras, j’ai présenté mes excuses et j’ai dit à ma fille Tabitha, qui a 24 ans, qui est une brillante professeur d’algèbre et enseigne à l’Amérique, je lui ai dit à quel point j’étais désolé, que ça ne serait pas comme ça la prochaine fois qu’elle irait au Capitole avec moi. Vous savez ce qu’elle m’a dit? 'Papa, je ne veux pas retourner au Capitole', a raconté Jamie Raskin, éclatant alors en sanglots.

Il a affirmé: "De toutes les choses terribles, brutales vues ce jour-là, et depuis, c’est ça qui me fait le plus de mal."

· Contre-performance de la défense

La défense de Donald Trump a bien sûr pu dire son mot et commencer à soutenir son argumentaire devant le Sénat. C'est alors que, de dramatique, le ton de la journée a tourné au tragi-comique. Car, selon le récit livré par l'Agence France Presse, la prestation de l'un des avocats de Donald Trump, Bruce Castor, lui a valu de faire l'unanimité contre lui. Assurant que seule "la peur d'une réélection" de son client en 2024 motivait la démarche démocrate, il a multiplié les digressions - parlant des sénateurs comme de "gens extraordinaires (...) suscitant la fierté" - et a paru abstrait.

"Il parlait pour ne rien dire", a déclaré le sénateur républicain John Cornyn. "J'ai entendu beaucoup d'avocats plaider et ce n'était pas l'un des meilleurs", a-t-il appuyé. Sa consoeur, et qui fait partie contrairement au précédent du petit nombre de républicains favorables à la destitution, la sénatrice Lisa Murkowski, s'est déclarée "atterrée" par la performance: "Je ne vois pas où il voulait en venir".

· La colère de Donald Trump

Les Démocrates se sont fait un plaisir de souligner le faux pas de la défense de Donald Trump. "Je vais relire la transcription pour voir si je peux trouver un passage cohérent", a souri le sénateur Richard Blumenthal.

Bruce Castor a pourtant glissé à la presse que, selon lui, la journée avait "été bonne". Peut-être a-t-il déchanté immédiatement après en cas de coup de fil de son patron. Car d'après des sources citées par CNN, Donald Trump, qui ne s'est pas déplacé et demeure en Floride durant le procès, a fulminé devant les images de l'intervention de son avocat.

Le procès reprend dès ce mercredi: le Sénat doit examiner l'exposé des faits.

Article original publié sur BFMTV.com