Cette victime d’agression sexuelle a réussi à faire condamner son agresseur malgré des faits prescrits

Jérémy Garamond a fait condamner son agresseur sexuel plus de trente ans après les faits.
France 5 Jérémy Garamond a fait condamner son agresseur sexuel plus de trente ans après les faits.

JUSTICE - Plus de trente ans après les faits et huit ans après leur prescription au pénal, Jérémy Garamond a pu obtenir une reconnaissance judiciaire des agressions sexuelles subies alors qu’il était mineur. Le tribunal de Paris vient de condamner José Bruneau de la Salle, figure du monde hippique, à lui payer des dommages et intérêts - dont le montant sera fixé lors d’une prochaine audience.

C’est une reconnaissance des faits par la Justice pour Jérémy Garamond, aujourd’hui âgé de 46 ans. Durant l’audience qui s’est tenue en octobre dernier, les juges ont estimé que les faits étaient établis, en se fondant notamment sur de récents échanges de mails entre la victime et son père. En privé, José Bruneau de la Salle, qui, au moment des faits, était un ami de la famille de Jérémy Garamond, aurait demandé pardon et reconnu un « acte inexcusable » auprès de ses proches. Il a nié lors du procès.

Les faits en question se seraient déroulés alors que la victime avait entre 13 et 15 ans. José Bruneau de la Salle, éleveur et gérant d’écurie, ancien membre du Comité de France Galop et figure des courses hippiques, est alors régulièrement invité chez les parents de Jérémy Garamond et commet sur lui des agressions sexuelles répétées. Le jeune homme finit par en parler à ses parents qui coupent les ponts avec José Bruneau de la Salle.

Procédure civile et « consolidation »

Mais, comme souvent dans les cas de violences sexuelles, la victime attendra de nombreuses années avant de porter plainte, ce qu’elle fera en 2018. « En devenant papa, j’ai pris conscience d’un certain nombre de choses. J’ai commencé à libérer ma parole, à en discuter avec mon entourage proche », a-t-il expliqué sur le plateau de C à Vous sur France 5 le 29 novembre.

Problème : les derniers faits remontent à 1990, plus de trente ans plus tôt, et sont donc prescrits. Du moins au pénal. L’avocat de Jérémy Garamond lui conseille alors de se tourner vers le civil, où les règles de prescription d’un préjudice sont différentes.

« En matière pénale, la prescription commence à partir des faits, donc de l’agression, explique son avocat Olivier Pardo, toujours dans C à Vous. En matière civile, le délai de prescription commence à partir de ce que l’on appelle la ’consolidation’ du préjudice, c’est-à-dire le moment où le dommage est stabilisé et ne va plus évoluer. »

C’est le travail d’un expert psychiatre de déterminer comment dater cette « consolidation ». Pour Jérémy Garamond, il a été établi que c’est à partir de 2018, moment où il a réussi à porter plainte, qu’elle a été effective. Ce qui a rallongé la prescription de dix ans et lui a permis d’attaquer au civil.

La victime et son avocat se sont appuyés sur l’article 2226 du Code civil selon lequel « l’action en responsabilité née à raison d’un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé. »

Une procédure déjà dans la loi

S’il n’y aura ni inscription dans le casier judiciaire, ni peine de prison prononcée, comme lors d’une procédure pénale, un procès a eu lieu et la reconnaissance des faits est là : l’accusé a été condamné à verser des dommages et intérêts, qui sont estimés à environ 100.000 €, selon son avocat. Jérémy Garamond a déjà annoncé que quelle que soit la somme, elle serait reversée à des associations.

« Ce qui est nouveau, c’est que l’on en parle et c’est que les juges soient moins réticents, même au civil, à donner réparation pour de tels faits alors qu’ils sont prescrits au pénal. Avant, ils avaient tendance à moins reconnaître le lien de cause à effet et le préjudice. J’espère que cela va se généraliser », commente auprès du HuffPost l’avocate Michelle Dayan, spécialisée en droit patrimonial et extrapatrimonial de la famille.

Même s’il n’est pas question de jurisprudence, car c’est simplement la loi qui a été appliquée, c’est une avancée. « C’est le premier cas d’une affaire médiatique, post-MeToo, où cette voie est utilisée pour contourner la prescription pénale, souligne-t-elle. Au civil, on estime qu’il y a eu une faute et que les faits ont existé, ce qui est le plus important pour les victimes. » En espérant que cela ouvre une voie pour de nombreuses autres victimes.

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