"Je veux que la souffrance s'arrête": victime d'un viol, une Belge obtient le droit d'être euthanasiée
"La Nathalie que j'étais, une épicurienne, est morte le matin du 3 septembre 2016." Près de sept ans avoir été violée, Nathalie Huygens, une mère de famille belge de 50 ans, a obtenu l'autorisation d'être euthanasiée par un collège d'experts. Les deux psychiatres, ainsi qu'un médecin, ont reconnu la profonde souffrance psychologique dans laquelle était plongée la quinquagénaire depuis sa violente agression.
Dans un entretien accordé au quotidien belge Het Laatste Nieuws, traduit par le site d’information 7sur7, Nathalie Huygens a accepté de revenir sur ce samedi de 2016, et sur ses conséquences.
"Les premiers jours, je pensais vraiment que j'allais surmonter cela"
Ce samedi 3 septembre 2016, la mère de famille va courir "très tôt" et emprunte le même trajet, longeant la voie ferrée de Vilvorde, une ville située en région flamande, "comme tous les jours". Sur sa route, un homme au "visage noir de colère", qui l'"attrape" et la jette "dans le fossé avec une force énorme".
L'homme la roue de coups, s'accharne au point de lui casser la mâchoire. "Je réalise que s'il frappe encore une fois, je suis morte. Alors je me tais. Je ne crie plus, je ne me défends plus, je ne bouge plus", témoigne-t-elle. L'agresseur l'entraîne à quelques mètres de là et la viole sous la menace d'un couteau avant de laisser Nathalie Huygens "pour morte".
"Si j'avais su à ce moment-là quelle existence m'attendrait à partir de ce moment-là, j'aurais couru après lui et je lui aurais dit : 'Tuez-moi'", explique-t-elle aujourd'hui.
"Les premiers jours après les faits, je pensais vraiment que j'allais surmonter cela", se souvient la mère de deux enfants de 25 et 22 ans. Mais quand Nathalie Huygens rentre chez elle, après une semaine d'hospitalisation, "le fait qu'[elle] ne serai[t] plus jamais celle qu'[elle] avai[t] été est devenu évident".
"Une partie de moi-même semblait être morte"
"Rien n'allait plus. Tout le monde me disait que j'étais toujours la même, mais je n’en avais pas l’impression. Une partie de moi-même semblait être morte (...) je ne pouvais plus être avec ma famille. Je ne supportais plus que mon mari dorme avec moi, je ne supportais plus de manger à table avec eux", explique-t-elle.
"J'ai eu des crises de panique et d’anxiété, j'ai fini par avoir des pensées suicidaires et j'ai effectivement fait une tentative de suicide", relate-t-elle.
Quatre mois après son viol, elle est admise en psychiatrie, "le début d'une longue série d'admissions au fil des ans, forcées ou non".
Malgré les années, la détresse psychologique de Nathalie ne s'atténue pas. "Je suis tellement, tellement fatiguée. À part en dormant, il n'y a pas une demi-heure où je ne pense pas à ce qui m'est arrivé."
"Je me suis battue tout ce temps jour après jour pour me maintenir en vie, ce n'est pas tenable", confie la mère de famille, qui a déposé en 2021 une demande d'euthanasie, avec le soutien de sa famille, car elle "n'aspire qu'à la paix". "Je veux que la souffrance s’arrête, qu’elle se termine. Savoir maintenant que je peux mourir est quelque part rassurant."
En 2022, son fils aîné, Wout, avait publié une lettre ouverte pour soutenir son choix, dans laquelle il écrivait qu'"aucun enfant ne mérite de voir son parent souffrir de la sorte". "J'ai écrit cette lettre pour que les gens réalisent les conséquences que peuvent avoir un viol (...) la justice doit encore beaucoup progresser, les agresseurs s'en tirent avec des peines trop faibles par rapport à la souffrance des victimes", confie le jeune homme à BFMTV.
Une procédure très encadrée
En Belgique, l'euthanasie est dépénalisée depuis la loi du 28 mai 2002, entrée en vigueur le 20 septembre 2003. Depuis, quelque 2700 euthanasies sont pratiquées chaque année. Comme le rappelle à BFMTV Me Tom Michel, avocat au bureau de Paris et spécialiste du droit belge, "80% des procédures concernent les plus de 70 ans", des personnes "en fin de vie".
La procédure, "extrêmement longue", est très encadrée et nécessite que le patient répète sa demande. Elle "fait intervenir plusieurs médecins, c'est un véritable diagnostic", rappelle le conseil.
Nathalie Huygens veut "essayer de tenir" jusqu'au procès civil de son agresseur, qu'elle attend "depuis si longtemps". Interpellé 14 mois après les faits, il a écopé de 15 ans de réclusion. Il y a deux ans, la Belge est allée le voir en prison: "Pendant trois heures, je l'ai confronté. À la fin, il m'a dit: 'Vous êtes une femme si belle, si douce, si noble, cela n'aurait jamais dû arriver'. Je lui ai répondu: 'Cela n'aurait jamais dû arriver à personne, jamais'”.