"On veut nous faire disparaître": les centres LGBT face à la multiplication des actes de vandalisme

"On veut nous faire disparaître": les centres LGBT face à la multiplication des actes de vandalisme

À Tours, "le ras-le-bol" et "la lassitude" dominent au sein de la communauté LGBT: les locaux du centre LGBTQI+ (lesbien, gay, bisexuel, transgenre, queer et intersexe) de Touraine ont à nouveau été la cible de dégradations dans la nuit de vendredi à samedi dernier. La quatrième attaque en seulement deux mois.

"On ne va pas se mentir, ça nous ébranle", confie Quentin Bouttet, coprésident du centre de Touraine, inquiet pour la sécurité des bénéficiaires.

"C'est une violence symboliquement forte car nous sommes le seul lieu LGBTI de la ville. On ne s'attaque pas seulement à un lieu, on s'attaque à la communauté."

Crachats, incendie, jets de pierres ou de bouteille...

Or "quand on touche à un centre, ce sont tous les centres qui sont visés", appuie Jean-Christophe Testu, le président de la Fédération LGBTI+, qui fait le lien entre tous les centres du territoire. Pour lui, les violences contre le centre de Tours s'inscrivent dans un contexte inquiétant: "Les actes de vandalisme se multiplient en France", affirme-t-il. "Ce n'est pas du ressenti mais du vécu, les remontées sont de plus en plus nombreuses."

Le cas le plus emblématique est celui du centre de la Réunion, incendié et recouvert d'inscriptions homophobes en février dernier - le lieu s'apprêtait à fêter son premier anniversaire.

"On a attaqué notre outil de travail pour nous faire comprendre qu'on n'était pas les bienvenus dans le quartier", analyse Xylric Lepinay, président de ce jeune centre.

"Ce n'était pas la première fois qu'on était attaqués", poursuit-il. "On avait déjà fait l'objet de jets de pierres. Malgré tout, ça a fait beaucoup de mal. Beaucoup de bénéficiaires étaient en larmes et avaient l'impression d'être en deuil."

À Arras (Pas-de-Calais), Romain Hequet en a assez de nettoyer les crachats ou de décoller les stickers hostiles à la communauté LGBT apposés plusieurs fois par semaine sur la vitrine du centre. Le drapeau arc-en-ciel a été retrouvé arraché à six reprises depuis septembre dernier, selon le président de Fiertés Pas-de-Calais, qui estime que la réponse des autorités n'est pas assez ferme.

"Je vais régulièrement déposer des plaintes contre X qui, j'ai l'impression, ne servent pas à grand chose", affirme-t-il. "À force, je ne le fais même plus systématiquement, et j'attends parfois d'avoir plusieurs actes à déplorer pour me déplacer."

Une violence "décomplexée"

L'ambiance semble être la même à Nantes, où le centre LGBT Nosig est régulièrement ciblé. Plusieurs fois depuis l'année dernière, la façade a été visée par des jets de bouteille, recouverte de croix celtiques - symbole régulièrement utilisé par l'extrême droite - ou de stickers à l'effigie d'Éric Zemmour. Les serrures sont aussi régulièrement retrouvées encollées, de façon à ce que les membres de la communauté ne puissent plus entrer dans les locaux.

Quatre plaintes, qui n'ont jamais abouti, ont été déposées courant 2022, affirme la présidente du centre nantais Violette Cordaro. "À chaque fois, c'est une bataille au commissariat pour qu'elles soient classées en tant qu'actes homophobes'", assure-t-elle.

"On ne se sent pas en sécurité, c'est sûr. Des jeunes qui sortaient du centre ont été insultés pas plus tard que la semaine dernière", ajoute cette femme. Pour elle, cette "violence matérielle décomplexée" est seulement la suite logique d'"une violence verbale inouïe qui est tristement devenue banale dans l'espace public et médiatique" ces derniers mois.

"On prend trop de place"

Jean-Christophe Testu, de la Fédération LGBTI+, dénonce "des signaux tangibles très négatifs" qui se multiplient. Pour lui, "il y a une volonté affichée et intentionnelle de nuire et de nier l'existence" des personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres ou queers. "Dès qu'on arrête d'être vigilant, ça ressort."

"Clairement, on prend trop de place", estime Xylric Lepinay, depuis la Réunion. "On veut nous faire disparaître de l'espace public, mais c'est pas ça qui va nous arrêter."

"Quand on voit ça, on se rappelle pourquoi on est là et on sait à quoi s'en tenir", poursuit-il. "C'est incompréhensible à quel point ces centres cristallisent la haine de nos détracteurs. "

À Tours, une enquête a été ouverte et une plainte déposée en début de semaine. Les patrouilles policières vont être renforcées autour du local qui a été visé, des caméras de vidéosurveillance, un rideau métallique et une alarme vont être posées.

Mais les deux présidents du centre d'accueil craignent que ces tentatives d'intimidation à répétition ne finissent par dissuader les bénéficiaires. "C'est censé être un lieu de refuge, un safe space, et non un lieu ayant vocation à être dangereux", comme l'explique Elena Gorguet, coprésidente du centre tourangeau. "Ça nous dérange profondément d'imaginer que des personnes qui pourraient avoir besoin de nos services puissent se sentir moins à l'aise de venir à cause de ça."

La semaine dernière, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a promis de nouvelles mesures pour renforcer la lutte contre les agressions homophobes. Au programme, une cartographie des "lieux où il y a le plus de violences faites aux personnes LGBT" pour y installer des caméras de vidéosurveillance, la formation des policiers et gendarmes à la lutte contre les violences contre les LGBT ou encore la généralisation des référents spécialisés sur l'ensemble du territoire.

Article original publié sur BFMTV.com