Vers des élections anticipées en Irlande avant Noël

par Conor Humphries et Padraic Halpin

DUBLIN (Reuters) - Des élections législatives anticipées seront organisées le mois prochain en Irlande si la crise provoquée par le dépôt d'une motion de censure par le parti d'opposition Fianna Fail n'est pas résolue d'ici mardi, a déclaré vendredi le Premier ministre irlandais Leo Varadkar.

Le Fianna Fail exige la démission de la vice-Première ministre Frances Fitzgerald, ce qu'a exclu vendredi le chef du gouvernement minoritaire formé par son parti, le Fine Gael, grâce à un accord conclu entre les deux partis il y a 18 mois.

"Je pense que si nous ne trouvons pas une solution d'ici mardi, il y aura une motion de défiance contre le Tainaste (vice-Premier ministre), et que si l'opposition s'allie pour l'écarter, alors nous devrons convoquer des élections", a dit Leo Varadkar à la chaîne publique RTE.

Le Premier ministre a précisé qu'il ne souhaitait pas la tenue d'un scrutin anticipé en pleines négociations sur le Brexit, dont le futur statut de la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord est un point clé des discussions entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne.

Mais il a ajouté que si le Fianna Fail maintient sa motion de défiance et qu'une telle issue devient inévitable, il lui semblerait préférable d'organiser le scrutin avant Noël.

Le dirigeant du Fianna Fail, Micheal Martin, avait déclaré plus tôt dans la journée à la RTE que son parti avait déposé sa motion de censure dans la matinée.

Peu auparavant, une responsable du Fine Gael, la ministre de l'Emploi Regina Doherty, avait averti que le dépôt d'une motion de censure reviendrait à mettre fin à l'accord passé entre les deux formations de centre droit. Le Fianna Fail s'était engagé à s'abstenir durant les votes importants au Parlement pour permettre au Fine Gael de former un gouvernement.

Le Fianna Fail exige la démission de Frances Fitzgerald, mise en cause dans une affaire judiciaire. Le vote de la motion de censure est normalement prévu mardi prochain.

Frances Fitzgerald a reconnu avoir eu connaissance en 2015 d'efforts visant à discréditer un lanceur d'alerte qui avait dénoncé des mauvais comportements au sein de la police et ne pas avoir agi en conséquence.

Cette crise politique intervient en pleines négociations sur le Brexit entre le Royaume-Uni et l'Union européenne et à moins de trois semaines du Conseil européen des 14 et 15 décembre.

"Au moment où nous devons prendre des décisions qui auront un impact sur notre pays pendant les décennies à venir, la perspective de savoir si une élection doit avoir lieu ou un gouvernement maintenu au pouvoir est tout à fait déraisonnable", a pesté le ministre des Finances Paschal Donohoe.

LA FRONTIÈRE EN JEU

L'avenir de la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord, qui sera la seule frontière terrestre du Royaume-Uni avec l'UE après mars 2019, est l'un des trois points sur lesquels Londres et Bruxelles doivent s'entendre avant de passer à la phase suivante des négociations.

Michel Barnier, le négociateur en chef de l'UE, a assuré vendredi au chef de la diplomatie irlandaise que le bloc communautaire défendrait la position de Dublin dans les discussions à venir avec les Britanniques.

"Forte solidarité avec l'Irlande", a-t-il écrit (en anglais) sur Twitter. "Les questions irlandaises sont des questions européennes."

Le ministre des Affaires étrangères irlandais, Simon Coveney, a déclaré devant le Parlement que le gouvernement n'était pas encore prêt à donner son feu vert à la prochaine étape des négociations, à savoir des discussions sur l'avenir des relations commerciales entre Londres et Bruxelles.

L'Irlande veut que le gouvernement britannique détaille son engagement à empêcher la réinstallation d'une frontière physique entre l'Irlande et l'Irlande du Nord, qui pourrait mettre en péril l'accord de paix de 1998.

Londres assure qu'il ne pourra fournir davantage de détails que lorsque les contours d'un futur accord avec l'UE auront été dessinés, mais Dublin réclame plus qu'un affichage de bonnes intentions.

Les responsables européens soulignent que seul le maintien de normes commerciales identiques entre l'Irlande et l'Irlande du Nord permettra d'éviter la mise en place d'une frontière physique. Une solution consisterait pour l'Irlande du Nord à demeurer au sein d'une union douanière avec l'UE.

Mais Londres et le DUP, parti unioniste nord-irlandais avec lequel la Première ministre Theresa May a été contrainte de conclure un accord de coalition après perdu la majorité absolue lors des élections législatives de juin dernier, insistent de leur côté pour qu'il n'existe plus aucune barrière entre l'Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.

Cela signifierait, aux yeux de l'UE, que l'ensemble du Royaume-Uni conserve les dispositions réglementaires de l'UE, hypothèse rejetée par les partisans du Brexit.

(Guy Kerivel, Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français)