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Vers des amendes forfaitaires contre la consommation de stupéfiants

Bruno Le Maire s'est prononcé dimanche contre la dépénalisation du cannabis en France mais pour des contraventions plus systématiques, dans le sillage de la diffusion d'un rapport parlementaire qui plaide pour une amende forfaitaire pour les consommateurs. /Photo prise le 12 janvier 2018/REUTERS/Gonzalo Fuentes

PARIS (Reuters) - Bruno Le Maire s'est prononcé dimanche contre la dépénalisation du cannabis en France mais pour des contraventions plus systématiques, dans le sillage de la diffusion d'un rapport parlementaire qui plaide pour une amende forfaitaire pour les consommateurs.

"Je vous donne ma conviction personnelle: il ne faut pas dépénaliser le cannabis", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances sur BFM TV. "Mais en revanche, il faut prendre la mesure de notre échec (…). On a l'arsenal répressif le plus dur et la consommation la plus élevée" en Europe.

"Je pense qu'on peut conjuguer des amendes appliquées systématiquement et maintenir la pénalisation du cannabis", a-t-il ajouté.

Dans un rapport parlementaire dont la remise au gouvernement est attendue mercredi mais dont des extraits ont été diffusés dans la presse dimanche, les députés Eric Poulliat (LaRem) et Robin Reda (LR) proposent l'instauration d'une amende forfaitaire de 150 à 200 euros pour tout usage de stupéfiant.

"La mise en place d'un dispositif d'amende forfaitaire – quelle que soit sa forme – est une réforme nécessaire", jugent les deux députés, cités par Le Parisien.

"L'amende contraventionnelle de 150 à 200 euros que je propose permettrait aux forces de l'ordre de mettre fin à la procédure tout de suite, sur le terrain, avec l'usager interpellé. L'avantage, c'est la sanction immédiate et systématique", explique au journal Robin Reda, qui propose que la consommation de stupéfiant ne soit plus un délit passible de prison.

Le député Eric Poulliat propose quant à lui de maintenir la notion de délit, avec une amende forfaitaire délictuelle payable sous 45 jours, sous peine de lancement d'une procédure pénale.

Emmanuel Macron a confirmé en octobre une "forfaitisation" de certains délits sans explicitement citer les infractions liées au cannabis, dans le cadre d'une réforme de la procédure pénale conçue pour "libérer" du temps en allégeant la "lourdeur de tâches inutiles et totalement obsolètes".

Le secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats (USM), Jacky Coulon, a dénoncé une mesure qui contourne selon lui la résolution du problème des stupéfiants, qui nécessite selon lui des moyens et des structures sanitaires et sociales plutôt que des amendes.

"On peut dans certains cas prévoir le paiement d'une amende, mais ça ne peut pas être généralisé, ça ne peut pas être systématique (...). Une amende de 150 à 200 euros n'est pas la bonne solution, " a-t-il réagi sur BFM TV.

Le syndicat policier Alternative Police CFDT a salué avec prudence les conclusions des deux parlementaires, dans un communiqué.

"Si Alternative Police CFDT ne peut que se féliciter de cette avancée qui doit améliorer les conditions de travail des policiers et non les compliquer", le syndicat "met en garde sur l'orientation des décisions qui seront prises et l'obligation de mettre des garde‐fous pour ne pas glisser vers une dépénalisation totale".

L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies estime que 17 des 66 millions de Français ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, dont cinq millions d'usagers au cours de l'année précédente. Les usagers encourent aujourd'hui un an de prison et 3.750 euros d'amende.

Selon l'Observatoire, 160.000 personnes ont été mises en cause en 2016 pour usage de stupéfiants. Environ 64.000 condamnations liées à la drogue ont été prononcées en 2015, dont près de 40.000 pour usage illicite de stupéfiant.

(Julie Carriat, édité par Jean-Stéphane Brosse)