Venezuela: le candidat de l'opposition affirme avoir signé une lettre sous la contrainte

Jorge Rodriguez montre, le 18 septembre, la signature de M. Gonzalez Urrutia au bas de la lettre que ce dernier dit avoir signé sous la "contrainte" (Federico PARRA)
Jorge Rodriguez montre, le 18 septembre, la signature de M. Gonzalez Urrutia au bas de la lettre que ce dernier dit avoir signé sous la "contrainte" (Federico PARRA)

"Je devais signer pour être autorisé à quitter le pays", a affirmé mercredi l'opposant vénézuélien Edmundo Gonzalez Urrutia assurant avoir écrit "sous la contrainte" une lettre diffusée par les autorités dans laquelle il dit "respecter" la décision de justice validant la réélection du président Nicolas Maduro.

"Le président de l'Assemblée nationale, Jorge Rodriguez, et la vice-présidente de la République, Delcy Rodriguez, m'ont présenté un document que je devais signer pour être autorisé à quitter le pays. En d'autres termes, je devais signer ou faire face aux conséquences", explique dans une vidéo sur les réseaux sociaux M. Gonzalez Urrutia.

Celui-ci a trouvé asile politique en Espagne le 8 septembre. Il était visé par un mandat d'arrêt pour ne pas avoir répondu à des convocations de la justice.

Mercredi, le Sénat espagnol a à son tour demandé que Madrid le reconnaisse comme président élu du Venezuela. La chambre basse du parlement espagnol en avait fait autant la semaine dernière.

"Il y a eu des heures très tendues de coercition, de chantage et de pression. J'ai pensé que je pouvais être plus utile libre plutôt qu'en prison", poursuit-il.

"En tant que président élu par des millions et des millions de Vénézuéliens qui ont voté pour le changement, la démocratie et la paix, je ne me laisserai pas réduire au silence. Je ne les trahirai jamais (...) Ce qu'elles (autorités) devraient publier, ce sont les procès-verbaux du décompte des voix" de la présidentielle du 28 juillet, conclut-il.

- "Chantage" -

Son avocat, Me José Vicente Haro, a dénoncé mercredi soir auprès de l'AFP "un chantage qui, d'un point de vue technique et juridique, constitue un vice de consentement entraînant la nullité absolue du document", soulignant que "pratiquement, il avait le choix entre l'asile ou être privé de sa liberté".

Il a également évoqué le départ surprise de M.Gonzalez Urrutia le samedi 7 au soir et son arrivée à Madrid le lendemain: "La dernière fois que nous nous sommes parlés (avant qu'il ne parte) à 6 heures samedi, je l'ai vu sous une forte pression avec peu de possibilités de s'exprimer. Il s'agissait d'un appel vidéo où je peux voir (...) une personne psychologiquement et émotionnellement brisée (...) ce qui en dit long sur les pressions auxquelles il était soumis".

La cheffe de l'opposition vénézuélienne, Maria Corina Machado, a quant à elle déclaré lors d'une interview diffusée mercredi qu'il fallait "faire comprendre à M. Maduro que la répression et les crimes contre l'humanité ont des conséquences".

"Sa meilleure option, et bientôt je dirais sa seule option, va être d'accepter les termes d'une négociation avec nous pour une transition démocratique", a-t-elle insisté sur la chaîne argentine LN+.

Ceux qui font partie de l'entourage de M. Maduro "commencent à comprendre que la meilleure option pour eux est de faciliter cette transition", selon Mme Machado qui vit dans la clandestinité depuis l'annonce des résultats contestés de la présidentielle.

Mme Machado avait remporté la primaire de l'opposition mais n'avait pu se présenter car déclarée inéligible par le pouvoir.

- "Un lâche" -

Du côté du pouvoir, le président de l'Assemblée nationale Jorge Rodriguez est monté au créneau pour assurer qu'il n'y avait eu aucune pression du pouvoir lors des échanges avec M. Gonzalez Urrutia.

"C'était un ton cordial, un ton poli, (...) Il n'y a eu aucune coercition ou pression", a assuré M. Rodriguez lors d'une conférence de presse pendant laquelle il a exhibé la lettre ainsi qu'une une photo de la réunion à la résidence de l'ambassade d'Espagne.

"Pardonnez-moi si je suis grossier, M. Gonzalez Urrutia. Dans le meilleur des cas, vous êtes un lâche. Aucune force humaine ne m'obligerait à apposer mon nom sur un document", a-t-il lancé lors d'une conférence de presse.

Il a terminé en demandant à M. Gonzalez Urrutia de retirer ses propos: "Il vous reste 24 heures. Si vous insistez sur le fait qu'il s'agissait d'une contrainte, je montrerai les coulisses de la conversation".

Me Haro a précisé mercredi que M. Gonzalez Urrutia ne réagira pas aux propos de M. Rodriguez.

Dans la lettre, datée du 7 septembre et diffusée par le pouvoir sur les réseaux sociaux, M. Gonzalez Urrutia écrit: "J'ai toujours été et je continuerai à être disposé à reconnaître et à respecter les décisions adoptées par les organes de justice (...), y compris la décision susmentionnée de la Chambre électorale (de la Cour suprême), qui, bien que je ne sois pas d'accord avec elle, je respecte car il s'agit d'une résolution de la plus haute juridiction".

La Cour suprême vénézuélienne a validé la réélection pour un troisième mandat de M. Maduro proclamée par le Conseil national électoral (CNE) avec 52% des voix.

L'opposition affirme, procès-verbaux à l'appui, que M. Gonzalez Urrutia a remporté la présidentielle avec plus de 60% des voix.

Le CNE n'a cependant pas rendu publics les procès-verbaux des bureaux de vote, s'affirmant victime d'un piratage informatique, jugé peu crédible par l'opposition.

Dès son arrivée en Espagne le 8 septembre, M. Gonzalez Urrutia a déclaré qu'il poursuivrait "la lutte" pour le "rétablissement de la démocratie au Venezuela".

pgf/lpa/vgu