Le Vatican reconnaît le sanctuaire de Medjugorje mais pas les messages de la Vierge

Une statue représentant la Vierge Marie devant l'église Saint-Jacob à Medjugorje, dans le sud de la Bosnie-Herzégovine, le 9 mai 2023 (ELVIS BARUKCIC)
Une statue représentant la Vierge Marie devant l'église Saint-Jacob à Medjugorje, dans le sud de la Bosnie-Herzégovine, le 9 mai 2023 (ELVIS BARUKCIC)

Le Vatican a annoncé jeudi sa décision de reconnaître le sanctuaire de Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, sans toutefois se prononcer sur les "messages présumés" de la Vierge aux fidèles, qui s'y recueillent par millions depuis plus de 40 ans.

Dans un document d'une vingtaine de pages approuvé par le pape François, le puissant Dicastère (ministère) pour la doctrine de la foi explique avoir voulu "conclure une histoire longue et complexe relative aux phénomènes spirituels de Medjugorje" qui ont suscité des "opinions divergentes" au sein de la communauté catholique.

Le Vatican y donne finalement son "feu vert à la dévotion et à l'expérience spirituelle" des fidèles à Medjugorje, un village de 2.300 habitants devenu un lieu de pèlerinage très populaire, après que six jeunes ont raconté y avoir vu la Vierge en 1981.

Depuis lors, un million de personnes s'y rendent chaque année, dont un certain nombre rapportent les paroles que leur aurait adressées la Vierge Marie, aussi connue comme la "Reine de la paix".

En 2013, le pape François avait semé le trouble parmi les pèlerins en émettant des doutes sur les apparitions de la Vierge à Medjugorje. "La Vierge, disait-il, n'est pas un chef du bureau de poste qui enverrait des messages tous les jours".

- Aubaine pour l'Église -

La reconnaissance du Vatican, explique le document, "n'implique pas un jugement sur la vie morale des présumés voyants". Il ne se prononce pas non plus sur le caractère surnaturel ou non des messages "présumés" de Marie.

Le texte met même en garde contre "certains messages qui présenteraient des contradictions ou seraient liés aux désirs ou aux intérêts des voyants présumés ou d'autres personnes". Mais il ne remet pas en cause la sincérité des fidèles se recueillant sur le site ou se disant témoins d'apparitions et déclarations mariales.

Surtout, le Vatican souligne les vertus du site pour l'Église et la pratique religieuse, ce qu'il appelle "les fruits positifs" de Medjugorje: des visiteurs y découvrent la foi, d'autres la retrouvent ou la fortifient, d'autres encore décident d'embrasser la prêtrise, des couples se réconcilient, etc. L'Église ne constate en outre dans la vie foisonnante du sanctuaire "aucun effet négatif ou risqué".

"La majeure partie des messages a un beau contenu qui peut encourager les fidèles à se convertir et à croître dans la rencontre du Christ, à être des bâtisseurs de paix dans le monde", a justifié le préfet du Dicastère, le cardinal argentin Victor Manuel Fernandez, lors d'une conférence de presse au Vatican.

La parole de Marie telle qu'elle émerge des témoignages de fidèles reflète souvent l'histoire singulière des lieux et "le contexte œcuménique et inter-religieux de la Bosnie-Herzégovine", théâtre d'une guerre inter-communautaire qui a fait près de 100.000 morts entre 1992 et 1995, souligne le Vatican.

"Sur terre vous êtes divisés, mais vous êtes tous mes enfants. Musulmans, orthodoxes, catholiques, vous êtes tous égaux devant mon Fils et devant moi", affirme ainsi un message "présumé" de la Vierge datant de 1982.

- Rares miracles -

Des pèlerins présents jeudi à Medjugorje ont favorablement accueilli cette annonce.

Guillaume Sorin, 57 ans, un Français de Mayenne organisant des pèlerinages dans la ville plusieurs fois par ans, se dit "très heureux" de cette décision, qu'il juge "plutôt positive et bonne".

"Je viens à Medjugorje depuis un peu plus de 35 ans et j’essaye de suivre un petit peu les messages que donne la Vierge ici, et je vois beaucoup de fruits parmi les pèlerins (...) Au bout de quelques jours de pèlerinage, nombreux qui se confessent, qui retournent à la prière, qui changent de vie", explique-t-il à l'AFP.

L'histoire de l'Église catholique est jalonnée de phénomènes étranges ou inexpliqués impliquant des statues religieuses (les Vierges en larmes), d'autres artefacts ou des témoignages d'apparitions.

Face à ces manifestations parfois insolites - récemment, en Italie, une "multiplication" de pizzas -, le Vatican a publié en mai des "normes" appelant à la plus grande prudence dans l'interprétation de ces phénomènes.

Ces règles, actualisées pour la première fois depuis 1978, apportent d'indispensables outils aux évêques qui, jusqu'à présent, ont été laissés relativement libres de déterminer l'authenticité de ces cas. Le "Nihil Obstat" (Rien ne s'oppose) du Vatican sur Medjugorje a été signé par l'évêque de Mostar-Duvno, Petar Palic.

Seuls six événements surnaturels ont été "officiellement résolus" par le Vatican depuis 1950. En 1954, le pape Pie XII avait reconnu miraculeuses les lacrimations de la Vierge de Syracuse (Sicile) l'année précédente.

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