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Le variant Omicron découvert en Afrique du Sud inquiète les chercheurs mais votre priorité est ailleurs

SCIENCE - Alors que la France essaie de limiter une fulgurante cinquième vague hivernale de Covid-19, les virologues du monde entier ont depuis quelques heures les yeux rivés sur un autre pays, l’Afrique du Sud, où un nouveau variant aux mutations inquiétantes a été découvert. À tel point que l’OMS lui a attribué une lettre grecque dans la foulée, ce vendredi 26 novembre. Alors que la prochaine disponible était Nu, l’organisation a choisi de le baptiser variant Omicron.

Jeudi 25 novembre, Tulio de Oliveira, responsable du Centre de réponse aux épidémies d’Afrique du Sud, a fait le point sur ce que l’on sait lors d’une conférence de presse organisée par le gouvernement. Commençons par rappeler que les données sont encore très récentes et peuvent donc se révéler biaisées avec le temps. Pour autant, il y a beaucoup trop de signaux d’alarme pour que les virologues et épidémiologistes ne soient pas inquiets. Pour bien comprendre, regardez notre vidéo en haut de l’article [qui a été publiée avant que l’OMS ne choisisse la lettre Omicron, NDLR].

Le variant Omicron, pour l’instant baptisé B.1.1.529, dispose d’énormément de mutations à des endroits de son génome théoriquement très problématiques (la protéine spike). Et si très peu de cas ont pour le moment été répertoriés, l’accélération de l’épidémie en Afrique du Sud ainsi que d’autres analyses font craindre qu’il puisse être plus contagieux que le variant Delta.

Il est très important que les chercheurs analysent au maximum ce variant Omicron pour savoir s’il est vraiment plus transmissible, mais aussi s’il échappe en partie aux vaccins actuels. Cependant, il faut rappeler que la priorité aujourd’hui, notamment en France, reste de réussir à endiguer la vague du variant Delta, même si plusieurs cas commencent à être documentés dans le monde, y compris en Belgique.

Le variant Omicron derrière un début de hausse en Afrique du Sud

Tout commence quelques jours plus tôt, quand une des provinces d’Afrique du Sud, Gauteng, enregistre une forte hausse de cas de Covid-19, alors que la vague hivernale de Delta est passée depuis plusieurs semaines. Les chercheurs ont donc analysé les génomes de coronavirus et ont repéré une énorme proportion d’un nouveau type de variant, dont les premières séquences remontent au 14 novembre.

C’est un signe inquiétant, car s’il se confirmait, cela voudrait dire que ce variant s’impose alors que Delta domine et, donc, qu’Omicron est plus contaminant. Le graphique ci-dessous permet de mieux comprendre: il représente le pourcentage de génomes analysés en fonction du variant. En vert, on voit Beta (qui a été découvert en Afrique du Sud) s’imposer à partir de la mi-2020. Puis, en mars 2021, c’est Delta qui prend le pas.

En jaune, C.1.2 est un variant inquiétant, mais qui n’a pas vraiment réussi à s’imposer frontalement face à Delta. Ce qui est inquiétant, c’est le “pic” bleu tout à droite du graphique, qui représente Omicron (B.1.1.529).

Il ne faut pas tirer de conclusion hâtive pour autant: on parle pour l’instant de quelques dizaines de cas séquencés dans une région bien particulière.

Un variant détectable facilement

Mais d’autres signaux d’alerte ont poussé les chercheurs à communiquer si tôt à ce sujet: Omicron ne semble pas limité à cette région particulière. En effet, il est possible de détecter l’émergence de ce variant sans avoir besoin de séquencer des génomes de coronavirus, mais avec un simple criblage de test PCR.

Pour faire simple, Omicron a une propriété similaire au variant Alpha qui fait que certains kits de dépistage vont être positifs, mais d’une manière différente de Delta. Il est donc possible, très vite, d’avoir une idée approximative de la situation dans un pays.

C’est justement ce qu’on fait les chercheurs, et ils se sont rendu compte que la proportion de tests avec cette anomalie explosait dans une majorité de régions. Le graphique ci-dessous résume bien la situation: les petites barres rouges représentent le nombre de tests positifs, la courbe bleue le pourcentage de tests où le criblage fait penser que le variant Omicron se cache derrière cette infection.

Le variant B.1.1.529, découvert en Afrique du Sud, semble être présent dans une majorité de provinces (Photo: Tulio de Oliveira)
Le variant B.1.1.529, découvert en Afrique du Sud, semble être présent dans une majorité de provinces (Photo: Tulio de Oliveira)

Un ensemble de mutations très inquiétant

En résumé, pour le moment, il y a un risque non négligeable que ce variant puisse s’imposer face à Delta, mais sans certitude. En effet, le nombre de cas quotidien en Afrique du Sud est encore faible. Son émergence dans le pays peut être liée au hasard. Si un événement super-propagateur a eu lieu et que la personne infectée était porteuse de ce variant, cela peut entraîner une hausse soudaine des cas, même sans qu’Omicron soit plus transmissible que Delta. Dans un tel scénario, on devrait voir la part de ce nouveau variant redescendre dans les jours et semaines à venir.

Mais si les chercheurs sont inquiets et regardent avec tant d’attention ce variant, c’est parce qu’il possède une trentaine de mutations qui pourraient être problématiques, résume Jeffrey Barrett, le responsable de l’institut génomique Sanger.

Neuf sont déjà présents sur d’autres variants préoccupants. Trois de plus sont nouvelles, mais considérées par les spécialistes comme pouvant théoriquement donner un avantage au virus. À cela, il faut rajouter une quinzaine de mutations dont on ne sait pas grand-chose, mais qui sont clairement situées à des endroits clés du virus pour sa capacité d’infection et d’échappement immunitaire. Tom Peacock, virologue à l’Imperial College de Londres estime que B.1.1.529 a “un profil de mutations au niveau de la Spike vraiment horrible” .

Pour autant, ce ne serait pas la première fois qu’un variant aux mutations théoriquement problématiques ne s’impose pas. Le variant B.1.640, identifié au Congo, ne semble pas se répandre comme une traînée de poudre alors qu’il avait des caractéristiques inquiétantes, rappelle Tom Peacock.

“Il est important de garder à l’esprit que les mutations agissent souvent ensemble -nous ne pouvons pas prédire parfaitement ce que cette combinaison peut signifier. Attendez les résultats du laboratoire”, met en garde Emma Hodcroft, chercheuse à l’université de Bâle, spécialiste de la génétique des virus.

Et de rajouter: “Le nombre de cas en Afrique du Sud est relativement faible, ce qui peut laisser un vide dans lequel un nouveau variant peut se répandre plus facilement -il n’a probablement pas eu à entrer en concurrence avec Delta. Dans d’autres endroits, où Delta fait rage, il ne sera peut-être pas aussi adapté.”

Tulio de Oliveira a précisé que des études en laboratoire sont en cours afin d’analyser les caractéristiques du variant Omicron. Il faut aussi rappeler que même dans le pire des cas, cela ne voudrait pas dire que B.1.1.529 échapperait entièrement aux vaccins. “Cela demande beaucoup, beaucoup de mutations pou entièrement échapper à la neutralisation” des anticorps”, rappelle le biologiste Jesse Bloom.

Surtout, la priorité en France, aujourd’hui, reste de limiter l’impact de cette cinquième vague de Covid-19.

À voir également sur Le HuffPost: pourquoi certains variants s’imposent et d’autres non?

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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