Vaccination contre le Covid-19 : comment éviter que les déserts médicaux ne soient laissés pour compte ?

La vaccination contre le coronavirus s'ouvre aux plus de 75 ans dès ce lundi 18 janvier.
La vaccination contre le coronavirus s'ouvre aux plus de 75 ans dès ce lundi 18 janvier.

Dès lundi 18 janvier, la vaccination contre le Covid-19 s’ouvre aux personnes de plus de 75 ans hors Ehpad. Mais comment faire en sorte que tous, y compris ceux vivant dans des déserts médicaux, puissent en profiter ?

C’est un problème ancien, qui a eu tendance à se renforcer ces dernières années. Selon une étude menée par le gouvernement en 2018 et publiée en 2020, de plus en plus de Français ont des difficultés pour accéder à un médecin, et le nombre de zones sous-dotées n’a fait qu’augmenter depuis 2015.

Un phénomène déjà problématique en temps normal, mais qui l’est encore plus en temps de crise sanitaire. En France, près de 3,8 millions d’habitants vivent dans un désert médical et, selon Corinne Lepage, avocate de l’Association de Citoyens contre les déserts médicaux, “entre 5 et 7 millions de nos concitoyens – au bas mot – n’ont pas accès à un médecin généraliste”, a-t-elle précisé dans Ouest France.

De quoi s’interroger sur la bonne tenue de la campagne de vaccination contre le Covid-19, qui, après avoir commencé dans les Ehpad, doit s’étendre dès le lundi 18 janvier aux personnes de plus de 75 ans résidant à domicile.

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Uniquement dans les centres de vaccination

Après quelques hésitations sur le sujet, le gouvernement a finalement décidé que cet acte ne se ferait que dans les centres de vaccination dédiés. “Nous [en] aurons dix fois plus que la plupart nos voisins pour éviter aux Français de 80 ans de faire trois heures de queue dehors en plein hiver et de parcourir 150 kilomètres pour se faire vacciner”, a assuré le ministre de la Santé, Olivier Véran, sur Europe 1.

Un peu à l’image des centres de dépistage, les centres de vaccination peuvent être rattachés à des hôpitaux, mais ils devraient aussi pouvoir être installés dans des maisons médicales, des gymnases ou salles des fêtes mis à disposition par les communes. Selon Franceinfo, il existe déjà trois centres de vaccination agréés par département depuis le 11 janvier. Un chiffre qui grimpera entre cinq et sept d’ici la fin du mois.

Cette solution permet aux personnes n’ayant pas de médecin généraliste attitré de se faire vacciner quand même. “Ces centres, avec des médecins libéraux, volontaires, retraités… C’est quelque chose qu’on réclamait, parce qu’on trouvait ça inimaginable pour les 9 millions de Français sans médecin généraliste de ne pas se faire vacciner”, commente Maxime Lebigot, président de l’Association de Citoyens contre les déserts médicaux.

Pas prêts pour le 18 janvier ?

Mais ce système ne balaie pas les craintes concernant la distance à parcourir pour rejoindre un centre de vaccination - notamment dans les zones les plus rurales ou montagneuses -, ni celles au sujet des personnes qui ne peuvent pas se déplacer, faute de permis de conduire, de voiture, ou parce que leur état de santé ne leur permet pas. Un problème qui se pose forcément lorsque le public visé a plus de 75 ans.

“Il y aura des centres partout où ce sera nécessaire, il n’y a pas de doute”, rassure l’Agence Régionale de Santé de Centre-Val-de-Loire. “Un certain nombre d’entre eux seront mis en place dès lundi, d’autres viendront se greffer”, nous explique-t-on. Dans cette région qui compte plusieurs départements ruraux, comme l’Indre, le Cher et une partie de l’Eure-et-Loir, “la problématique de désertification médicale ne jouera pas dans la vaccination”, affirme l’ARS.

Jacques Battistoni, médecin généraliste et président du syndicat MG France est un peu moins optimiste. “Est-ce que ça va être prêt pour le 18 ? La réponse est non. Dans certains endroits, on pourra commencer, mais pas partout”, estime-t-il.

La vaccination pour les plus de 75 ans démarre lundi 18 janvier.
La vaccination pour les plus de 75 ans démarre lundi 18 janvier.

Des centres pas assez proches de la population

Surtout, il aimerait que les centres de vaccination se rapprochent plus de la population. “On voit qu’il y a effectivement de plus en plus de centres, mais la majorité sont liés à des hôpitaux”, constate-t-il. Il précise : “Nous, on souhaitait que, dans le plus de cas possibles, les professionnels de santé des villes puissent créer leurs propres centres de vaccination, en s’appuyant sur les organisations territoriales existantes qui sont nombreuses, comme les Maisons de Santé Pluridisciplinaires, les cabinets de groupe, les Communautés professionnelles territoriales de santé”. De quoi offrir un maillage territorial particulièrement développé.

Des projets allant en ce sens sont, pour l’heure, toujours en attente de validation. Et ne seront donc pas près à démarrer dès lundi, puisqu’ils “ne savent pas encore s’ils auront des doses de vaccin, ni combien, et ne peuvent donc pas calibrer le nombre de rendez-vous disponibles”, précise Jacques Battistoni. “Il n’est pas question de dire à la population de faire 50 km pour se faire vacciner, surtout quand ils ont plus de 75 ans”, martèle le médecin généraliste.

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Équipes mobiles ou système de transport ?

Quant à ceux dont la mobilité est réduite, l’organisation est, pour l’heure, bien loin d’être achevée. “Est-ce qu’il y aura des équipes mobiles, est-ce que des transports seront mis en place… ça fait partie de discussions entre les ARS, les préfecture, les collectivités locales, les médecins libéraux ou les ordres”, nous expliquait l’ARS de Centre-Val-de-Loire, mercredi 13 janvier, en concédant que tout ne serait “pas prêt à 100% lundi”. Si certaines communes réfléchissent à un système de tournée pour récupérer les patients, d’autres envisagent de mettre en place des rotations des centres à disposition. Dans tous les cas, la mise en oeuvre reposera “sans doute sur le milieu associatif, comme la Croix Rouge ou la Protection Civile”, estime Maxime Lebigot.

Quel que soit le choix, “il faut qu’on reste vigilant sur cette question”, prévient le président de l’Association de Citoyens contre les déserts médicaux. D’autant qu’il s’attend à ce que les informations et les validations de la part de l’État n’arrivent que tardivement. “Comme d’habitude, on saura le lendemain pour la veille !”, redoute-t-il.

Les personnels soignants déjà sur le pont

Dans l’immense organisation que représente ce plan vaccinale, deux phases semblent toutefois rassurantes. Le transfert du matériel vers les centres, d’abord. “Ce sera sans doute ça le moins long, les hôpitaux ont des grosses forces de transport”, commente Maxime Lebigot.

Et la disponibilité du personnel soignant, d’autre part. “Je n’ai pas d’inquiétude” sur le sujet, nous confie Jacques Battistoni, président du syndicat MG France. Il décrit un “élan collectif” : “Les médecins généralistes sont des citoyens et ils ont en tête l’impérieuse nécessité de réussir la vaccination”, commente-t-il. Mais, dans les zones sous-dotées, “ça risque d’être toujours les mêmes qui seront mis à contribution”, tempère de son côté le président de l’Association de Citoyens contre les déserts médicaux.

Les premières semaines de cette nouvelle phase du plan de vaccination devraient rapidement permettre de voir si personne, en ville ou en campagne, n’est laissé pour compte dans cette stratégie.

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