USA: Verdict mardi sur la fusion AT&T/Time Warner

par Diane Bartz et Carl O'Donnell

WASHINGTON (Reuters) - AT&T, l'opérateur télécoms américain propriétaire du réseau de télévision DirecTV, saura enfin mardi s'il peut acquérir Time Warner, la maison mère de CNN et d'autres chaînes largement diffusées aux Etats-Unis, pour 85 milliards de dollars (72 milliards de dollars).

Au cours des six semaines qu'a duré le procès intenté par le département de la Justice devant un tribunal du district de Colombia, le gouvernement a fait valoir que la fusion était illégale car elle donnerait la capacité à AT&T de priver les concurrents de DirecTV de la chaîne HBO et des chaînes de Turner, dont CNN.

Or les réseaux câblés ont besoin de chaînes comme CNN et de retransmissions sportives pour survivre, selon le département de la Justice.

En face, AT&T a assuré qu'il ne songerait pas à garder pour lui ces chaînes dont les licences valent cher. L'opérateur télécoms a proposé un arbitrage en faveur des câblo-opérateurs plus petits et a promis de ne pas couper l'accès aux chaînes de Turner pendant une durée de sept ans en cas de litige sur le prix des contenus.

Dans une note du 6 juin, les analystes d'UBS écrivent que le cours de Bourse de Time Warner reflète une probabilité de 50% de voir aboutir le projet de fusion annoncé à l'automne 2016.

Voici les scénarios envisageables après la lecture du verdict par le juge Richard Leon, du tribunal de district du District de Colombia :

L'ACCORD AUTORISÉ SANS CONDITION

C'est évidemment l'issue espérée par AT&T, qui lui permettrait d'ajouter des ventes de contenus à ses revenus actuellement tributaires du marché en voie de saturation de la téléphonie mobile, de son réseau de téléphonie fixe et de son offre de télévision payante.

"AT&T cherche clairement une stratégie de diversification pour ses revenus. DirecTV est sous pression. Il s'agit pour lui de se protéger contre les coûts liés aux contenus", dit Mike McCormack, analyste spécialiste des télécoms chez Guggenheim.

Ce verdict encouragerait d'autres opérateurs de télévision payante ou des groupes internet - comme Comcast ou Google - à se lancer dans l'acquisition de contenus.

En mai, Comcast a dit préparer une offre de plus de 50 milliards de dollars pour l'essentiel des actifs médias de Twenty-First Century Fox, également convoités par Disney. Selon des sources, le câblo-opérateur ne mènera ce projet à bien que si le juge Leon avalise la fusion AT&T-Time Warner.

L'OFFRE EST REJETÉE

Un verdict défavorable serait surtout pénalisant pour AT&T, contraint alors de se chercher une nouvelle stratégie.

Time Warner semble mieux armé pour poursuivre seul. Ses contenus exclusifs comme la série "Game of Thrones" sur HBO, le tournoi de basket "March Madness" sur Turner Sports et l'information en continu de CNN permettent au groupe de médias et de divertissement d'enregistrer de solides résultats trimestriels.

Par contraste, les résultats d'AT&T ont été erratiques ces deux dernières années, fluctuant au gré des nouveaux abonnements à ses services de téléphonie ou des désabonnements à DirecTV.

Allan Nichols, analyste chez Morningstar, pense qu'un verdict défavorable serait paradoxalement une bonne chose pour AT&T. "La valeur qu'il tirera (de Time Warner) ne permettra pas de générer des retours suffisants pour justifier le montant de l'acquisition", affirme-t-il.

ACCORD AUTORISÉ AVEC OBLIGATION DE CÉDER DIRECTV OU TURNER

Une décision obligeant AT&T à céder DirecTV et ses 20 millions d'abonnés, ou Time Warner à se séparer des chaînes Turner, susciterait probablement un appel des deux groupes.

Quand, au procès, le représentant du gouvernement a suggéré qu'AT&T cède DirecTV en guise de compromis, Daniel Petrocelli, au nom des deux groupes, a dénoncé avec force une "tentative pour tuer l'accord."

ACCORD AUTORISÉ AVEC DES CONDITIONS AUTRES QUE DES CESSIONS

Au cours du procès, le juge Leon a posé peu de questions mais la plupart portaient sur la pertinence d'une proposition d'arbitrage.

L'an dernier, AT&T a offert de soumettre à un arbitrage tiers tout éventuel contentieux de prix avec d'autres réseaux payants utilisant les chaînes de Turner. En cas de procédure d'arbitrage, les deux groupes se sont engagés à ne pas priver les chaînes clientes de programmation pendant sept ans.

Le câblo-opérateur RCN et d'autres ont exhorté le juge à inclure tous les actifs de Time Warner, notamment HBO, dans cette proposition et à faire en sorte que les diffuseurs puissent connaître le prix payé par d'autres distributeurs pour les contenus.

(Véronique Tison pour le service français)