USA: Le Sénat autorise des témoins au procès en destitution de Trump

par David Morgan, Makini Brice et Richard Cowan

WASHINGTON (Reuters) - Les sénateurs américains ont voté samedi pour autoriser des témoins à être auditionnés dans le cadre du procès en destitution de Donald Trump, ce qui devrait retarder le verdict.

L'ancien président américain est jugé depuis mardi devant la chambre haute du Congrès pour incitation à l'insurrection en lien avec l'assaut du Capitole du 6 janvier.

Au lendemain des plaidoiries des avocats de Donald Trump, qui ont sans surprise réclamé son acquittement, un verdict était attendu dès samedi, ce qui semble peu probable désormais après ce vote adopté par 55 voix contre 45.

La décision de convoquer des témoins est intervenue après des propos d'une élue républicaine, Herrera Beutler, qui avait voté en janvier la mise en accusation de Donald Trump à la Chambre des représentants, comme neuf autres collègues du Parti républicain.

Herrera Beutler a dévoilé vendredi soir des détails d'une conversation entre Donald Trump et le chef de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy, après l'assaut du 6 janvier, au cours de laquelle l'ancien président a déclaré que les assaillants du Capitole "semblaient plus contrariés par l'élection" que McCarthy lui-même.

Herrera Beutler a également rappelé que Donald Trump avait dans un premier temps rejeté toute implication de ses partisans dans l'attaque, affirmant que les émeutiers appartenaient à la mouvance d'extrême gauche "Antifa", une hypothèse rejetée par Kevin McCarthy.

L'ex-président américain est accusé d'avoir incité ses partisans réunis à Washington à marcher sur le Capitole et à s'en prendre aux parlementaires pour empêcher la certification par le Congrès de l'élection de Joe Biden.

Vendredi, ses défenseurs ont affirmé que le camp démocrate n'avait apporté aucune preuve de sa responsabilité dans les émeutes lors desquelles cinq personnes, dont un policier, sont décédées.

Selon eux, le discours prononcé par le milliardaire avant l'assaut qui appelait les manifestants à "combattre" pour interrompre le processus de certification, était protégé par le premier amendement de la constitution des Etats-Unis, qui garantit la liberté d'expression.

UNE CONDAMNATION TRÈS PEU PROBABLE

"Prétendre que le président, de quelque manière que ce soit, a souhaité, désiré ou encouragé des comportements illégaux ou violents est un mensonge grotesque et monstrueux", a déclaré Michael van der Veen, l'un des avocats de Donald Trump.

Lors des audiences précédentes, des membres démocrates de la Chambre des représentants ont diffusé des enregistrements vidéo et des tweets qui, selon eux, prouvaient que Donald Trump avait ouvert la voie aux violences du 6 janvier en affirmant à de multiples reprises au cours des semaines précédentes que les résultats de l'élection présidentielle du 3 novembre étaient entachés de fraudes.

Pour les démocrates, l'ex-président a appelé au rassemblement à Washington, il a donné des instructions aux manifestants et il n'a rien fait pour arrêter les violences. Son unique appel à agir pacifiquement ne l'absout pas, ont-ils ajouté.

Il est très peu probable que le vote du Sénat aboutisse à une condamnation puisque celle-ci nécessite une majorité des deux tiers, donc la défection de 17 sénateurs républicains.

Mardi, seuls six sénateurs du "Grand Old Party" avaient joint leurs voix à celles des démocrates pour déclarer le procès constitutionnel en dépit du fait que le mandat de Donald Trump soit terminé depuis le 20 janvier.

Si l'ex-président est acquitté, le Sénat peut décider de le "censurer", voire de l'empêcher d'occuper de nouveaux des fonctions officielles.

Interrogé jeudi sur cette dernière possibilité, Chuck Schumer, le chef de file de la majorité démocrate du Sénat, a déclaré que la décision ne serait prise qu'à l'issue du procès.

Donald Trump est le premier président à être visé par deux procédures en destitution et le premier à être jugé par le Congrès après avoir quitté ses fonctions.

La première procédure d'"impeachment", qui visait les pressions présumées exercées sur l'Ukraine afin que Kiev ouvre une enquête sur Joe Biden et son fils, avait abouti l'an dernier à un acquittement par un Sénat alors contrôlé par les républicains.

(Version française Marc Angrand et Jean-Stéphane Brosse)