USA: Les salaires ralentissent malgré la hausse de l'emploi

par Lucia Mutikani

WASHINGTON (Reuters) - Les créations de postes ont fortement augmenté en février aux Etats-Unis, affichant leur plus forte hausse en plus d'un an et demi, mais un ralentissement de la hausse mensuelle des salaires annonce une accélération progressive de l'inflation cette année.

L'économie américaine a créé 313.000 emplois le mois dernier, portée par des créations d'emplois dans le secteur de la construction au plus haut depuis 2007, a annoncé vendredi le département du Travail.

L'augmentation des créations de postes le mois dernier a atteint son plus haut niveau depuis juillet 2016 et s'inscrit nettement au-dessus des quelque 100.000 créations d'emplois par mois nécessaires pour suivre le rythme de croissance de la population américaine en âge de travailler.

Les statistiques de l'emploi pour les mois de décembre et de janvier ont été révisées pour faire état de 54.000 emplois créés en plus par rapport aux premières estimations.

La rémunération horaire moyenne a augmenté de quatre cents à 26,75 dollars, soit de 0,1%, en février, après avoir progressé de 0,3% le mois précédent. La hausse annuelle des salaires ressort ainsi à 2,6% contre 2,8% en janvier.

Le taux de chômage est resté inchangé à un plus bas de 17 ans de 4,1% en février. La durée de la semaine de travail moyenne a rebondi, à 34,5 heures, le mois dernier après avoir légèrement fléchi à 34,4 heures en janvier.

Les économistes interrogés par Reuters attendaient en moyenne 200.000 créations d'emplois en février, une hausse du salaire horaire de 0,2% et un taux de chômage de 4,0%.

Sachant que les responsables de la Réserve fédérale considérent que le marché du travail est proche ou un peu au-delà du plein emploi, la modération de la croissance des salaires le mois dernier ne changera probablement rien aux attentes d'un relèvement des taux d'intérêt de la banque centrale américaine à l'issue de sa réunion des 20 et 21 mars.

La lenteur de la croissance des salaires pourrait toutefois tempérer les anticipations de quatre hausses de taux cette année au lieu des trois prévues. Les investisseurs espèrent que le resserrement des conditions du marché du travail va accélérer la croissance des salaires cette année et pousser l'inflation vers l'objectif de 2% de la Fed.

Les spéculations autour d'une augmentation du nombre de hausse de taux prévus par la banque centrale ont été favorisées par les propos de son président, Jerome Powell, qui a dit au Congrès la semaine dernière que "ses perspectives personnelles pour l'économie se sont renforcées depuis décembre".

Si Jerome Powell a déclaré qu'il n'y avait aucune preuve de la surchauffe de l'économie, il a cependant ajouté "ce que nous ne souhaitons pas voir se produire, c'est de rater le virage".

GAINS GÉNÉRALISÉS SUR L'EMPLOI

"De toute évidence, les statistiques du jour montrent qu'il n'y a pas vraiment de pression inflationniste sur le marché du travail", commente Steven Ricchiuto, chef économiste chez Mizuho Securities.

"Le marché du travail se tend mais la croissance des salaires est modérée. De bonnes nouvelles pour tout le monde, Main Street et Wall Street", dit Quincy Krosby, responsable de la stratégie chez Prudential Financial.

Des entreprises comme Starbucks et FedEx Corp ont dit vouloir utiliser une partie de la manne issue de la réforme fiscale américaine de 1.500 milliards de dollars (1.219 milliards d'euros) pour augmenter leurs salaires. Walmart a annoncé une revalorisation des petits salaires des employés de ses magasins américains à compter de février.

Le rapport sur l'emploi suggère que l'économie est restée solide malgré la faiblesse des dépenses de consommation, des ventes de logements, de la production industrielle et un creusement du déficit commercial en janvier, qui ont amené les économistes à abaisser leurs estimations de croissance pour le premier trimestre.

Les estimations de croissance annualisée du produit intérieur brut du trimestre de janvier à mars sont autour d'un taux de 2%. L'économie a crû de 2,5% au quatrième trimestre.

Les économistes s'attendent par ailleurs à ce que le taux de chômage aux Etats-Unis tombe à 3,5% cette année.

Le taux de participation de la main d'oeuvre, ou le pourcentage de la population en âge de travailler ayant un emploi ou étant à la recherche d'un emploi, est passé de 62,7% en janvier à 63,0% en février.

Les créations d'emplois ont été généralisées. Le secteur du BTP, soutenu sans doute par des températures anormalement douces, a généré 61.000 postes, au plus fort depuis mars 2007.

Dans l'industrie, grâce à une forte demande intérieure et internationale et à la baisse du dollar, 31.000 emplois ont été créés. La distribution a gagné 50.300 postes et le nombre d'emplois publics a augmenté de 26.000.

Des créations d'emplois ont également été enregistrées dans les services aux entreprises, les loisirs et l'hôtellerie, ainsi que dans la santé et les services sociaux.

Les rendements des emprunts du Trésor américain ont augmenté après ces chiffres, tandis que Wall Street évoluait en hausse, la faiblesse de la hausse des salaires éloignant au moins provisoirement la menace d'une accélération de l'inflation et de la hausse des taux.

Le dollar de son côté gagnait 0,17% face à un panier de devises de référence, une progression légèrement supérieure à celle observée juste avant les chiffres.

(Juliette Rouillon et Claude Chendjou pour le service français)