Les universités d’été, un rendez-vous stratégique pour les partis politiques
POLITIQUE - Un incontournable de la fin août. À quelques jours de la rentrée, les formations politiques ont pris l’habitude d’organiser leurs universités d’été. Moment clé dans la vie des partis, au cours duquel militants et cadres se réunissent dans un cadre plus détendu, ces événements sont surtout l’occasion de mettre en avant certains thèmes et de réfléchir aux sujets de fond, par-delà les tweets assassins et les polémiques récurrentes.
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Le modèle est partout le même : des ateliers, des conférences, des débats et des rencontres. Cette année, après une séquence électorale qui a vu le RN fortement progresser, la lutte contre l’extrême droite sera au cœur des discussions à gauche. La France insoumise, réunie comme tous les ans depuis 2020 à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), consacrera neuf moments à cette question. La mobilisation des agriculteurs, la VIe République et la défense de l’hôpital public seront aussi abordées.
Ukraine, Palestine, inflation…
Du côté des Écologistes, installés à Tours (Indre-et-Loire), le focus sera mis sur les politiques locales mises en œuvre contre le réchauffement climatique. Les communistes, eux, mettront l’accent sur la question du logement, de l’inflation et de la Palestine quand le NPA, depuis la station balnéaire de Port-Leucate, parlera guerre en Ukraine, droit à la santé et accès à l’eau.
Il y a quelques années, avec le déclin des partis traditionnels (PS et LR en tête), les universités d’été semblaient disparaître petit à petit. Lassitude militante, coûts exorbitants, faibles retombées… Finalement, au lendemain de la crise du Covid, ils se sont refait une jeunesse, au point de (re)devenir décisifs. Ce n’est pas un hasard si les petits nouveaux, comme Reconquête, se plient aussi à l’exercice.
Braquer les projecteurs
Pour tenter de braquer les projecteurs sur eux, dans un moment où l’actualité politique est généralement creuse, les partis rusent d’inventivité pour attirer des invités marquants. En invitant le rappeur Médine l’an dernier, les Verts et les Insoumis avaient volontairement fait « un coup », au prix d’une intense polémique. Cette année, la bronca devrait être moindre, puisque les premiers invitent l’actrice Judith Godrèche, porte-voix du #MeToo dans le cinéma, et l’humoriste Thomas VDB. De son côté, LFI convie le porte-parole du NPA Olivier Besancenot, l’agriculteur Cédric Herrou et la militante antiraciste Assa Traoré.
C’est aussi le moment que choisissent certains pour lancer une idée dans le débat, faire acte de candidature ou… sortir du bois. Il y a dix ans quasiment jour pour jour, le 24 août 2014, le ministre de l’Économie Arnaud Montebourg tente une blague un verre à la main : « Je vais lui envoyer une bonne bouteille de la cuvée du redressement au président, hein ! » Le lendemain, il est débarqué du gouvernement. En 2023, Ségolène Royal avait choisi les Amfis pour se déclarer « prête » à prendre la tête d’une liste d’union de la gauche aux européennes. À la surprise générale (et sans succès).
Un « bal des egos horripilant »
Cette année, dans un contexte politique singulier, la candidate commune du NFP pour Matignon Lucie Castets voyagera entre les quatre universités d’été de la gauche. Une façon de se mettre en scène auprès de militants bien décidés à faire pression sur Emmanuel Macron. Car ces événements sont, depuis leur origine, une démonstration de force autant qu’une vitrine politique. Dans ses grandes heures (de 1993 à 2015), le PS investissait La Rochelle le temps d’un week-end. À la faveur d’un Olivier Faure qui dézinguait « un bal des egos devenu horripilant », les socialistes sont désormais reclus à Blois, à la Halle aux Grains.
Il faut dire que ces moments sont aussi l’occasion de tester les rapports de force internes. Qui sont les absents ? Qui refuse ostensiblement d’applaudir tel discours ? « Les universités d’été sont devenues, avec le temps, la caisse de résonance des conflits internes, le cadre d’expression des diverses sensibilités et courants », confirmait le politologue Rémi Lefebvre dans Le Monde en 2018.
En 2010, les journalistes étaient restés estomaqués par la façon dont les clans Xavier Bertrand et Jean-François Copé s’étaient durement affrontés à Port-Marly, où l’UMP avait posé ses valises, sur fond de remaniement imminent et d’ambitions grandissantes. Sur un autre terrain, plus amusant, le Premier ministre Dominique de Villepin avait à dessein exhibé son torse sculpté sortant de l’eau sur la plage de la Baule en 2005. À côté, Nicolas Sarkozy et son physique — disons plus modeste — n’en menaient pas large…
Karaoké, DJ et pièces de théâtre
Les journées d’été, telles qu’on les connaît aujourd’hui, ont été lancées en 1975. Pour la première fois, les jeunes giscardiens prenaient d’assaut le campus de Montpellier pour trois semaines au mois d’août. Des photos de l’époque ressortent parfois sur les réseaux sociaux : on y voit Jean-Pierre Raffarin, chemise ouverte aux trois quarts, chantant Que je t’aime de son idole Johnny Hallyday.
Car si les journées sont traditionnellement consacrées aux débats de fond, le programme est allégé en soirée : LFI propose des spectacles, des pièces de théâtre et des concerts ; les Écologistes, adeptes du karaoké, misent cette année sur une fanfare et un DJ ; les socialistes renouvellent leur iconique « Léon Boum », destinée aux plus jeunes. L’occasion pour les militants de se retrouver dans un cadre plus décontracté que le reste de l’année en refaisant le monde autour d’un verre ou sous un arbre. Une parenthèse détente bienvenue au milieu de l’âpreté du combat politique.
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