"Il nous a unifiés": Donald Trump dope le nationalisme au Canada avec sa proposition de fusion
Le Premier ministre Justin Trudeau a démissionné le 6 janvier dernier mais c'est un autre homme qui fait la une au Canada: Donald Trump. Ses ingérences répétées contre le pays agitent la société canadienne qui s'interroge sur son identité face à son imposant voisin du sud.
Les moqueries du président élu américain et sa menace de faire usage de la "force économique" contre son voisin du nord semblent avoir réveillé le sentiment nationaliste dans le pays. Selon un sondage, seuls 10% des Canadiens sont en faveur d'une fusion avec les États-Unis.
"Jamais, au grand jamais, le Canada ne fera partie des États-Unis", a réagi le Premier ministre Justin Trudeau, faisant écho au ressenti de nombreux Canadiens face à un Donald Trump au ton conquérant.
"Nous sommes déterminés et coriaces"
Même les admirateurs du président républicain élu trouvent qu'il est allé trop loin avec ses allusions répétées à la possible annexion du Canada.
"Je suis très fier d'être Canadien. J'aime ce pays. J'aime voyager aux États-Unis. J'aime faire des affaires aux États-Unis, mais le Canada, c'est chez moi", résume Paul Koidis, admirateur de Donald Trump originaire de Toronto.
S'il reconnaît que du point de vue culturel, Américains et Canadiens sont très proches, les habitants des deux pays ont une mentalité très différente, insiste-t-il. Pour un éditorialiste du quotidien Toronton Star, Andrew Phillips, "l'hypothèse sous-jacente selon laquelle il n'y a pas de plus grand cadeau que d'être américain tombe à plat".
"On assiste plutôt à une résurgence du patriotisme face au dédain envers les MAGA", souligne-t-il estimant qu'on perçoit aujourd'hui "l'émergence d’un débat sain et attendu depuis longtemps: comment être Canadien à une époque où les États-Unis sont devenus quelque chose de très différent?". Un débat qui selon lui sera le "thème" des prochaines élections.
L'ancien Premier ministre canadien, Jean Chrétien, affirme dans une lettre ouverte publiée dans le Globe and Mail que "Trump a unifié les Canadiens plus que jamais", rapporte Radio-Canada.
Avant d'ajouter: "Nous avons bâti une nation sur le territoire le plus accidenté et le plus difficile qu'on puisse imaginer. Nous pouvons paraître faciles à vivre et doux. Mais ne vous y trompez pas, nous sommes déterminés et coriaces".
"À ma grande satisfaction, même le Bloc québécois défend le Canada!", ironise celui qui a dirigé le pays de 1993 à 2003. Les déclarations de Donald Trump provoquent un sentiment d'urgence "qui peut rapprocher les gens des différentes provinces", analyse Daniel Béland, expert en sociologie politique.
Dans les faits, les partisans de l'indépendance québécoise cherchent plutôt à contrecarrer ce discours sur l'unité canadienne, qui nuit à leur cause, et mettent l'accent sur la "solidarité québécoise" et le réel écart culturel avec les États-Unis.
Les dirigeants canadiens appelés à montrer "détermination" et "ténacité"
L'ancien chef de gouvernement Jean Chrétien appelle surtout les dirigeants fédéraux et provinciaux du Canada à la pugnacité face au 47e président des États-Unis. "Commencez à montrer cette détermination et cette ténacité. C’est ce que les Canadiens veulent voir — c’est ce qu’ils ont besoin de voir. (...) Les Canadiens sont prêts à suivre. Vous devez ouvrir la voie", lance-t-il.
L'éditorialiste Brian Lilley du Toronto Sun juge que Donald Trump "a rendu le patriotisme à nouveau cool parmi l’élite dirigeante du Canada". "Les Canadiens souhaitent depuis longtemps que leurs dirigeants défendent leur pays. Les Canadiens moyens sont restés patriotes, mais ce sont nos dirigeants qui ont perdu leur chemin", déclara-t-il dans les colonnes du quotidien. Il point notamment du doigt Justin Trudeau qui affirmait en 2015 qu'il "n’y a pas d’identité fondamentale, pas de courant dominant au Canada".
Dans le Calgary Herald, l'éditorialiste Rick Bell exhorte le Canada à trouver "du courage, de la colonne vertébrale et, oui, un peu de patriotisme". "Peut-être y a-t-il trop de cœurs et d’esprits qui se sont étouffés pendant si longtemps avec les balivernes et les slogans vides de calories du gouvernement canadien que des sentiments comme le patriotisme sont tellement démodés", a-t-il déploré soulignant que "peut-être que l’idée de patriotisme est tout simplement trop américaine pour le Canada".
"Il faut mettre le Canada d'abord"
Comme ces éditorialistes, de plus en plus de Canadiens souhaitent voir la classe politique s'opposer plus fermement aux attaques de Donald Trump jugeant cela très vexant et inamical. "On ne veut pas être le 51e État. Nous, on est bien comme étant le voisin, on s'entraide, on coopère, mais sans plus, on ne veut pas être Américain", s'énerve Marie-Josée Roussy, habitante du Québec.
"Tout cela était absurde et commence aussi à nous effrayer", dit-elle. De l'autre côté du pays, Michael Connolly, étudiant en histoire en Alberta va plus loin, il exhorte le gouvernement canadien à "repousser l'impérialisme américain".
"Nous sommes une nation souveraine avec une identité et une culture uniques qui méritent le respect", estime-t-il.
Les politiques sont ainsi de plus en plus nombreux à s'emparer de la question. La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, apelle le Canada à "continuer à se défendre". "On va continuer de montrer qu’on a une économie forte, que notre monde est fort, puis jamais on ne va tomber face aux menaces", déclare-t-elle.
"Il faut se défendre, il faut se tenir debout et il faut mettre le Canada d'abord", assure de son côté le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, d'après le journal québécois La Presse.
Quand le Premier ministre québécois, François Legault, demande à ses collègues de provinces et aux membres du gouvernement de "garder la tête froide" et de "refuser d’entrer dans le jeu" de la future administration américaine.