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Une vidéo attise la violence entre Israéliens et Palestiniens

par Luke Baker JÉRUSALEM (Reuters) - Une vidéo amateur de deux minutes, enregistrée lundi dans un quartier du nord de Jérusalem, a cristallisé cette semaine la haine et l'incompréhension qui opposent Palestiniens et Israéliens pris dans un engrenage de violences. Sur les images, on voit un adolescent palestinien de 13 ans, Ahmed Manasra, originaire du quartier de Beit Hanina situé dans la partie nord de la ville, allongé dans une rue de la colonie de peuplement de Pisgat Zeev. Ses jambes sont repliées sous lui et du sang coule de son visage. L'enfant vient d'être renversé par une voiture. En fond sonore on entend des cris en hébreu, "Meurs, fils de p...". La police maintient à l'écart les badauds qui continuent de proférer des injures. Une ambulance arrive une minute plus tard, le blessé tente de se relever mais les policiers l'allongent sur le sol et vérifient qu'il ne porte pas un gilet d'explosifs. Mercredi, soit deux jours plus tard, la police israélienne a diffusé une seconde vidéo prise, elle, par plusieurs caméras de surveillance quelques minutes avant l'incident présenté sur les images amateur. Les différents plans, obtenus à partir de différentes caméras, montrent d'abord la préparation d'une attaque par deux adolescents armés de couteaux. Puis, on voit les deux jeunes gens agresser et blesser grièvement un garçon au moment où celui-ci enfourche son vélo à la sortie d'une épicerie. Selon la police, Ahmed Manasra et son cousin âgé de 15 ans sont les auteurs de cette agression. La famille des adolescents nie les faits. Pour les Palestiniens, la vidéo amateur, devenue virale via les réseaux sociaux, est une preuve supplémentaire de la violence des forces de l'ordre israéliennes. Pour les Israéliens, la vidéo de surveillance montre l'agression d'un garçon innocent à la sortie d'un magasin. "Chaque camp vit dans une dimension différente", souligne Daniel Nisman, expert des questions de renseignement et de sécurité. "Vous pouvez avoir un même incident qui est immédiatement interprété de deux manières totalement différentes". Ahmed Manasra est toujours vivant. Il est soigné dans un hôpital israélien. En revanche, son cousin est mort, abattu par les forces de l'ordre comme le montre la vidéo publiée par la police. "USAGE EXCESSIF DE LA FORCE" Pour les enquêteurs, il ne fait aucun doute que Manasra et son cousin sont les auteurs de l'agression mais tous les éléments de preuve qu'ils ont fournis n'ont pas suffi à apaiser la colère des Palestiniens dont l'attention se focalise sur la première vidéo. Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et d'autres dirigeants palestiniens ont immédiatement dénoncé une exécution de "sang-froid" commise par les forces de l'ordre israélienne. La chronologie de publication des vidéos a, elle aussi, contribué à attiser la colère et l'indignation sous l'effet d'accélérateur joué par les réseaux sociaux. La vidéo amateur montrant Manasra blessé est parue lundi mais il a fallu attendre mercredi pour disposer des images de surveillance montrant l'agression commise par les deux adolescents, le temps nécessaire à l'enquête de police. "A ce moment-là, le mal était fait. Il était trop tard", juge Daniel Nisman. Cette vague de violence qui a fait jusqu'à présent 7 morts israéliens et 32 tués palestiniens inquiète également les capitales étrangères et notamment Washington. Le porte-parole du département d'Etat, John Kirby, a estimé mercredi que les contrôles instaurés par les forces de l'ordre israéliennes autour de Jérusalem-Est se justifiaient par la nécessité de protéger la population. Mais, a-t-il ajouté, "nous avons probablement assisté à des choses que certains pourraient considérer comme un usage excessif de la force". L'expression a été récusée par le ministre israélien de la Défense Moshe Yaalon, qui a estimé lors d'une intervention sur la radio de l'armée qu'abattre quelqu'un qui vous menace d'un couteau constitue de la "légitime défense". (Pierre Sérisier pour le service français, édité par Tangi Salaün)