Une séance improductive sur les retraites complémentaires

par Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - La quatrième séance plénière de négociation sur l'avenir des retraites complémentaires des salariés du privé n'a pas permis mercredi aux partenaires sociaux de progresser et rendez-vous a été pris le 22 juin pour tenter de sortir de l'impasse. Face à un tollé unanime des syndicats, qui leur reprochent d'avoir durci leurs propositions, le Medef, la CGPME et l'Union professionnelle artisanale (UPA) ont accepté de revoir d'ici là leur copie après une série de réunions bilatérales. Le patronat évalue à au moins 8,4 milliards d'euros les économies à faire d'ici 2020 par l'Agirc, le régime des cadres, et l'Arrco, à laquelle sont affiliés la quasi-totalité des salariés du privé, pour les ramener à l'équilibre. Ces caisses, gérées par les partenaires sociaux, versent à 12 millions de retraités plus de 70 milliards d'euros par an et leur assure un complément de revenu représentant 25% à 50% de leur pension, voire les deux tiers pour des cadres supérieurs. Si rien n'est fait, les réserves de l'Agirc seront épuisées en 2018 et celles de l'Arrco vers 2023-2025, selon les experts. Dans un document transmis vendredi dernier aux syndicats, le patronat propose, parmi d'autres mesures, de rogner les pensions versées par le biais d'une indexation inférieure de 1,5 point à l'inflation, ou le montant de celles des futurs retraités par un renchérissement du prix d'achat des points de retraite. Il suggère aussi d'inciter les actifs à retarder leur départ à la retraite par un système de décote, par exemple de 40% pour un salarié ou un cadre cessant ses activités à 62 ans s'il a une pension à taux plein dans le régime général, de 30% à 63 ans, de 18% à 64 ans, etc. jusqu'à 67 ans. Selon le document patronal, ce système entrerait en vigueur le 1er janvier 2017. Les syndicats reprochent au patronat de ne faire reposer les efforts que sur les salariés et les retraités et de ne proposer aucune contribution des employeurs, notamment par le biais d'une hausse de cotisations que refuse jusqu'ici le Medef. "Le patronat a poussé très loin le bouchon", a résumé à son arrivée le négociateur de la CFDT, Jean-Louis Malys, pour qui le "seul objectif du Medef est d'empêcher les gens de partir à la retraite à 62 ans." PROLONGATION ? Le négociateur du Medef, qui a accusé de son côté les syndicats d'avoir radicalisé leur discours, ne s'en cache pas. "Il s'agit de trouver des éléments d'incitation pour que les gens qui sont en capacité de continuer à travailler le fassent", a déclaré Claude Tendil. "Donc je ne renoncerai pas au principe d'une incitation à travailler à 63 ans ou 64 ans." Il a aussi redit qu'une augmentation des cotisations n'était pas d'actualité pour les entreprises, tant qu'elles n'auraient pas retrouvé un niveau suffisant de compétitivité. Il s'est en revanche dit prêt à bouger sur d'autres points. Après un début "crispé", "un peu frais" voire "glacial", cette séance improductive s'est tout de même mieux déroulée que les positions des uns et des autres ne le laissaient craindre. Même la CFE CGC, seule organisation syndicale avec la CGT à rejeter jusqu'ici catégoriquement l'idée d'une fusion de l'Agirc et de l'Arrco, qui remettrait selon elle en cause le statut des cadres, s'est montrée disposée à lâcher du lest. "On ne veut pas lâcher la proie pour l'ombre", a expliqué son négociateur Serge Lavagna. Il s'est cependant dit prêt à discuter séparément de cette fusion envisagée par le Medef et les autres syndicats, "si on est convaincu qu'on peut trouver un statut de l'encadrement qui ne soit pas lié à un régime Agirc." Son homologue de Force ouvrière (FO) s'est dit "moins pessimiste" qu'à son arrivée au siège du Medef. "Pour autant, le boulot reste à faire", a ajouté Philippe Pihet, qui a fait état d'une "volonté de la délégation patronale d'avancer." Le patronat a "perçu le message", a pour sa part estimé Jean-Louis Malys, qui juge cependant "un peu difficile" d'aboutir à un accord le 22 juin. Selon d'autres organisations syndicales, au moins une autre séance pourrait être nécessaire cet été, après celle du 22 juin, voire à la rentrée de septembre. "Je préfère réussir en octobre qu'échouer en juin", a pour sa part déclaré Claude Tendil. (Edité par Marine Pennetier)