Obamacare: Trump prêt à négocier avec les "frondeurs" républicains

La majorité républicaine au Sénat américain a présenté jeudi une nouvelle mouture du projet de réforme du système de santé. /Photo prise le 22 juin 2017/REUTERS/Kevin Lamarque

par Jeff Mason et Yasmeen Abutaleb WASHINGTON (Reuters) - L'hostilité de cinq sénateurs républicains au projet de réforme du système de santé présenté par leur parti ne laisse qu'une chance "très mince" de le voir adopté, a reconnu vendredi Donald Trump. Le président américain a toutefois proposé de coopérer avec eux pour faire évoluer le texte et a été en contact téléphonique avec plusieurs élus républicains du Sénat jeudi et vendredi. "Ils n'y sont pas opposés. Ils aimeraient obtenir certaines modifications et nous allons voir ce que nous pouvons faire", a déclaré le chef de la Maison blanche, parlant de "personnes très bien", dans un entretien diffusé par la chaîne Fox News. Farouchement opposés à l'abrogation et au remplacement de la réforme emblématique de la présidence Obama, les 48 sénateurs démocrates n'ont besoin que de trois voix supplémentaires pour obtenir le rejet du texte présenté jeudi par la majorité républicaine. Mitch McConnell, président du groupe républicain au Sénat, travaille depuis des semaines avec ses lieutenants à cette version amendée du texte adopté de justesse par la Chambre des représentants le 4 mai pour abroger l'Affordable Care Act, plus connu sous le nom d'Obamacare. Comme prévu, le projet de 142 pages prévoit de supprimer, rétroactivement à partir du début 2017, une taxe imposée aux foyers les plus riches par l'Obamacare pour financer en partie la réforme de l'assurance-santé. Donald Trump a salué le projet de loi, mais a semblé indiquer que de nouveaux changements étaient en préparation. "Je suis très favorable au projet de loi sur la santé du Sénat. J'ai hâte de le rendre vraiment spécial !", a-t-il dit sur Twitter. Donald Trump avait invité en mai la Chambre des représentants à adopter un projet de loi similaire, qu'il avait ensuite jugé "mauvais" une fois passé. Mercredi, il a souhaité un projet de loi "avec du coeur". De nombreux démocrates se sont immédiatement insurgés contre le projet, qui octroie des avantages aux ménages les plus riches et menace de laisser des millions d'Américains sans assurance maladie. "Le président a dit que le projet de loi de la Chambre était mauvais", a rappelé Chuck Schumer, président du groupe démocrate à la chambre haute du Congrès, avant d'ajouter : "Le projet de loi du Sénat pourrait bien être encore pire." TERRAIN MINÉ Le texte présenté au Sénat préconise également une diminution progressive des subventions fédérales allouées au programme d'assurance maladie des Américains les plus pauvres (Medicaid) et un remodelage des aides octroyées aux personnes à revenu modeste souscrivant leur assurance sur le marché privé. Ces aides seront désormais liées non plus seulement à l'âge de l'assuré, mais à ses revenus, a déclaré la sénatrice républicaine du Maine Susan Collins, parlant d'une "amélioration majeure". Selon le Washington Post, le projet McConnell offre plus de latitude aux Etats pour s'exempter des obligations de l'Affordable Care Act et prive le programme Planned Parenthood, qui prend notamment en charge des services liés à l'IVG, de subventions fédérales. Mitch McConnell avance en terrain miné car le texte adopté par la Chambre des représentants a été jugé trop brutal par une partie de l'aile modérée des républicains tandis que l'aile la plus conservatrice réclamait une rupture plus radicale. DÉBATS LA SEMAINE PROCHAINE Rand Paul, représentant de l'aile dure du parti qui compte parmi les quatre opposants, a souhaité vendredi sur MSNBC que "la réforme ressemble davantage à une abrogation". La veille, il s'était dit ouvert à la négociation. Un cinquième sénateur, Dean Heller, s'est joint vendredi aux "frondeurs". Malgré ces difficultés, le porte-parole de la Maison blanche, Sean Spicer, s'est voulu optimiste. "Je pense que nous allons y arriver (...), que nous aurons abrogé et remplacé l'Obamacare avant la fin de la session parlementaire en août", a-t-il dit. Les républicains s'emploient depuis sept ans à défaire l'Obamacare, mais la réforme, qui a permis à 23 millions d'Américains de se doter d'une assurance maladie, est désormais globalement bien perçue par l'opinion. Selon une enquête Reuters/Ipsos, près de 60% des adultes sont convaincus que le texte adopté en mai par les représentants conduira à une hausse du coût de l'assurance santé pour les Américains à faibles revenus et ceux qui ont des antécédents médicaux. Seuls 13% estiment qu'il améliorera le système de santé. A Wall Street, la présentation du projet républicain a été particulièrement bien accueillie, provoquant une hausse marquée des valeurs du secteur hospitalier et de l'assurance santé. Une hausse qui se justifie car "les risques à court terme diminueront si les dispositions sur les subventions et Medicaid sont maintenues lors des négociations au Sénat et à la Chambre", estime Sheryl Skolnick, directrice de recherches à Mizuho Securities. Mitch McConnell a déclaré que les débats sur le texte commenceraient la semaine prochaine et il espère un vote rapidement. Chuck Schumer a prédit pour sa part que cinq ou six jours ne suffiraient pas pour examiner le projet de réforme. (Jean-Stéphane Brosse, Julie Carriat et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Gilles Trequesser)