Une réforme de la Justice contestée à l'Assemblée

PARIS (Reuters) - Les députés ont entamé lundi l'examen en séance publique du projet de réforme de la justice, contesté par de nombreux magistrats, avocats et greffiers, largement amendé par le Sénat où l'opposition de droite est majoritaire mais rétabli pour l'essentiel dans sa version initiale en commission des lois.

Ce projet de loi de programmation et de réforme assorti d'un projet de loi organique sur l'organisation des juridictions est "à la fois ambitieux et modeste", a déclaré la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, en le présentant à l'Assemblée.

Ambitieux parce qu'il touche à la fois aux moyens de la justice, à sa transformation numérique, à son organisation avec le regroupement des tribunaux d'instance et de grande instance, à la simplification des procédures civiles, au renforcement des pouvoirs des enquêteurs et à l'échelle des peines.

L'un des amendements présentés par le gouvernement crée un parquet national antiterroriste qui se substituera à la section du parquet de Paris spécialisée dans ce domaine.

Mais également modeste, "car des chantiers devront encore être ouverts", a ajouté la ministre, qui a dit vouloir s'atteler maintenant à "une vaste réforme de l'accès au droit pour les plus vulnérables" et à l'aide juridictionnelle.

Nicole Belloubet a dû d'entrée défendre cette réforme contre des motions de rejet préalable présentées par l'opposition de droite et de gauche mais écartées par la majorité.

"Une réforme suscite toujours des réactions", des craintes et des aspirations qui sont au demeurant "loin d'être toujours convergentes", a-t-elle constaté.

"C'est pourquoi je réaffirme ici que cette réforme n'a pas vocation à faire la part belle à tels ou tels acteurs", a-t-elle ajouté. "Elle ne néglige pas les points de vue et les intérêts de chacun. Mais elle entend surplomber ces intérêts particuliers avec une seule préoccupation : l'intérêt des justiciables."

SYNDICATS DE MAGISTRATS TRÈS CRITIQUES

Ce projet de loi de programmation pour 2019-2022 prévoit d'augmenter le budget de la justice d'1,6 milliard d'euros en cinq ans à 8,3 milliards hors pensions, soit une hausse de 24%, avec notamment 6.500 recrutements.

"On peut toujours proposer des chiffres encore plus élevés. Cela a été la position du Sénat (...) Mais il faut aussi être réaliste et tenir compte de l'effort puissant engagé par ce gouvernement dans un contexte budgétaire contraint", a commenté Nicole Belloubet.

Le Syndicat de la magistrature, classé à gauche, qui reproche notamment au gouvernement d'utiliser la procédure accélérée pour faire voter sa réforme, a pour sa part appelé à rejoindre jeudi les avocats, qui ont décrété une nouvelle journée "justice morte".

"Le gouvernement et la majorité entendent plaquer coûte que coûte (...) des logiques absurdes sur une justice qui n'est vue que comme un poste de dépense à rationner", explique ce syndicat dans un communiqué. "Nous en appelons à la responsabilité des députés sur l'ensemble de ces dispositions dangereuses."

L'Union syndicale des magistrats (USM) estime pour sa part que ce projet de réforme "éloigne le juge du justiciable" au lieu de donner à la justice "les moyens de fonctionner".

Ainsi, estime ce syndicat, le regroupement des tribunaux d'instance et de grande instance "ouvre la possibilité de vider certaines juridictions de leur substance".

(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)