Le gouvernement dit préserver le "rêve français" des réfugiés

Une manifestation contre le projet de loi "pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif", appelé à raccourcir les délais de procédure et expulser plus systématiquement les déboutés. Gérard Collomb a présenté ce projet mercredi en conseil des ministres. /Photo prise le 21 février 2018/REUTERS/Pascal Rossignol

par Julie Carriat

PARIS (Reuters) - Le gouvernement français a approuvé mercredi le projet de loi "pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif" appelé à raccourcir les délais de procédure et expulser plus systématiquement les déboutés, balayant les critiques des associations de défense des réfugiés et de la gauche.

"C'est une loi qui est équilibrée, qui s'aligne surtout sur le droit européen", a déclaré le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb lors du compte rendu du conseil des ministres.

"Il faut accueillir, mais il faut accueillir bien celles et ceux qui doivent forger leur avenir en France de manière à ce qu'effectivement le mirage qu'ils peuvent avoir entrevu ne se transforme pas en cauchemar et que pour eux le rêve français reste demain, devienne demain une réalité", a-t-il ajouté.

Le texte accélère la procédure de demande d'asile, réduite à six mois, et prévoit un allongement de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours.

Gérard Collomb a défendu un alignement de la procédure sur celle des pays voisins de la France, et notamment l'Allemagne.

"Si on n'a pas le même type de procédure, on regarde où la procédure est la plus facile pour pouvoir obtenir le droit d'asile et, dans ce cas, c'est chez vous que tout le monde se dirige", a-t-il dit.

L'asile "est une problématique qui peut conduire à un certain nombre de difficultés pour des pays", a-t-il souligné, liant flux migratoire et percée électorale de l'extrême droite.

LA MAJORITÉ CROIT À UN ÉQUILIBRE

"On a vu par exemple en Allemagne que 92 députés d'extrême droite avaient été élus parce qu'il y avait une espèce de rejet alors qu'Angela Merkel avait des résultats économiques extrêmement importants", a-t-il dit en référence à la politique d'accueil de la chancelière allemande.

"On a vu qu'en Autriche une majorité s'était formée avec un parti d'extrême droite", a-t-il ajouté, "et donc ce sujet est totalement sensible".

Les sensibilités humanistes de la majorité présidentielle, froissées par une circulaire sur l'hébergement et l'adoption en l'état jeudi d'une proposition de loi durcie sur la rétention des étrangers, assurent croire à un projet de loi équilibré, grâce notamment aux débats à venir au Parlement au printemps.

Si la question de l'allongement de la rétention suscite des réticences, certains des députés LaRem opposés à la mesure, comme mardi Matthieu Orphelin, ouvrent déjà la porte à son adoption à la condition de "rééquilibrages", comme l'aménagement des centres de rétention.

"La majorité se prépare à aborder le texte dans le débat, la discussion, la dignité", a assuré mercredi Richard Ferrand, son chef de file à l'Assemblée. Gérard Collomb s'est dit pour sa part confiant dans l'adoption du projet de loi.

Lundi, un rapport sur l'intégration remis au Premier ministre a permis d'incarner un volet plus social, susceptible d'être intégré lors du travail parlementaire au printemps. Il préconise un doublement des heures d'apprentissage du français et une réduction des délais pour entrer sur le marché du travail. et

"DURETÉ" ET "RÉPRESSION"

Le texte est cependant unanimement décrié par les acteurs de l'asile, associations et instances administratives, qui dénoncent des atteintes aux droits des demandeurs d'asile et à leurs conditions de travail. Des personnels de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) étaient en grève mercredi, un fait inédit depuis 2013.

"Loi Collomb, expulsion! Collomb, Collomb, en rétention!", entonnaient mercredi matin les grévistes de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), réunis devant le Conseil d'Etat avec quelque 200 manifestants, avocats spécialistes de l'asile, grévistes de l'Ofpra ou militants syndicaux et politiques.

Jean-François Dubost, responsable au sein d'Amnesty International France, a dénoncé des dispositions "qui sont des reculs par rapport à des acquis" précédents et a demandé aux parlementaires "de revenir sur la plupart des dispositions proposées dans ce projet de loi".

Dans l'opposition, le président du groupe PS au Sénat, Patrick Kanner, s'est dit mercredi "inquiet" devant l'Association des journalistes parlementaires.

"L'essentiel de ce texte, c'est la dureté, la répression. J'ai l'impression que l'objectif est de suivre l'opinion publique. Je suis très inquiet de la tournure des événements. L'homme de gauche que je suis, l'humaniste dit 'attention, danger'", a-t-il déclaré. "La position du gouvernement est très à droite sur la question de l'asile. Cela permet de voir que droite et gauche, ce n'est pas la même chose."

(Avec Ingrid Melander et Ardee Soriano, édité par Yves Clarisse)