Fusillade meurtrière aux Etats-Unis, Obama exprime sa colère

Un homme armé a fait neuf morts et sept blessés, dont trois grièvement, jeudi sur le campus d'une université de l'Oregon, avant d'être abattu par les forces de l'ordre. /Photo prise le 1er octobre 2015/REUTERS/Steve Dipaola

par Courtney Sherwood et Eric M. Johnson ROSEBURG, Oregon (Reuters) - Un homme armé a fait neuf morts et sept blessés, dont trois grièvement, jeudi matin sur le campus d'une université de l'Oregon, avant d'être abattu par les forces de l'ordre. Cette nouvelle tuerie de masse a suscité la colère de Barack Obama, qui a souligné que "les prières et les pensées" pour les victimes et leurs familles ne suffisaient plus et rappelé que les Etats-Unis étaient le seul pays développé à connaître de tels drames à une telle fréquence. Le tireur présumé, Chris Harper-Mercer selon une source proche des services de sécurité, a fait irruption dans la matinée sur le campus de l'Umpqua Community College à Roseburg, une petite ville de 20.000 habitants située à 300 km environ au sud de Portland. D'après les récits de témoins, il est entré dans une salle de cours et a tiré à bout portant sur un professeur. Il a ensuite ordonné aux élèves qui s'étaient jetés sous leurs bureaux de se relever et de décliner leur religion avant de les abattre un par un. Neuf personnes ont été tuées, sept autres blessées. Six étaient toujours hospitalisées vendredi, dont deux sont considérées dans un état critique. Le shérif du comté de Douglas, John Hanlin, a annoncé qu'il ne divulguerait jamais l'identité du tireur, tué dans un échange de coups de feu avec deux policiers. "Je ne lui donnerai pas la notoriété qu'il recherchait vraisemblablement par cet acte atroce et lâche", a-t-il expliqué. Mais une source au sein des forces de l'ordre a confirmé les informations de médias selon lesquels le tireur se nommait Chris Harper-Mercer et était âgé de 26 ans. Les autorités ont annoncé que le tireur détenait légalement au moins treize armes -- six ont été retrouvées à l'université après la fusillade et les sept autres à son domicile. Parmi ces armes figurent cinq pistolets et un fusil. Selon les archives militaires, Christopher Harper-Mercer a servi dans l'armée pendant un peu plus d'un mois, du 5 novembre au 11 décembre 2008, à Fort Jackson (Caroline du Sud), avant d'être réformé pour des raisons administratives. Une source proche de la police a indiqué vendredi qu'il avait laissé des écrits témoignant de l'hostilité envers les Noirs. OBAMA DÉNONCE UN "CHOIX POLITIQUE" Cette nouvelle fusillade, moins de quatre mois après la mort de neuf paroissiens assassinés par un suprémaciste blanc dans une église de la communauté noire à Charleston, en Caroline du Sud, a suscité une nouvelle fois la colère de Barack Obama. Après la tuerie dans une école élémentaire de Newtown, dans le Connecticut, qui a fait 26 morts dont 20 enfants en décembre 2012, le président démocrate avait tenté de réformer la législation fédérale, avec davantage de vérification des antécédents des acheteurs d'armes. Mais le texte avait été repoussé par le Sénat. Jeudi soir, lors d'une intervention organisée à la hâte dans la salle de presse de la Maison blanche, il a donné libre cours à sa colère, s'en prenant implicitement au lobby des armes à feu, la National Rifle Association (NRA), et déplorant que ces tueries de masse soient devenues un sujet quasi routinier. "C'est un choix politique que nous faisons en tolérant que cela se produise tous les mois en Amérique", a-t-il dit. "Du fait de notre inaction, nous sommes collectivement responsables devant les familles qui perdent des êtres chers", a-t-il ajouté. "Comme je l'ai dit il y a quelques mois, et comme je l'avais déjà dit quelques mois auparavant, et comme je le dis à chaque fois que nous assistons à un de ces massacres, nos pensées et nos prières ne suffisent pas", a-t-il poursuivi. "Nous ne sommes pas le seul pays sur Terre où il y a des gens qui sont malades et qui veulent faire du mal aux autres. Mais nous sommes le seul pays développé sur Terre où l'on voit de tels massacres aussi régulièrement", a dit le président américain. Visiblement excédé, s'exprimant sans presque regarder ses notes, Obama s'est engagé à continuer de pousser à une réforme sur les armes à feu d'ici la fin de son second mandat, en janvier 2017. "IL DISAIT 'ES-TU CHRÉTIEN' ?" Dans l'Oregon, les autorités enquêtent toujours pour tenter de déterminer les causes du passage à l'acte du tireur. Selon CNN, le jeune homme portait sur lui trois armes de poing, un fusil et un gilet pare-balles. Une photo postée sur ce qui était sans doute sa page MySpace montre un jeune homme au crâne rasé avec des lunettes de vue à monture épaisse. Un fusil à la main, il fixe l'objectif. Sur un poste de blog, le tireur fait allusion à l'homme qui a assassiné cet été deux journalistes en direct sur une chaîne de télévision locale. "Un homme que nul ne connaissait devient connu de tous (...) Il semble que plus on tue, plus on est dans la lumière", écrit-il. Les récits glaçants des survivants et de leurs proches soulignent comment il a agi méthodiquement. Stacy Boylan, dont la fille de 18 ans a été blessée mais qui a survécu en se faisant passer pour morte, a confié à CNN qu'elle lui avait dit que le tueur avait demandé aux étudiants quelle était leur religion. "Il disait 'Es-tu chrétien ? Si tu l'es, lève-toi. Bien. Parce que tu es chrétien, tu vas voir Dieu dans une seconde environ' et il tirait et tuait. Il a fait cela rangée par rangée", a poursuivi Stacy Boylan. L'Umpqua Community College compte au total plus de 13.000 étudiants inscrits, la plupart en formation professionnelle. Quelque 3.000 étudiants suivent en revanche un cursus à temps plein. L'alerte a été donnée à 10h38 (17h38 GMT). La plus grave tuerie survenue sur un campus universitaire américain remonte à avril 2007, lorsqu'un étudiant sud-coréen avait fait 32 morts et 25 blessés à l'université de Virginia Tech, à Blacksburg, en Virginie, avant de se suicider. Pour la seule année en cours, les Etats-Unis en sont désormais à 294 tueries, d'après le site Mass Shooting Tracker, qui répertorie les drames ayant fait au moins quatre morts. (avec Jeff Mason et Roberta Rampton à Washington; Guy Kerivel, Nicolas Delame et Henri-Pierre André pour le service français)