Un Français jugé pour avoir aidé une ado à rejoindre la Syrie

Le parquet de Paris a requis vendredi trois ans de prison dont deux ferme à l'encontre d'un Français de 41 ans soupçonné d'avoir aidé une jeune fille de 14 ans à fuguer pour tenter de rejoindre des combattants djihadistes en Syrie. /Photo d'archives/REUTERS/Stéphane Mahé

PARIS - Le parquet de Paris a requis vendredi trois ans de prison dont deux ferme à l'encontre d'un Français de 41 ans soupçonné d'avoir aidé une jeune fille de 14 ans à fuguer pour tenter de rejoindre des combattants djihadistes en Syrie. Riad B. est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et soustraction de mineure. Son jugement sera rendu mardi prochain. En février 2014, une jeune fille de 14 ans est arrêtée à l'aéroport de Lyon alors qu'elle s'apprête à embarquer pour Istanbul, d'où elle doit rejoindre la Syrie. Sur son avant-bras gauche, deux numéros de téléphone : celui de Riad B., qui l'aidera côté français en finançant en partie sa chambre d'hôtel et la navette qui la conduira à l'aéroport ; et celui d'un autre contact, qui la guidera côté turc. Ces numéros lui ont été fournis par un certain "Tony Toxiko", engagé à Rakka dans les rangs de l'Etat islamique. En Syrie, elle devra se marier avec lui. La jeune fille sera arrêtée avant de monter dans l'avion. Mais l'adolescente, qui fera deux autres fugues par la suite, a aujourd'hui disparu, et pourrait se trouver en Syrie. Pourquoi Riad B., père de trois filles qui vivent en Tunisie avec leur mère, a-t-il aidé cette jeune adolescente, pour le compte de "Tony Toxiko" ? lui demande la présidente. "J'ai rendu service (à) un frère en religion", se contente de répondre le prévenu, qui affirme n'avoir connu "Tony Toxiko" que le jour de la fugue, quand celui-ci l'a ajouté sur Facebook en lui demandant de lui prêter main forte. "Si j'avais su à l'avance que c'était une jeune fille, je n'y serais pas allé", dit-il, expliquant ne pas avoir cherché à dissuader l'adolescente en raison de sa "détermination". PROFIL FACEBOOK "Qu'il ne vienne pas expliquer que lui, 41 ans, s'est trouvé désarmé face à une gamine de 14 ans, quelle que soit sa détermination", lui réplique le procureur, qui évoque le "drame" des parents qui voient leur fille rejoindre des zones de djihad. "Il ne se passe pas une semaine au parquet antiterroriste sans que nous soyons alertés" d'un cas de fugue par des parquets locaux, ajoute Camille Hennetier. Après une deuxième fugue vers la Belgique, où elle a suivi un homme qu'elle a épousé avant de tomber enceinte, l'adolescente a été placée dans un foyer, puis a disparu. "Vraisemblablement pour rejoindre la Syrie", selon le procureur. "Tony Toxiko" est connu des autorités françaises pour son appartenance à une filière nîmoise et est mis en cause pour avoir fait venir une autre mineure de 15 ans en Syrie. Sur le réseau social, le prévenu publie, entre autres, une photo d'un homme brandissant le drapeau de l'Etat islamique et un cliché de Ben Laden -- un "résistant" selon lui. Il est aussi en contact avec plusieurs djihadistes qui combattent en Syrie. Interrogé sur le djihad armé, Riad B. assure "condamner le meurtre", et ne jamais avoir eu l'intention de se rendre en Syrie. "Je suis pas Charlie, mais je suis pas Coulibaly non plus", dira-t-il au tribunal en référence à Amedy Coulibaly, l'un des auteurs des attentats qui ont fait 17 morts début janvier, notamment au siège de Charlie Hebdo. "Je la regrette cette erreur que j'ai faite", ajoutera-t-il au sujet de l'aide matérielle apportée à la jeune adolescente, aujourd'hui disparue. "Je m'en mords les doigts". (Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)