Google fait un pas vers le "droit à l'oubli" sur internet

par Alexei Oreskovic et Julia Fioretti

SAN FRANCISCO/BRUXELLES (Reuters) - Google propose depuis jeudi un formulaire en ligne destiné aux citoyens européens souhaitant obtenir la suppression de résultats de recherche dont ils estiment qu'ils peuvent leur porter préjudice.

Cette décision fait suite à un arrêt rendu le 13 mai dernier par la Cour de justice européenne en faveur d'un "droit à l'oubli" sur internet.

"Pour se mettre en conformité avec l'arrêt récent de la justice européenne, un formulaire est désormais disponible pour les Européens qui veulent demander la suppression de résultats sur notre moteur de recherche", déclare Google dans un communiqué.

L'Union européenne avait motivé son arrêt en considérant que des particuliers devaient pouvoir obtenir, sous certaines conditions, la suppression de liens vers des pages internet comportant des données personnelles.

La Cour évoque dans son arrêt des informations personnelles "inappropriées, hors de propos ou qui n'apparaissent plus pertinentes."

La décision de Google intervient peu de temps avant une réunion, mardi et mercredi prochain, des agences de protection des données des 28 pays de l'UE pour discuter des implications de l'arrêt du 13 mai.

"Il était temps", a réagi la Commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, à l'annonce du geste de Google. "Les lois européennes sur la protection des données existent depuis 1995. Nous devons maintenant examiner comment l'outil annoncé fonctionnera dans la pratique".

Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) s'est également réjoui de voir Google plier devant Bruxelles.

"Ce que le formulaire de Google démontre, c'est qu'il est faux de dire, comme on l'entend souvent, qu'il est compliqué de se soumettre à la législation européenne" a déclaré un de ses porte-parole avant d'inviter les internautes à ne pas se réjouir trop tôt.

"Il y a une grande différence entre demander la suppression de données et l'obtenir", a-t-il dit.

DROIT À L'OUBLI ET DROIT DE SAVOIR

Google, dont le moteur est utilisé pour 90% des recherches sur internet effectuées par les internautes européens, a déjà reçu des milliers de demandes de suppression de liens depuis la mise en ligne de son formulaire.

Le géant d'internet a dit avoir convoqué une commission de cadres de l'entreprise et d'experts indépendants pour mettre en place le traitement sur le long terme du flot de demandes qui ne manquera pas de parvenir de la part de nombreux citoyens parmi les 500 millions que compte l'Union européenne.

Le requérant dispose dans le formulaire d'un espace pour soumettre les liens dont il souhaite la suppression et pour expliquer en quoi ces liens sont "hors de propos, obsolètes ou d'une autre façon inappropriés."

Google, qui n'a pas précisé quand les liens réunissant les critères définis seraient supprimés, devra notamment évaluer si des mentions faisant état de fautes professionnelles, de condamnations pénales ou encore du comportement public de responsables politiques relèvent ou non du droit à l'information.

"L'arrêt de la Cour exige de la part de Google des jugements délicats tenant compte à la fois du droit à l'oubli de la part d'un individu et du droit de savoir de l'opinion publique", a déclaré un porte-parole du groupe américain.

(Mathilde Gardin et Patrick Vignal pour le service français, édité par Marc Angrand)