Un décret antiterroriste durcit l'arsenal répressif en Egypte

LE CAIRE (Reuters) - Le président égyptien Abdel Fattah al Sissi a promulgué mardi par décret une nouvelle loi antiterroriste qui permet notamment aux autorités d'interdire tout groupe menaçant l'unité nationale ou troublant l'ordre public, des terminologies vagues souvent utilisées à l'époque d'Hosni Moubarak pour étouffer toute opposition politique. Ce décret, adopté alors que l'Egypte ne compte toujours pas de Parlement élu, va inquiéter davantage les organisations de défense des droits de l'homme, qui dénoncent déjà un retour systématique sur les libertés obtenues à l'issue du soulèvement populaire de 2011. Les autorités militaires mènent une répression implacable contre les islamistes depuis l'éviction du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, en juillet 2013, qu'elles justifient par les attentats, mais aussi contre les opposants libéraux et laïques, en particulier les jeunes à l'origine de la "révolution du 25 janvier". Lundi, la justice a condamné l'un d'eux, l'activiste Alaa Abdel Fattah, à cinq ans de prison pour ne pas avoir respecté une loi adoptée fin 2013 qui limite considérablement le droit de manifestation. La nouvelle loi antiterroriste permet aux autorités d'agir contre tout individu ou groupe représentant une menace pour la sécurité nationale, y compris en perturbant les transports publics, ce qui pourrait inclure les grèves ou les manifestations. Faute de définition de l'unité ou de la sécurité nationale, et compte tenu de l'interprétation très large qui en est généralement faite, cette loi revient à donner un blanc seing à la police égyptienne, dont la réputation d'abus en tous genres n'est plus à faire, pour réprimer toute forme de contestation, dénoncent les défenseurs des droits de l'homme. D'après la loi, le procureur général pourra ainsi demander à un tribunal criminel de qualifier tout suspect de terroriste et de le juger immédiatement. Elle prévoit aussi la dissolution de tout groupe considéré comme "terroriste" et la saisie des avoirs de ses membres. (Michael Georgy; Tangi Salaün pour le service français)