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Un des auteurs de la fusillade au Texas était surveillé depuis 2006

par Mark Hosenball et Katharine Houreld WASHINGTON/ISLAMABAD (Reuters) - L'enquête se poursuit aux Etats-Unis sur les deux hommes qui ont ouvert le feu dimanche soir au Texas aux abords d'un concours de caricatures représentant le prophète Mahomet, avant d'être abattus par un policier. Sur la radio en ligne qu'elle utilise, l'organisation Etat islamique (EI) a revendiqué l'attaque menée par ces "deux soldats du califat". Mais le porte-parole de la Maison blanche, Josh Earnest, a déclaré mardi qu'il était prématuré d'attribuer cette attaque à l'organisation djihadiste sunnite. Il a relevé, à l'instar des spécialistes de l'EI, que le groupe extrémiste s'attribue fréquemment la responsabilité d'opérations dans lesquelles il n'est pas impliqué et qu'à l'inverse, de nombreux intégristes cherchent à donner plus de résonance à leurs actes en lui prêtant allégeance quand bien même ils n'ont aucun lien direct avec le groupe. D'après un responsable fédéral à Washington, les enquêteurs doutent que l'organisation d'Abou Bakr al Baghdadi ait joué un rôle opérationnel et estiment qu'elle a plus probablement "inspiré" les deux hommes, dont les communications électroniques sont passées au crible. L'un d'eux, Elton Simpson, était surveillé depuis plusieurs années par des agents fédéraux. D'après des documents judiciaires, cet homme originaire de l'Arizona était apparu en 2006 sur le radar des services antiterroristes en raison de ses liens avec un homme soupçonné par le FBI de chercher à implanter une "cellule terroriste". En 2011, il avait été condamné à trois ans de mise à l'épreuve après avoir été reconnu coupable d'avoir menti au FBI sur son désir d'aller en Somalie faire le djihad. L'autre, Nadir Soofi, vivait en colocation avec Simpson à Phoenix, en Arizona. Leur domicile a été perquisitionné dans la nuit de lundi à mardi. MAL-ÊTRE Nadir Soofi, après une enfance passée au Pakistan, s'est installé alors qu'il était adolescent aux Etats-Unis avec sa mère, qui est américaine. Ses anciens camarades de classe à Islamabad ont été abasourdis d'apprendre ce qu'il avait fait. "Quand il était ici, il vivait bien. Sa mère enseignait l'art à l'école internationale d'Islamabad. Il plaisait aux filles, on le surnommait 'Goofy' à cause de son nom et en raison de son sens de l'humour", raconte un de ses anciens amis, en référence au chien de Walt Disney ami de Mickey (Dingo, en français). Un autre ancien camarade se rappelle que Nadir Soofi avait joué le premier rôle dans une représentation à l'école de la pièce "Bye Bye Birdie". "Il était populaire, tout le contraire d'un extrémiste", dit-il. Les parents de Soofi ont divorcé quand il avait environ quinze ans et le jeune garçon est parti vivre avec sa mère aux Etats-Unis, dans l'Utah. Au fil des années, il a fait savoir à ses anciens camarades restés au Pakistan qu'il avait du mal à s'intégrer. Il avait suivi les cours d'une école dentaire, avant de devoir abandonner pour des raisons financières. Il est ensuite allé d'échec en échec dans ses différents projets professionnels. Il avait déclaré à ses amis qu'il avait eu un enfant avec une Bosniaque qui l'avait ensuite quitté. "Il disait que la vie était vraiment dure aux Etats-Unis... Aliénation, crise d'identité, quel que soit le terme qu'on emploie, il se sentait seul", dit l'un de ses amis. "Je pense qu'il a fini par se réfugier dans la religion." Ces dernières années, Soofi s'était laissé pousser la barbe. Sur Facebook, il portait des lunettes de soleil sur toutes ses photos. "Je regardais ces photos et je ne le reconnaissais pas... Je ne sais pas ce qui a bien pu lui arriver aux Etats-Unis", dit cet ami. MESSAGES SUR TWITTER Elton Simpson et Nadir Soofi sont passés à l'acte dimanche soir à Garland, dans la banlieue de Dallas. Les deux hommes ont ouvert le feu sur le parking du Curtis Culwell Center où se tenait, en présence de Geert Wilders, figure de l'extrême droite néerlandaise, un concours de dessins sur le thème du prophète de l'islam. Le contexte rappelle les attentats menés en Europe contre les auteurs de caricatures du prophète de l'islam, notamment la fusillade du 7 janvier dans les locaux de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo puis les attaques du 14 février à Copenhague. Les policiers pensent qu'Elton Simpson est l'auteur de tweets envoyés avant l'attaque, dont le dernier disait, dans un mélange d'anglais et d'arabe: "Mon frère et moi-même avons prêté allégeance au commandeur des croyants. Qu'Allah nous accepte en tant que moudjahidine (...)" L'expression "commandeur des croyants" pourrait se référer au "calife" autoproclamé de l'organisation Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak, Abou Bakr al Baghdadi. Ce message n'apparaît plus sur Twitter. Arrivés en voiture alors que la manifestation était sur le point de se terminer, les deux hommes ont ouvert le feu à l'arme automatique sur un véhicule de police garé sur le parking du centre, avant de tomber sous les balles d'un policier de la circulation, qui n'était pas en service, a déclaré Joe Harn, porte-parole de la police de Garland. L'American Freedom Defense Initiative (AFDI), organisation controversée à l'origine de ce concours, a estimé que cette attaque s'inscrivait dans le cadre d'une "guerre contre la liberté d'expression". (avec Mehreen Zahra-Malik à Islamabad, Jon Herskovitz à Garland, Texas, et David Schwartz à Phoenix; Henri-Pierre André et Guy Kerivel pour le service français)