L'US Navy arraisonne un pétrolier nord-coréen parti de Libye

par Feras Bosalum et Ulf Laessing WASHINGTON (Reuters) - Des forces spéciales américaines ont pris le contrôle dans la nuit de dimanche à lundi au large de Chypre d'un pétrolier transportant illégalement du brut chargé il y a huit jours dans un port libyen tenu par des rebelles, ont annoncé les gouvernements américain et libyen. L'intervention des Navy SEALs, qui n'a pas fait de blessés, a été décidée par le président Barack Obama à la demande des autorités libyennes et chypriotes. Aucun coup de feu n'a été tiré lors de cette opération spectaculaire qui avait pour but d'empêcher la vente du pétrole par les rebelles libyens sur le marché international et de dissuader toute tentative ultérieure de détournement. Battant pavillon nord-coréen, le pétrolier Morning Glory se trouvait dans les eaux internationales au large de Chypre lorsque l'opération a été lancée, a précisé John Kirby, du service de presse du Pentagone. D'après le ministère chypriote des Affaires étrangères, le commando, à bord d'un canot pneumatique, est passé à l'action peu après minuit heure locale alors que le navire était stoppé. L'opération a duré deux heures et trois Libyens armés qui se trouvaient à bord du pétrolier ont été capturés. Deux fusils d'assaut AK-47 ont été saisis. Le tanker faisait route lundi vers la Libye, sous escorte américaine. Le Morning Glory, un navire de 37.000 t., avait appareillé il y a une semaine du port d'Es Sider, tenu par des rebelles autonomistes de l'Est libyen, malgré les mises en garde des autorités de Tripoli. L'affaire a coûté son poste au Premier ministre, Ali Zeidan, qui a été destitué par les députés du Congrès général national (CGN) et s'est réfugié en Europe. TRIPOLI REMERCIE LES ÉTATS-UNIS ET CHYPRE "Le Morning Glory transporte une cargaison de pétrole qui appartient à la Compagnie nationale libyenne des pétroles", a souligné le Pentagone. Le gouvernement de Pyongyang avait rejeté dès jeudi toute responsabilité dans cette affaire. So Se Pyong, ambassadeur de Corée du Nord auprès des Nations unies à Genève, a déclaré lundi avoir discuté de la situation avec son homologue libyen et lui avoir expliqué que son pays n'avait jamais eu l'intention d'acheter du pétrole aux rebelles libyens. C'est une compagnie maritime basée en Egypte qui est à l'origine de ce chargement et Pyongyang n'a rien à voir avec cette affaire, a-t-il dit. "Que le pétrolier ait été pris par les Américains, ou par qui que ce soit, si ce navire faisait quelque chose de mal cela ne nous concerne pas", a-t-il insisté. Le gouvernement libyen a remercié les Etats-Unis et Chypre et a précisé que l'équipage serait traité conformément à la législation libyenne et au droit international. C'est la deuxième fois en six mois que les forces américaines interviennent directement dans des affaires libyennes. En septembre, un commando avait enlevé en pleine rue à Tripoli un homme soupçonné d'appartenir à Al Qaïda. De source proche de la police chypriote, on déclare que trois hommes - présentés comme deux Israéliens et un Sénégalais - ont été interrogés samedi dans l'île, soupçonnés d'avoir cherché à acheter la cargaison du Morning Glory. Ils ont été ensuite libérés, la justice chypriote refusant de délivrer contre eux des mandats d'arrêt. PASSEPORTS DIPLOMATIQUES Deux de ces hommes détenaient des passeports diplomatiques, l'un du Sénégal et l'autre d'un pays d'Afrique centrale, a-t-on précisé de même source. Ils étaient arrivés à Chypre vendredi soir à bord d'un avion d'affaires Learjet et avaient affrété un bateau à Larnaca, à bord duquel ils se sont dirigés vers le pétrolier. "Ils ont parlé à quelqu'un à bord du Morning Glory et puis sont repartis. Au port de plaisance de Larnaca, la police les a interpellés pour les interroger. Une fois libérés, ils sont partis pour Tel Aviv", a-t-on ajouté de source policière. Les rebelles de l'Est libyen se sont emparés en août dernier de trois terminaux d'exportation qui représentaient à ce moment-là des exportations de 700.000 barils par jour. Abb-Rabbo al Barassi, Premier ministre autoproclamé du mouvement rebelle de Cyrénaïque, a déclaré samedi que son groupe était prêt à négocier la fin du blocus des ports à condition que le gouvernement libyen renonce d'abord à son projet d'offensive militaire. Le président du CGN a donné aux rebelles deux semaines pour se retirer des ports, faute de quoi ils en seront chassés par la force. Mais les analystes doutent que l'armée libyenne, toujours pas reconstituée depuis la mort de Mouammar Kadhafi il y a deux ans et demi, puisse être capable d'affronter des rebelles lourdement armés, dont beaucoup ont servi autrefois au sein de la Force de protection des infrastructures pétrolières (PPF). La production pétrolière libyenne est tombée ces derniers temps à un peu plus de 200.000 barils par jour, alors qu'elle était de 1,4 million de bpj l'été dernier. (Avec Chris Michaud, Michael Kambas et Patrick Marke, Henri-Pierre André, Danielle Rouquié et Guy Kerivel pour le service français)