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Nouveau drame en Méditerranée, jusqu'à 700 morts redoutés

par Antonio Denti PALERME (Reuters) - Quelque 700 personnes pourraient avoir trouvé la mort lorsqu'un bateau de pêche transportant des migrants a chaviré dans la nuit de samedi à dimanche au large des côtes libyennes, ont annoncé l'Onu et les autorités italiennes, un nouveau drame qui relance le débat sur l'action de l'Union européenne en Méditerranée. Vingt-huit rescapés ont été secourus et 24 corps repêchés, ont précisé les garde-côtes italiens, précisant que le bateau d'une vingtaine de mètres avait coulé à environ 70 milles (130 km) des côtes libyennes, au sud de l'île italienne de Lampedusa. Selon le témoignage d'un des rescapés, "il y avait à bord au moins 700 personnes, si ce n'est davantage", a déclaré de son côté une porte-parole du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), Carlotta Sami. Si son bilan était confirmé, cette catastrophe porterait à plus de 1.500 le nombre de morts depuis le début de l'année parmi les migrants qui fuient la pauvreté, la guerre et l'insécurité en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient pour tenter de gagner un pays européen. La multiplication de ce type de drames a conduit des organisations internationales et les autorités italiennes a critiquer l'opération européenne "Triton" de contrôle des frontières, qui a remplacé l'an dernier l'opération "Mare Nostrum", lancée en 2013 mais vite jugée trop coûteuse et accusée d'encourager les départs. L'opération Triton est dotée d'un budget bien inférieur à celui de Mare Nostrum et ne se déploie que dans les 30 premiers milles au large des côtes italiennes, ce que critiquent les ONG et l'Italie. RÉUNION DE L'UE LUNDI À LUXEMBOURG "Une tragédie est en train de se dérouler en Méditerranée et si l'Union européenne et le monde continuent à fermer les yeux, ils seront jugés de la plus dure des manières, comme ils l'ont été par le passé quand ils ont fermé les yeux sur des génocides", a déclaré le Premier ministre maltais, Joseph Muscat. Federica Mogherini, la porte-parole de la diplomatie de l'Union européenne, a annoncé que les ministres des Affaires étrangères de l'UE débattraient de mesures d'urgences lors d'une réunion lundi à Luxembourg. Les autorités italiennes ont précisé que 17 bâtiments de la marine et des garde-côtes ainsi que des bateaux de commerce et un navire de patrouille maltais participaient aux recherches avec un soutien aérien. "Ils (les secours) essaient littéralement de trouver des survivants parmi les corps qui flottent à la surface", a ajouté Joseph Muscat. Aucune décision n'a été adoptée dans l'immédiat sur le lieu vers lequel seraient conduits les survivants et les corps des victimes du naufrage. L'alerte a été lancée vers minuit. Le chalutier aurait chaviré lorsque les migrants se sont massés du même côté du bateau à l'approche d'un navire marchand, dans l'espoir d'être secourus, selon les premiers témoignages. "Les premiers détails viennent de l'un des survivants, qui parle anglais et qui a dit qu'au moins 700 personnes, sinon plus, se trouvaient à bord. Le bateau a chaviré parce que les gens se sont tous mis d'un seul côté quand un autre bateau, par lequel ils espéraient être sauvés, s'est approché", a expliqué Carlotta Sami. POUR BERLIN, SUPPRIMER MARE NOSTRUM ÉTAIT ILLUSOIRE Le président du Conseil italien, Matteo Renzi, a dénoncé de son côté un "massacre systématique en Méditerranée". Il s'est entretenu au téléphone avec le président français François Hollande, qui a demandé une réunion "rapide" des ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères des Vingt-Huit pour renforcer le dispositif Triton d'aide aux migrants. La ministre adjointe allemande à la migration, aux réfugiés et à l'intégration, Aydan Özoguz, a estimé que l'amélioration des conditions météorologiques allait se traduire par une multiplication des arrivées de migrants et elle s'est prononcée en faveur d'une reprise des opérations de sauvetage d'urgence. "Il était illusoire de penser que supprimer Mare Nostrum empêcherait les gens de tenter une traversée dangereuse de la Méditerranée", a-t-elle dit. Des organisations non-gouvernementales (ONG) demandent l'ouverture d'un "corridor humanitaire" pour assurer la sécurité des migrants. Mais d'autres voix s'élèvent pour que l'UE s'emploie d'abord à empêcher les bateaux de migrants de quitter les côtes africaines. Le chef de file du parti italien de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, qui a fait de l'immigration l'un des piliers de son discours, a ainsi plaidé en faveur de la mise en place sans tarder d'un blocus naval des côtes libyennes. "Nous devons mettre fin au business des contrebandiers d'être humains. Nous devons installer des centres d'accueil en Tunisie, au Maroc, en Egypte, en Libye et partout ailleurs où c'est possible", a-t-il expliqué. Quelque 20.000 migrants sont arrivés cette année dans le sud de l'Europe, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), soit un peu moins que pendant les quatre premiers mois de 2014, mais le nombre de morts a été pratiquement multiplié par neuf. Lors de son homélie dominicale, le pape François a réitéré son appel à la communauté internationale pour de nouvelles mesures d'aide aux migrants. "Ce sont des hommes et des femmes comme nous, nos frères qui rêvent d'une vie meilleure, meurent de faim, sont persécutés, blessés, exploités, victimes de la guerre. Ils voulaient une vie meilleure", a dit le pape aux milliers de fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre. (Avec Philip Pullella et Paolo Biondi à Rome, Robin Emmott à Bruxelles, Elizabeth Pineau à Paris, Chris Scicluna à Malte, Noah Barkin à Berlin; Tangi Salaün pour le service français, édité par Marc Angrand)