Ukraine : reportage dans les tranchées de la peur

Frédéric Lafargue / Paris Match

Face au rouleau compresseur russe, les derniers défenseurs du Donbass s’enterrent, résolus à tenir jusqu’au bout. Au front sur la «ligne zéro».

Certains font leur signe de croix orthodoxe. D’autres sont prostrés. Juste derrière la rivière Donets, sous un dérisoire auvent de tôle qui, espèrent-ils, les cache des drones, une trentaine de soldats ukrainiens, épuisés, reprennent leur souffle. Les visages sont vieillis ; la guerre blanchit les gueules, affaisse les traits, vide les yeux. Les Russes sont à un kilomètre. À chaque instant, de puissantes détonations retentissent, des panaches de fumée grimpent vers le ciel, et les hommes, liquéfiés, tournent leur regard vers l’impact ou se mettent à courir derrière une camionnette garée là. Protection ridicule. Ils sont tous agrippés à leurs armes, boucliers inutiles.

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La mort rôde partout, s’insinue dans tous les interstices de l’imagination : un seul obus, comme celui tombé à 100 mètres, les tuerait tous. Le nœud ferroviaire de Lyman magnétise les forces russes, la ville est assiégée depuis trois jours. Quand elles l’auront conquise, elles pourront ravitailler leurs troupes et bombarder Sloviansk et Kramatorsk.L’avant-veille, quand on y est passé, des obus tombaient toutes les minutes dans un bruit de fin du monde. Des fantômes sortis des caves sont venus à notre rencontre. Des civils prorusses refusaient de quitter leurs maisons en ruine.

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Sous l’auvent, Evgueni, 29 ans, visage émacié, fait les cent pas et pense à sa mère, qui a décidé de rester en Ukraine tant que lui combattra. Sacha, 33 ans, aspire en trois bouffées une cigarette ; le stress a dévoré son visage. Slava, 34 ans, autrefois ingénieur en mécanique, serre(...)


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