Ukraine : après la destruction du barrage, la crainte d'une propagation de mines
"C'est catastrophique. Auparavant, nous savions où se trouvaient les dangers. Aujourd'hui, nous ne le savons plus", a déploré le responsable de l'unité Contamination par les armes du CICR, Erik Tollefsen, à l'occasion de la présentation près de Genève d'un nouveau drone utilisant l'intelligence artificielle pour repérer les mines et autres objets explosifs à partir de la chaleur qu'ils dégagent.
Ce drone - qui peut couvrir en une journée la même surface que le ferait un chien spécialiste du déminage en six mois - n'a pour l'instant été testé que pendant des expériences en Jordanie mais le CICR espère l'utiliser pour la première fois cette année dans les environs d'Alep en Syrie.
En attendant que ce petit appareil puisse peut-être un jour survoler l'Ukraine, où la Russie a déclenché l'an dernier une opération militaire massive, le CICR apporte déjà depuis des mois son aide aux équipes de secours chargées du déminage, en soutenant les opérations de cartographie et de marquage et en fournissant du matériel et des formations.
Mais "aujourd'hui, tout cela a été emporté par les eaux", s'est désolé M. Tollefsen, car non seulement les panneaux de marquage ont disparu mais, et "c'est tout aussi grave, l'eau - qui est incompressible - va emporter ces mines" antipersonnel et antivéhicules, telles que les TM-57, vers des lieux inconnus.
"Tout ce que nous savons, c'est qu'elles se trouvent quelque part en aval. C'est une préoccupation majeure car cela va affecter les populations mais aussi tous ceux qui leur viennent en aide", comme les ambulances, a expliqué ce spécialiste norvégien.
L'ONU avait déjà mis en garde mardi contre les risques liés aux mines, très nombreuses dans cette région disputée, et le CICR est d'autant plus inquiet que l'eau n'altère pas le mécanisme de mise à feu de ces armes explosives, même pendant des décennies.
D'après M. Tollefsen, "de nombreux champs de mines défensifs avaient été mis en place par les parties au conflit" dans la région de Kherson, une ville reconquise par les Ukrainiens en novembre dernier et située en aval du barrage.
"Les chiffres sont énormes"
Le CICR ne sait toutefois pas combien pourraient avoir été dispersées par les eaux. "Les parties au conflit n'ont pas déclaré le nombre des mines qu'elles ont posées. Nous savons simplement que les chiffres sont énormes", a alerté M. Tollefsen.
Moscou et Kiev se rejettent la responsabilité de l'attaque sur le barrage qui alimente en eau la Crimée, annexée par la Russie en 2014, et se trouve sur la route des troupes ukrainiennes vers une reconquête des territoires occupés.
La destruction de cet ouvrage a entraîné le déversement de torrents d'eau dans le Dniepr, poussant plusieurs milliers de civils à quitter les zones inondées tout en faisant craindre une catastrophe écologique.
Cette destruction du barrage est "symbolique de la nécessité de respecter le droit humanitaire international", a estimé mercredi la présidente du CICR, la Suisse Mirjana Spoljaric Egger.
"Les dégâts sont déjà considérables", a-t-elle dit, au moment de la présentation du drone détecteur de mines à des journalistes.
Ce nouvel instrument n'enlèvera pas lui-même les mines mais doit accélérer leur détection grâce à ses caméras, un détecteur de chaleur et un logiciel d'intelligence artificielle que l'organisation entend partager.
"C'est une avancée car il couvre de vastes zones à une vitesse beaucoup plus élevée" que les hommes ou les chiens, a relevé Martin Jebens, un spécialiste danois en armement au CICR.
"Dans les opérations de déminage, le chiffre moyen par démineur est de 50 m² par jour. Selon des évaluations prudentes, ce nouvel outil devrait permettre d'étudier et de traiter 100.000 m² par jour", a précisé la patronne du CICR.