UFC 293: judoka, pote d’Adesanya... à la découverte de Kevin Jousset, le nouveau Français de l’UFC
Israel Adesanya se lève pour l’étreindre avant de pousser la chansonnette. "Allez les Bleus! Allez les Bleus!" Le célèbre champion UFC des -84 kilos n’est pas devenu supporter de l’équipe de France de football du jour au lendemain. Mais il ne ratera pas une occasion de montrer son amour au "Frenchie" de sa salle, son partenaire d’entraînement et son pote. Surtout lorsqu’il vient d’engager avec l’UFC. La vidéo de coach Eugene Bareman annonçant à Kevin Jousset (8-2, 30 ans) sa signature dans la plus grande organisation de MMA de la planète – où il affrontera pour ses débuts l’Irlandais Kiefer Crosbie ce week-end sur la carte préliminaire de l’UFC 293 – sous les hourras de son plus célèbre élève a rappelé combien le nouveau Français de l’UFC avait un parcours à part. Fascinant.
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Originaire des Alpes, Jousset débute son aventure dans les sports de combat par le judo. "Comme beaucoup de gamins, j’ai commencé car j’avais un peu trop d’énergie", racontait-il début juin dans une interview à RMC Sport. Deux ans au Pôle Espoir de Rennes, deux au Pôle France de Bordeaux, montée à Paris pour s’entraîner "avec les plus gros noms de la discipline" à l’INEF et à l’INSEP, le garçon monte les étages et finit par accrocher une médaille aux championnats de France. Une grosse blessure à l’épaule (luxation complète) le met sur la touche et enclenche une réflexion sur l’avenir. "J’avais l’impression que je n’avais plus vraiment envie de m’entraîner en judo comme ça le demande si tu veux atteindre le plus haut niveau. Je me suis dit qu’il était temps de passer à autre chose. C’était difficile car j’avais fait ça toute ma vie. Je ne savais pas trop quoi faire."
Jousset vient à peine de passer la vingtaine et dit au revoir à la passion qui l’a drivé depuis si longtemps. Mais la vie va le remettre sur le chemin du combat. Après une grosse année et demie en Grande-Bretagne "pour apprendre l’anglais", il décolle pour l’Australie pour "voir autre chose". Une rencontre va changer la destinée de celui qui passe un diplôme de préparateur physique en parallèle: "Il m’a conseillé de me mettre au MMA, m’a dit qui que les mecs qui faisaient du judo étaient bons dans cette discipline. Après quinze ans pour devenir bon au judo, je me suis dit: ''Laisse tomber, c’est trop tard''. Mais j’ai fini par suivre ses conseils."
Et pas question de faire les choses à moitié. "Je m’y suis mis directement à temps plein. J’ai fait un entraînement ou deux, j’ai vu que ça me plaisait beaucoup. En grappling, donc judo, jiu-jitsu et lutte, j’avais déjà un niveau très avancé par rapport à beaucoup d’entre eux. Mon pieds-poings n’était pas du tout bon par rapport à eux car je n’en avais jamais fait mais je pensais vraiment que le niveau était atteignable si je m’investissais vraiment à 100% donc c’est ce que j’ai fait. Ça m’a donné un ros challenge et j’aime me fixer des challenges." Jousset tombe vite amoureux de sa nouvelle discipline, bien plus diversifiée. "J’ai adoré direct la liberté, le fait d’avoir tellement de possibilités. Tu ne peux jamais t’en lasser. Tu as toujours des choses sur lesquelles progresser."
On lui conseille la salle Absolute MMA, à Melbourne. Où il rencontre dès 2016 du très beau monde: Alexander Volkanovski, actuel champion des -66 kilos à l’UFC, et Craig Jones, un des meilleurs spécialistes au monde de grappling, avec qui il tourne "plusieurs fois par semaine". Il passe quatre ans en Australie à progresser. Mais son avenir va s’écrire de l’autre côté de la mer de Tasman. Direction Auckland et la Nouvelle-Zélande. "J'ai entendu parler de la salle City Kickboxing, qui à l’époque n'était pas aussi grosse que ce qu’elle est actuellement. J’y suis juste allé car je savais qu'ils avaient des bons mecs en pieds-poings. Je me suis vraiment bien entendu avec toute l'équipe et ils m'ont proposé de venir là-bas à temps plein. Et ça plus de trois ans et demi que j’y suis." Entretemps, le garçon a entamé sa carrière en MMA avec deux combats amateurs en 2018 avant le saut chez les pros en 2019 dans les organisations locales HEX Fight Series et Eternal MMA.
A son troisième combat, il affronte… Jack Della Maddalena, aujourd’hui quatorzième du classement des challengers chez les -77 kilos (sa catégorie) à l’UFC. Pour une défaite, sa première, sur arrêt du docteur. "Il devait défendre sa ceinture dans une autre organisation, à Melbourne, où je vivais, mais le mec qu’il devait affronter s’est blessé une semaine avant le combat et ils m’ont proposé de combattre. J’étais à 2-0 et je revenais du mariage d’un pote à New York. Mais je pars du principe que les opportunités sont toujours bonnes à prendre et que tu ne sais jamais quand tu en auras d’autres donc je n’ai même pas réfléchi trente secondes. Le premier round était assez serré. Dans le deuxième, j’ai pris un coup de coude au sol et ça m’a ouvert l’arcade. Le médecin est venu dans la cage avant le troisième et ne m’a pas autorisé à reprendre. Je n’étais pas d’accord mais ce sont les règles du jeu. J’espère recombattre ce mec à l’UFC. Ce serait une belle revanche à prendre."
Sept combats plus tard, fin mai 2023, Jousset a pris deux ceintures chez HEX, en -77 et -84 kilos. HEX? L’organisation où un certain Israel Adesanya avait remporté le titre des -84 juste avant de signer avec l’UFC. Avec ce C.V., une équipe de management qui gère également Adesanya et Volkanovski (entre autres combattants UFC) et un Adesanya qui envoie directement une vidéo à Dana White et aux matchmakers de l’organisation après son dernier combat, la route vers l’UFC lui semble ouverte. Jousset rêve de débuts à Paris devant sa famille et ses amis. Ce sera finalement Sydney, pas loin de l’autre chez lui.
"Après mon dernier combat, j'étais sûr à 99 % que j'allais combattre à Paris, explique-t-il dans une nouvelle interview à RMC Sport. C'est ce qu'ils avaient fait sous-entendre à mon manager. Je me suis préparé pour mais au fil des semaines qui défilaient, avec mon nom qui n’arrivait pas, la carte qui commençait à se remplir, je me suis dit: ''J'ai l'impression que ça ne va pas se faire''. Ça a commencé à me stresser un petit peu. Au final, ils ont mis un Français contre un Irlandais en Australie alors que ça aurait sûrement eu plus de sens de le faire en France. Mais je suis très content d'avoir eu l’appel de l’UFC. Être sur un événement numéroté, c'est une expérience folle. J’ai regardé l’UFC Paris et ça m’a donné bien envie mais je sais que ce sera une chose qui arrivera dans le futur."
Alors que le public du MMA français le connaît très peu, la chose est sans doute un mal pour un bien pour lui permettre de développer sa notoriété avant de se produire dans son pays. En Australie, avec un court voyage d’avion à effectuer (trois heures), tout son club à ses côtés (six membres du City Kickboxing sont sur la carte) et même quelques membres de sa famille qui vont faire le déplacement, Jousset va connaître des conditions idéales pour ses débuts. Où les fans de l’UFC vont découvrir un style très empreint de son passé dans le judo, qui lui a valu le surnom "Air" – qu’il partage avec le Canadien Charles Jourdain à l’UFC ("Il va falloir qu’il change", s’en amuse-t-il) – pour ses amenées au sol spectaculaires et aériennes.
"C'est un style différent des autres, dans le sens où j'ai des compétences de kickboxing dues à la salle où je m'entraîne. On est très bon sur la distance, sur notre défense pour ne pas trop se faire toucher. On est très intelligents dans l’approche du combat, on sait infliger des dommages sans trop en prendre. Tactiquement, on est assez bons sur les plans de combat. Et avec mon passé, quand les gens viennent un petit peu trop proches, j'ai des belles amenées au sol de judo. Et au sol, je me sens très bien aussi. Je suis assez complet. J'aime aussi utiliser mes coudes quand le mec en face est un peu trop agressif aussi." Et de conclure dans un sourire sur une formule qui fait mouche: "Qu’est-ce que voit quelqu’un qui me regarde combattre pour la première fois? Beaucoup de sang. Et souvent, ce n’est pas le mien."
Parfaite utilisation du jab et des coups de pied, maîtrise de la gestion de la distance, Jousset a fait siennes les forces de sa salle, cadre idéal pour progresser sur le pieds-poings. "Il aurait fallu me voir avant que j'arrive à la salle et maintenant. La différence est folle. Je ne prends plus vraiment de dégâts et c'est dû à savoir contrôler la distance. C'est l'une des choses qu'on bosse en priorité. Sur le long terme, ça ne peut être que bénéfique car le but est de combattre un bon moment et mon cerveau soit intact à la fin de ma carrière." Accompagné dans ses progrès par Adesanya et tous les combattants UFC du City Kickboxing (on peut citer Dan Hooker, Carlos Ulberg ou Mike Mathetha), mais aussi par Volkanovski ou Jones quand ils traînent dans le coin (le second l’a même invité un mois à s’entraîner chez lui, au Texas, en 2021), le Français a tout pour exploiter son potentiel au maximum.
"Son grappling et son judo ont toujours été là, juge Volkanovski au micro de RMC Sport. Et son striking s’améliore. C’est très excitant pour lui." Très pote avec Adesanya – qu’il a rencontré en 2018 en Australie et qu’il a accompagné sur plusieurs de ses combats – mais aussi Ulberg ou Mathetha, son camp possède une densité folle. Qui invite aux progrès. "Je ne m’en rends pas forcément compte car ma carrière a grandi autour de ces mecs-là et que je les connais comme amis, leur vie privée et tout ça. Mais si je regarde, niveau qualité, je suis assez chanceux. J’ai vraiment des mecs en or pour m’entraîner. Avec Adesanya, on fait quasiment le même poids donc on s’entraîne tous les jours ensemble et ça crée des liens. Il y a une ressemblance avec Adesanya sur le striking, même si chacun a son style. Mais je me sens aussi très bien dans le clinch, car le judo est un sport où tu es au corps-à-corps, ce qui n’est pas le truc des kickboxeurs. Tourner avec Izzy? Ça envoie dur, oui, mais ne vous inquiétez pas, ça renvoie dur aussi!"
La légende veut même qu’il ait fait très mal au champion des -84 kilos d’une séance… Peu importe. Ce qui se passe en sparring doit rester en sparring. Mais voir Eugene Bareman partager cette anecdote montre ce qu’il pense de son poulain français. Double champion chez HEX, Jousset compte s’installer à l’UFC en -77 kilos, catégorie où le champion actuel se nomme Leon Edwards ("Il le mérite vu ses qualités techniques") et où il n’a "aucun souci à faire le poids". Avec un gros appétit: "Il n'y a pas un mec dans le top 10 que je ne voudrais pas combattre". Celui qui avoue se poser la question d’un éventuel retour en France dans quelques années – "Il faudra avoir les bons contacts pour savoir où m’installer pour avoir une bonne équipe comme la mienne en Nouvelle-Zélande ou alors ouvrir ma salle dans le sud de la France" (où il revient tous les deux ans, la dernière fois en juin) – n’y va pas par quatre chemins.
"L’objectif est clairement d’être champion. Je m’entraîne avec des mecs champions à l’UFC et je sais ce que je vaux contre eux. Je continue de progresser au quotidien à une vitesse très rapide. Je me donne les moyens, je m’entraîne plus dur que la plupart des mecs, je sacrifie tout ce que j’ai besoin de sacrifier pour progresser et je sais que ça va continuer de payer." Il compte le prouver pour ses débuts face à Crosbie, un adversaire "assez agressif" contre lequel Jousset imagine "une bonne guerre et un combat où il va falloir rester intelligent car il prend beaucoup de risques et n’hésite pas à en prendre une pour en rendre une et faire des dégâts", le tout sur un format de trois rounds qui va avantager son cardio après deux derniers combats disputés en cinq reprises. "J'ai combattu des mecs plus expérimentés et meilleurs que lui. Tant que je reste concentré, je suis confiant. Je pense gagner dans le deuxième round."
Il pourra ensuite profiter de la fin du voyage avec sa "famille" du City Kickboxing. "Tout le club est là mais on est tous très professionnels. On a tous des objectifs à atteindre. Mais, dimanche, après avoir tous gagné nos combats, ce sera la colonie de vacances. (Sourire.)" Habitué à l’ambiance de l’UFC pour avoir accompagné ses potes dans l’organisation, le Français ne prend pas le gigantisme de l’organisation en pleine tête. Sa première n’est pas encore passée mais il a déjà hâte de remettre ça. "C'est l'une des motivations principales pour lesquelles je voulais arriver à l’UFC le plus vite possible. En Océanie, je galère à trouver des combats, il y a très peu de mecs qui ont accepté de me combattre. Mais il y a énormément de welters à l’UFC. Le but est de gagner ce week-end puis de revenir dans la cage avant la fin de l'année et d’être actif. Avoir quatre ou cinq combats par an, c'est le but." Si l’un d’eux peut avoir lieu lors du prochain UFC Paris, Kevin Jousset ne dira surtout pas non.