UFC 289: Nassourdine Imavov, le combat mental
Il dit s’être "habitué avec l’expérience". Avoir "compris que faire attention aux mecs sur Twitter ou autre, qui n’ont pas de photo de profil, qui ont peut-être dix ou quinze ans" n’apportait rien de bon. Il reconnaît que c’était le cas avant mais affirme "ne plus faire attention du tout à chaque commentaire". Mais le discours va aussi dans l’autre sens. Battu par Sean Strickland mi-janvier pour son premier main event (combat principal) à l’UFC, et son premier combat contre un membre du top 10 des challengers de sa catégorie des moyens même s’il a eu lieu à la limite de poids supérieure en raison d’un délai trop court pour l’Américain qui avait remplacé Kelvin Gastelum quelques jours avant l’événement, Nassourdine Imavov a subi la foudre des réseaux sociaux après sa deuxième défaite dans la plus grande organisation de MMA à travers la planète.
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Et il avoue qu’elle alimente son feu. "Ça m’a fait mal au début mais ça m’a surtout beaucoup motivé, il faut le dire, raconte le combattant français d’origine daghestanaise au micro du site La Sueur. Franchement, j’ai envie de remercier sincèrement tous ces haters qui critiquent car ça me motive énormément. C’est ce qui a fait que la motivation était là. J’étais vraiment très motivé pendant ce camp d’entraînement." Opposé ce week-end à Vancouver à Chris Curtis lors de la carté préliminaire de l’UFC 289, un combat qui peut le relancer le top 10 de sa catégorie mais aussi le sortir du top 15 en cas de contre-performance (il est douzième et Curtis quatorzième), Imavov semble osciller entre deux états d’esprit face aux mauvaises langues.
Un grand écart qui pose une question globale: son plus gros combat est-il mental? Dans le milieu du MMA français, parler du "Sniper" du MMA Factory donne toujours la même réponse. Celle d'un combattant extraordinaire à la salle, avec toutes les qualités pour devenir champion dans la prestigieuse UFC. Mais il y a ce sentiment de ne pas encore vu sa meilleure version dans l’octogone, sous les projecteurs les plus brillants. Comme s’il y montait avec une forme de frein à main psychologique. Comme si le cerveau jouait des tours à ce corps capable de merveilles et l’empêchait de se lâcher.
Un constat que les observateurs avaient notamment pu faire lors du premier UFC Paris, en septembre dernier, quand Joaquin Buckey avait réussi à rentrer dans sa tête via des attaques verbales et à le pousser à trop donner, ce qui l'avait rattrapé dans un troisième round où il avait manqué de jus (il avait à l’inverse été un peu trop prudent face à Strickland, peut-être une conséquence). Irrémédiable? Loin de là. Et l’intéressé travaille dessus.
"Il est en voie de devenir très apaisé, explique Fernand Lopez, son coach et manager, dans son émission King & The G. Tu ne peux pas transformer facilement un mec aussi volcanique à l’intérieur, aussi fier, en quelqu’un qui va trouver l’apaisement. On est dans la phase où Nassourdine dompte qui il est. Petit à petit, il se dit que s’il prend ses performances quand il est tendu, il a un temps de réaction plus long, du retard sur ses choix, moins de lucidité, donc peut-être qu’il faut dompter ce côté de fierté très forte qui lui fait faire des choses qui ne sont pas nécessaires. Mais ça prend du temps, c’est très compliqué, il faut y aller progressivement. Il y a une très grosse force en Nassourdine et il faut la contrôler pour qu’elle sorte au bon moment. C’est un processus d’apprentissage."
Qui consiste notamment pour Imavov à retrouver une certaine idée de la mise en danger. Passé chez les moyens (-84 kilos) après avoir débuté sa carrière pro chez les welters (-77), le garçon est passé ces dernières semaines par un développement de force – et un régime moins strict – pour prendre de la masse et arriver plus lourd dans la cage mais également pour la semaine du combat pour en mener un autre qui le renforce mentalement.
"Je n’ai jamais cutté pour faire 84 mais j’en ai fait à 77, détaille-t-il. C’était ça: je souffre avant et ensuite je vais au combat. Quand je suis passé en 84 kilos, même si je me sens bien, il y a ce petit manque. Il manque cette souffrance-là que j’avais avant les combats. Je ne dirais pas que ça me perturbait mais je préfère l’avoir. C’est le fait de souffrir. C’est le premier combat. Et quand tu passes par là, dans ta tête, tu es déterminé. Tu te dis: hors de question, je suis passé par tout ça, je ne suis pas seulement venu pour souffrir, il faut cette victoire à la fin. Ça te forge énormément mentalement juste avant le combat."
Plus fort dans la tête, Imavov paraît prêt à relever le nouveau défi devant lui. "A condition qu’elle ne te brise pas, la défaite t’amène à réfléchir pour revenir plus fort", philosophe Lopez. La situation pourrait pourtant perturber son élève. Ami et partenaire d’entraînement de Strickland, avec qui il a aussi lancé un podcast, le prochain adversaire de Nassourdine sera accompagné par son dernier adversaire pour ce combat. Et le duo ne va pas hésiter à l’attaquer verbalement, comme ils l’ont déjà fait dans leur podcast en évoquant "une tête de mec sous surveillance des autorités" (déclaration honteuse qui n’étonne pas quand on connaît les deux, surtout Strickland et son passé néo-nazi).
Pas grave. Imavov espère même "que Strickland sera là" (c'est bien le cas comme prévu). "On s’attend à tout. Mais on est prêt." Les doutes de certains sur sa capacité à passer l’obstacle Curtis sont autant d’autres sources de motivation. "Je préfère ça, qu’on dise que mon adversaire est chaud, qu’il va me battre, et que je vienne créer la surprise. Ça me motive plus qu’un adversaire dont on dit que je vais le passer facilement, un peu comme avec Buckley." Après sa défaite face à Strickland, conscient d’avoir raté une belle marche dans sa carrière, Imavov n’avait pu retenir quelques larmes et un discours fort au micro de RMC Sport: "J’ai merdé!" Pour éviter de voir la situation se reproduire contre Curtis, le "Sniper" devra d’abord gagner la bataille mentale avec lui-même.