UE: Paris hostile à l'idée de négociations d'adhésion avec Tirana et Skopje

par Robin Emmott

LUXEMBOURG (Reuters) - La France et les Pays-Bas voient d'un mauvais oeil le projet de l'Union européenne de donner son feu vert à des négociations sur une adhésion de l'Albanie et de la Macédoine à l'UE, craignant qu'une telle perspective ne renforce un peu plus les sentiments anti-immigration et l'extrême droite au sein des Vingt-huit, déclare-t-on dans les milieux diplomatiques européens.

Tirana et Skopje espèrent que les ministres européens accepteront d'accorder ce feu vert lors de leur réunion de mardi à Luxembourg, et qu'ils seront suivis ensuite par les dirigeants de l'UE lors du Conseil européen de jeudi.

Maintenant que Skopje et Athènes ont résolu leur différend sur le nom de l'ancienne république yougoslave, les Grecs n'opposent plus de veto à ce que la "République de Macédoine du Nord" rejoigne à terme aussi bien l'Otan que l'UE.

Le président français Emmanuel Macron a cependant déclaré au Parlement européen en avril qu'il ne pourrait pas soutenir un tel élargissement sans qu'il y ait au préalable de nouvelles réformes internes à l'UE, et dans les milieux diplomatiques, on indique que la position française n'a pas changé depuis lors.

A en croire d'autres diplomates, des préoccupations liées aux migrants sont au cœur de la question de l'élargissement à l'Albanie et à la Macédoine.

"Nous attendons des réformes avant de pouvoir engager des négociations, parce que nous avons de fortes exigences", dit-on de source diplomatique française.

JUNCKER ET LE RISQUE DE GUERRE

La France et les Pays-Bas ont adressé en mai un document aux autres pays de l'UE, dans lequel ils estimaient que l'absence de réformes judiciaires, la corruption endémique et le crime organisé faisaient que l'Albanie et la Macédoine n'étaient à leurs yeux pas prêtes pour des négociations d'adhésion.

"Selon eux, les conditions d'ouverture des négociations d'adhésion ne sont pas réunies", a déclaré un diplomate européen.

A en croire deux autres diplomates de l'UE et deux fonctionnaires européens, Emmanuel Macron craint aussi que des négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine ne jouent en faveur de l'extrême droite, qui fonde son succès sur ses promesses de lutte contre l'immigration.

"Macron estime que cela ouvrirait un boulevard à l'extrême droite, en raison de l'association faite entre crime organisé et Albanie", déclare un responsable européen. "Ils (les Français) ne veulent pas ouvrir (de telles négociations) avant les élections européennes de l'année prochaine", a déclaré le responsable, qui faisait allusion aux élections de mai 2019.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, qui s'est rendu en Albanie, en Bosnie, au Kosovo, en Macédoine, au Monténégro et en Serbie au mois de mars, a mis en garde contre le risque d'une reprise de la guerre dans les Balkans si ces pays perdent l'espoir de pouvoir adhérer un jour à l'UE.

(Avec John Irish à Paris; Eric Faye pour le service français)