Tunisie : feuille de doute(s)
« Les mauvaises nouvelles sont fatales à celui qui les apporte », fait dire Shakespeare à l?un des messagers d'Antoine et Cléopâtre. Ce ne fut pas le cas mercredi. 20 heures sonnent lorsque l?agence de presse étatique tunisienne, la TAP, annonce la condamnation à « quatre ans de prison ferme avec effet immédiat » de l?ancien président de la République Moncef Marzouki. On compose rapidement son numéro pour avoir sa réaction, et on se découvre alors le coolie de vilains augures, un Cassandre. Légèrement surpris, l?ex-président demande à quoi il est supposé réagir. On lui annonce sa peine de prison. Interdit, quelques secondes pour l?admettre, il déclare : « Je n?étais pas au courant d?une procédure, je n?ai pas reçu de convocation, je ne peux vous dire ma surprise et ma honte pour la justice qui a pris cette décision. » Quels en sont les motifs ? « Je les ignore, aucun tribunal n?a envoyé le moindre courrier. » Il précise le contexte dans lequel intervient cette sanction : « On m?a retiré mon passeport diplomatique il y a plusieurs semaines. » L?homme s?est publiquement opposé à l?actuel président, Kaïs Saïed, qu?il qualifie de « putschiste ». En retour, Saïed n?a pas toléré que son prédécesseur, qui a été président de 2011 à 2014, se soit élevé contre « le coup d?État constitutionnel du 25 juillet ». Une tempête présidentielle, les Tunisiens y sont désormais habitués, s?est alors élevée avec force contre les « traîtres » et les « félons ».