Trump ou Harris ? Sur l’élection américaine, la classe politique française entre relativisme et inquiétude

Plusieurs partis politiques sont tentés de rapprocher Donald Trump et Kamala Harris, concernant notamment les répercussions de leurs promesses sur la France et l’Europe.

Entre relativisme et inquiétude : la classe politique française face à l’élection américaine

POLITIQUE - American psycho. La campagne présidentielle touche à sa fin aux États-Unis, dans un climat d’indécision totale. Selon tous les observateurs, l’élection entre la vice-présidente démocrate Kamala Harris et le candidat Républicain Donald Trump, dont les résultats doivent être connus après le vote du 5 novembre, se jouera dans un mouchoir de poche.

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À de nombreux égards, ce scrutin marquera l’histoire. Il peut entraîner la victoire et l’installation de la première femme à la Maison Blanche. Ou le retour au pouvoir de l’ancien président, plus dur et imprévisible que jamais, avec son cortège de reculs et de menaces. En somme, l’avenir de la démocratie américaine peut-être en jeu, selon plusieurs spécialistes.

En France, l’opinion publique est tranchée : elle préfère à 64 % la victoire de Kamala Harris (contre 13 % pour son adversaire), selon une enquête réalisée mi-octobre par l’institut Elabe. Mais qu’en est-il dans la sphère politique ? Si la candidate démocrate emporte également de nombreux suffrages, les opinions semblent plus diverses, et une forme de relativisme guette.

De fait, le degré d’inquiétude n’est pas la même dans chaque chapelle. Du côté du camp présidentiel, on insiste sur les menaces qui pèsent autour de l’annonce du résultat et des heures qui vont suivre. « C’est une élection très importante. Je souhaite qu’elle se déroule dans des conditions apaisées, ce qui ne semble pas être absolument garanti », a ainsi estimé le chef de la Diplomatie française Jean-Noël Barrot, jeudi, sur BFMTV, en référence aux doutes qui subsistent sur l’attitude de Donald Trump en cas de défaite.

A contrario, pointent également des craintes quant à l’éventuelle victoire du milliardaire pour le peuple américain, mais également le reste du monde. « Les enjeux sont réels », affirme au HuffPost l’ancien ministre Roland Lescure, actuel député des Français d’Amérique du Nord, qui sera à New York, auprès de la communauté française, pour l’événement.

« Sur l’Ukraine, il y a un risque majeur de désengagement dès le premier jour, avec toutes les conséquences que ça peut avoir sur la sécurité de l’Europe », explique-t-il, en citant également le durcissement de la législation migratoire sous Donald Trump, que ses administrés « ont déjà vécu dans leur chair entre 2016 et 2020. » Sans parler de sa propension aux « décisions imprévisibles. »

Autant de critiques, ou de point d’attention, que l’on retrouve à gauche, malgré les discours anti-atlantistes tenaces de certaines formations. « L’identité politique du président de la première puissance militaire n’est pas un détail, nous confirme en ce sens le député insoumis Arnaud Le Gall. Une défaite de Donald Trump est forcément préférable au nom de la lutte contre le fascisme. » Un discours qui se fait encore plus enthousiaste chez certaines figures socialistes ou écologistes, souvent très élogieuses à l’égard de Kamala Harris.

À l’opposé dans le spectre politique, le diagnostic est tout autre. Le député Éric Ciotti par exemple, qui s’est récemment illustré sur le plateau de C à Vous, pour son incapacité à reconnaître un fait et son discours aux accents « trumpiste », soutient sans coup férir l’ancien président américain. « Trump sera plus à même de régler ce qui nous menace aujourd’hui, le conflit au Moyen-Orient et le conflit en Ukraine », a-t-il expliqué, mercredi sur Sud Radio, « sans hésiter. »

Le Rassemblement national lui se fait plus discret, stratégie de normalisation oblige. Certes, Jordan Bardella a loué « le patriotisme » du milliardaire américain, le 28 octobre dernier sur France 2. « J’aime ces dirigeants politiques qui font passer l’intérêt des leurs et l’intérêt de leur pays et de leur nation, peut-être avant celui des autres », a expliqué le président du Rassemblement national. Mais ce n’est rien par rapport aux discours laudatifs des années précédentes.

« La classe politique française est très autocentrée et aborde finalement assez peu le sujet »

En 2017, Marine Le Pen avait tenté de rencontrer, en vain, le président élu en faisant le pied de grue dans le hall de la Trump Tower. Quelques années plus tard, elle envoyait une délégation d’élus pour assister aux derniers meetings de la campagne contre Joe Biden. Jordan Bardella devait d’ailleurs être du voyage. Une sorte d’admiration, mise en sourdine depuis l’assaut du Capitole et qui est désormais l’apanage des zemmouristes.

Certains au Rassemblement national mettent même Donald Trump et Kamala Harris sur un pied d’égalité. C’est le cas par exemple du député Jean-Philippe Tanguy, lequel appelait jeudi, sur Cnews, « la France et l’Europe » à arrêter de « croire qu’ils ont des amis à Washington pour défendre leurs intérêts. » Un point pour l’un ou l’autre ? « Aucun. »

Pour le parti d’extrême droite, ce relativisme est une sorte de recentrage. Mais le phénomène semble gagner d’autres familles politiques sous la forme d’une certaine indifférence. « La classe politique française est quand même très autocentrée et aborde finalement assez peu le sujet », nous confirme un membre du « socle commun » à l’Assemblée nationale.

Trump - Harris, des différences « marginales ? »

Une mise à distance illustrée par la position des insoumis, parmi d’autres. Alors qu’il estime « préférable » la victoire de Kamala Harris, le député Arnaud Le Gall affirme que les différences entre la candidate démocrate et son adversaire républicain sont « marginales » sur tout un tas de sujets. Parmi eux, la politique étrangère, « via l’usage massif des sanctions tous azimuts » ou le « soutien inconditionnel au gouvernement d’extrême droite israélien. » Mais également la stratégie économique « protectionniste favorisant les délocalisations ou relocalisations des productions industrielles aux États-Unis. »

Pourtant, plusieurs éléments factuels viennent démentir ce rapprochement. Même si l’on se borne uniquement sur les répercussions de ces élections en France et en Europe. Le programme de Donald Trump fait planer le spectre d’une guerre économique entre les États-Unis et le Vieux Continent, à travers entre autres un projet de surtaxe (peut-être de 20 points supplémentaires) sur les produits venus d’Europe. Kamala Harris prône, elle, une politique directe de subvention aux entreprises sur son territoire.

Quant à la guerre en Ukraine, pour ne citer que ce sujet, les deux candidats portent des stratégies radicalement opposées, bien qu’ils ne s’épanchent guère sur leurs solutions pour arrêter les combats. La vice-présidente démocrate veut poursuivre le soutient massif à Kiev. Son adversaire est lui opposé à tout appui militaire ou même économique. Une position qui affaiblira inévitablement l’Ukraine, dans la guerre puis les négociations, et, à terme l’Union européenne.

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