Trafics de drogues à Grenoble: en quoi consiste le partenariat unique signé entre la CAF et le parquet?
Frapper les trafiquants au portefeuille. L'idée revient régulièrement dans le débat politique. À Grenoble, les pouvoirs publics ont mis en place un partenariat unique dans le cadre de la lutte contre les trafics de stupéfiant. Une convention a été signée en 2020 entre la Caisse d'allocations familiales (CAF) et les parquets de ressort de la cour d'appel d'Isère, Grenoble, Bourgoin-Jallieu et Vienne.
Dans le cadre de cette convention pour lutter contre la fraude aux prestations sociales, le parquet de la ville transmet à la CAF les ressources des dealers liées à leur activité criminelle. L'objectif est alors que ces sommes gagnées par le trafic de drogue soient intégrées aux revenus déclarés à l'organisme qui peut ainsi recalculer les aides versées.
Depuis la mise en place du partenariat, "55 trafiquants ont vu leurs allocations diminuées ou supprimées", a expliqué Éric Vaillant, le procureur de la République de Grenoble au Parisien. Le magistrat se félicite de ce dispositif alors que la ville est touchée par une "guerre des gangs intense".
3.000 euros de pénalité
Concrètement, ce partenariat, dont la visée originale est la lutte contre la fraude aux prestations sociales, se traduit par un recueil et un croisement des informations. Ainsi, côté enquêteurs et justice, on se renseigne sur la personnalité du mis en cause, s'il vit en couple, quels revenus il perçoit.
Ces informations peuvent être croisées avec celles détenues par la CAF. Des PV de police ou de gendarmerie, des rapports d'enquêtes, des mains courantes peuvent ainsi être transmises à l'organisme.
En matière de stupéfiants, les enquêteurs peuvent transmettre une estimation de la valeur des biens et produits transmis, mais aussi depuis quand le mis en cause s'adonnerait au trafic.
L'un des exemples cités est celui de deux hommes condamnés par le tribunal correctionnel de Grenoble pour trafic de drogue. Les gains illicites obtenus ont été intégrés à leurs ressources. Après recalcul de leurs revenus, leurs allocations ont été réévaluées. Un pénalité de 3.000 euros leur a été imposée.
"Bonne pratique"
Cette convention ne concerne que les allocataires majeurs. La CAF, en cas de suspicion de fraude aux prestations sociales, réaliser un signalement auprès de France Travail et de l'Assurance maladie. À l'inverse, l'organisme peut alerter le parquet sur la situation d'allocataires.
Ainsi, la directrice de la CAF expliquait lors d'une conférence de presse en 2022 avoir eu le cas "d’une allocataire sans activité et sans ressource qui percevait d’importantes sommes".
L'époux de cette dernière était connu de la justice. "Nous avons communiqué ces informations au parquet et quelque 100.000 euros ont été saisis chez eux, à leur domicile. Le préjudicie de la CAF s’élevait alors à 10.000 euros", détaillait encore Florence Devynck.
Cet échange d'informations a été recensé en 2022 comme "bonne pratique" par la direction des affaires criminelles et des grâces. Au mois de mai dernier, le Parlement a définitivement adopté une proposition de loi facilitant la confiscation des avoirs criminels, une peine complémentaire parfois jugée davantage dissuasive que l'emprisonnement auprès des trafiquants de drogue.