Tour de France : Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard sèment le doute avec leurs performances dantesques
CYCLISME - « Je crois que l’on vient d’assister à l’une des plus belles ascensions de tous les temps. » L’homme qui prononce ces mots s’appelle Tadej Pogacar, et la performance qu’il commente n’est autre que… la sienne. Le weekend des 13 et 14 juillet, le prodige slovène (et dans une moindre mesure son principal rival, le Danois Jonas Vingegaard) ont enchaîné les montées fulgurantes dans les Pyrénées, sur le Tour de France 2024.
Au point qu’avant le retour du peloton dans les Alpes ce vendredi 19 juillet, les suspicieux se font de plus en plus bruyants, quand ils n’optent pas pour la résignation.
Et pour cause : d’abord samedi sur le Pla d’Adet, puis dimanche au plateau de Beille, les deux hommes (et dans leur sillage une partie des meilleurs coureurs de ce Tour 2024) ont battu les records de ces deux ascensions de légende. Des temps de référence établis il y a deux décennies par Marco Pantani et Lance Armstrong, des cyclistes pas franchement connus pour leur probité, ni pour avoir embelli l’image du cyclisme.
Des records atomisés
Or dire que Tadej Pogacar a « battu » ces records ne lui rend pas justice. En réalité, il les a fracassés, détruits, atomisés. Dimanche, en escaladant le col d’une quinzaine de kilomètres en moins de 40 minutes, il a retranché près de quatre minutes au chrono emblématique de Pantani. La veille, c’était déjà deux minutes de mieux qu’Armstrong, mais sur à peine 25 minutes de grimpette.
Raison pour laquelle certains peinent à qualifier le niveau de performance du meilleur cycliste de la planète, déjà double vainqueur de Grande boucle (2020 et 2021). « Je ne comprends plus rien au vélo, courage aux survivants dans les prochains jours », a notamment écrit l’ancien sprinteur Nacer Bouhanni sur X. Avant de réitérer dans les colonnes du Parisien, où il s’interroge sur les « limites du corps humain » au vu des données publiées sur ces ascensions. Lilian Calmejane, vainqueur d’étape sur le Tour 2017, compare, lui, les temps du weekend au record historique d’Usain Bolt sur 100 mètres : « Je fais allusion au fait que ce niveau de performance ne sera pas battu dans les 20 prochaines années… (j’ose espérer) ».
Dans Le Monde, le journaliste Pierre Carrey s’amuse pour sa part d’une nouvelle tendance au sein du peloton : le recours au second degré et à l’ironie dans les rangs des coureurs « normaux » pour parler des performances des furieux du général. « Beaucoup d’équipes ont décidé de prendre ce Tour de France du bon côté. On ne peut rien faire, autant en rigoler », lui lâche par exemple un cycliste resté anonyme. À visage découvert, le manager français de l’équipe belge Lotto, Stéphane Heulot, déclare dans L’Équipe être « sur le cul » face aux écarts colossaux entre les meilleurs de ce Tour et les autres. Et invite à « toujours douter » de telles réussites, rappelant le passé sulfureux du cyclisme : « (Pogacar et Vingegaard) sont des talents comme Pantani en était un. Mais j’espère qu’on est sortis de ce merdier-là… »
Entraînement, équipement et nutrition
Sur les réseaux sociaux, chez les passionnés comme au sein d’une partie des suiveurs du peloton, les accusations sont encore moins voilées. Certains usent sans coup férir du mot « dopage », quand d’autres rappellent (un peu) plus subtilement le passif sulfureux du staff de l’équipe de Pogacar, entre listing de coureurs suspendus à vie et passeports biologiques douteux. Pour Ouest France, l’entraîneur Alban Lorenzini refuse même de se prononcer sur le « pourquoi » de telles performances, déplorant que Pogacar et Vingegaard « arrivent à être plus forts que les meilleurs de l’époque EPO ». Ce qui lui fait dire qu’on est désormais largement sortis du cadre du cyclisme : « Ce n’est plus que du cirque à mes yeux. »
Pourtant, du côté des concernés, sans même rappeler que les cyclistes du Tour de France sont constamment soumis à des tests antidopage, on balaie ces critiques et accusations, développant tout un argumentaire pour justifier chiffres et données hors du commun. Quitte, parfois, à jouer l’étonnement face à leurs propres performances, à l’image d’un Pogacar qui a évoqué un moment « complètement fou » et « les chiffres les plus élevés » produits dans sa carrière lors de l’ascension du plateau de Beille.
Parmi les raisons expliquant une telle progression, le Slovène de 25 ans avance plusieurs changements majeurs au cours des dernières années : les technologies déployées pour rendre les vélos de plus en plus rapides, la nutrition au sein de son collectif, les nouvelles pratiques d’entraînement avec notamment des longs camps en altitude, les réflexions mises en œuvre pour améliorer l’aérodynamisme, la posture sur la machine… Et d’aller jusqu’à évoquer une forme « d’amateurisme » en 2019, lorsqu’il réussissait son premier podium sur un grand tour, obtenant à la surprise générale la troisième place de la Vuelta.
Ainsi, la concurrence entre les principales formations du peloton permet selon lui d’expliquer que toutes se tirent vers le haut, se poussent à innover et à progresser sans relâche. Reste à savoir si ces explications prosaïques suffiront à dissiper le malaise né des dernières étapes de montagne.
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