Toujours sans gouvernement, la France est encore loin de battre la Belgique, reine de la crise politique
POLITIQUE - La période vous paraît longue, trop longue peut-être. Il faut remonter à 1953, sous la IVe République et les 38 jours du gouvernement démissionnaire de René Mayer pour trouver une telle vacance du pouvoir dans l’Histoire de France.
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Pourtant, il suffit de regarder de l’autre côté de nos frontières pour relativiser. Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, chez les Belges, médaillés d’or dans cette discipline, avec 541 jours de vacance du pouvoir entre 2010 et 2011.
Les gouvernements d’affaires courantes, la Belgique connaît bien. Dans son histoire récente, elle a dépassé à plusieurs reprises les 100 jours sans nouveau gouvernement nommé, avec, en attendant, un gouvernement démissionnaire, chargé de tenir les rênes du pays et de gérer le quotidien en attendant ses remplaçants.
Mais en 2010, la Belgique connaît une crise d’une durée inédite, qu’aucun pays au monde n’a égalée. À l’époque, les tensions entre les partis politiques wallons et flamands sont à leur comble, au point que la coalition gouvernementale vole en éclat avec le départ du parti flamand Open VLD.
Le Premier ministre Yves Leterme se retrouve sans majorité parlementaire et remet donc sa démission au roi Albert II qui l’accepte le 22 avril 2010, avant de convoquer des élections législatives anticipées pour le 13 juin. Le gouvernement d’Yves Leterme se met en « affaires courantes », sans savoir qu’il est encore loin de pouvoir faire ses cartons.
L’unité de la Belgique à l’épreuve de la crise
En effet, les résultats des élections législatives facturent un peu plus le paysage politique belge : en Flandres, c’est le parti nationaliste, le NVA de Bart de Wever qui l’emporte. De l’autre côté, en Wallonie, le vainqueur est le parti socialiste d’Elio di Rupo.
La Belgique est coutumière des compromis et des coalitions gouvernementales, mais cette fois-ci tout accord semble impossible entre ces deux partis aux idées diamétralement opposées.
Très vite les négociations échouent, et le risque d’éclatement de la Belgique devient réel. Les Belges ne savent plus quoi faire pour dénoncer le statu quo : l’acteur Benoît Poelvoorde appelle les Belges à ne plus se raser, une sénatrice décrète une grève du sexe, et étudiants et artistes lancent la « révolution des frites » - un mouvement qui consiste en gros à manger des frites et boire de la bière pour promouvoir l’unité du pays.
Mais les électeurs en ont ras le bol et le roi Albert II aussi. Le souverain tente de trouver une solution en nommant des médiateurs, mais les jours passent et la crise est si longue que le gouvernement démissionnaire d’Yves Leterme se retrouve à gérer bien plus que les affaires courantes.
Un gouvernement d’affaires pas si courantes
Pendant les 541 jours de vacance du pouvoir, le budget 2011 est bouclé, la Belgique prend la présidence du conseil de l’UE, et le pays se décide même à participer à la guerre en Libye.
Finalement, le 6 décembre 2011, un accord gouvernemental est trouvé, sans le parti nationaliste flamand qui a quitté les négociations et c’est le socialiste Elio di Rupo qui accède au pouvoir.
L’unité de la Belgique est préservée mais l’épisode laisse des traces, ce qui n’empêchera pourtant pas le pays de retomber dans une situation similaire. En 2018, c’est le Premier ministre Charles Michel qui démission mais il reste aux manettes de son gouvernement démissionnaire… Pendant 493 jours.
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