Total est "vert depuis 2015"? Pas sûr que ces ONG soient d'accord

Total est
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ENVIRONNEMENT - Une étude publiée ce mercredi 20 octobre révèle les efforts de dissimulation de Total face au réchauffement climatique depuis 50 ans. Ces accusations ont entraîné une réponse rapide du géant français des hydrocarbures: “Depuis 2015, Total a pour objectif d’être un acteur majeur de la transition écologique”, assure l’entreprise.

Ne rejetant plus le lien entre climat et industrie pétrolière, le groupe a adopté une stratégie de “transition”, visant même la neutralité carbone à l’horizon 2050. Depuis 2015, la société française, premier émetteur de CO2 du pays, non seulement reconnaît les effets du changement climatique, mais se serait attelée à montrer le chemin au secteur des énergies fossiles, visant le “top 5 mondial des majors des énergies vertes” dans les dix ans à venir. Pas sûr pourtant que nos voisins d’outre-Atlantique puissent témoigner de cette conversion.

Total parmi des lobbies très actifs

C’est en 2019 que Donald Trump l’annonce, comme à son habitude, en grande pompe. Le “Clean Energy Plan”, batterie de mesures mise en place par Barack Obama pour faire baisser les rejets en CO2 du secteur de l’énergie, c’est fini: place à l’“Affordable Clean Energy”, une nouvelle législation beaucoup plus permissive pour les industriels.

Ce retour en arrière n’a alors rien de surprenant: dès 2017, il a mandaté l’EPA, l’agence pour l’environnement américaine, pour proposer un nouveau texte plus en ligne avec le mot d’ordre de son administration: la dérégulation et la suppression des mesures de protection de l’environnement.

L’EPA n’a pas eu à chercher bien loin pour trouver ses idées. En se penchant de près sur le nouveau texte, les ONG environnementales ont trouvé de nombreuses mesures proposées par les lobbies de l’énergie, dont fait partie Total. La liste établie par le think tank de gauche libéral, The Center for Progressive Reform”, montre que près de 80% du nouveau texte est tiré de recommandations des lobbies.

Un train de nouvelles mesures spécifiquement réclamées par l’American Petroleum Institute, fameux lobby réunissant les acteurs américains et internationaux du pétrole... dont Total. Au global, sur la dizaine de mesures pour “libérer” l’activité réclamée par l’API, l’ONG en a compté 7 adoptées dans le texte de l’administration Trump.

400 millions de tonnes de CO2 supplémentaires

D’autres lobbies ont aussi vu leurs réclamations prises en compte, représentant les intérêts du charbon, de l’industrie minière et manufacturière pour obtenir un texte aux effets ravageurs sur les mesures contre le réchauffement. Avec l’“Affordable Clean Energy”, les chercheurs ont estimé qu’à l’horizon 2030, ce sont plus de 400 millions de tonnes supplémentaires de CO2 qui seraient émises chaque année par rapport aux prévisions de l’administration précédente.

Résultat? La pollution supplémentaire pourrait engendrer jusqu’à 1400 morts supplémentaires chaque année, selon des études préliminaires réalisées par l’équipe de Donald Trump elle-même.

La fin du mandat de Donald Trump a signé l’arrêt de mort de l’Affordable Clean Energy, sur une décision de Cour suprême américaine. Les juges ont estimé que cette législation était illégale dans la mesure où elle ne cherchait pas à réguler les émissions de gaz polluants, mais simplement à effacer des contraintes existantes. La législation mal née a vécu et porte la marque, entre autres, du lobbying du géant français du pétrole, même si ce dernier a quitté le puissant American Petroleum Institute, justement en raison de ses positions très conservatrices sur le climat.

Total sur les deux tableaux

En réalité, la multinationale n’a jamais cessé ses efforts pour faire prévaloir ses intérêts d’industriel du pétrole. En octobre 2019, un rapport de l’ONG “Les Amis de la Terre” chiffrait à 250 millions d’euros l’argent dépensé en lobbying à Bruxelles par le secteur pétrolier. À Paris, ce chiffre se monterait à 8,6 millions d’euros... avec au premier rang des “investisseurs” Total Énergies.

En face de ces sommes sonnantes et trébuchantes, des promesses environnementales qui souvent sonnent faux. La neutralité carbone en 2050? Un objectif “vide”, prévient l’ONG European Climate, qui s’appuie sur un schéma encore très timide d’investissement vers les énergies renouvelables.

Une réalité qui vient amoindrir la portée des prises de position de l’entreprise ces dernières années, notamment par la voix de son PDG, Patrick Pouyanné. Soutien de l’accord de Paris, annonce d’un “désinvestissement” partiel dans les énergies fossiles, appui à la mise en place d’une taxe carbone...tout cela fait partie, depuis 2015, d’un tournant visible opéré par la société.

Mais comme les deux faces d’une même médaille, ce positionnement va de pair avec une stratégie de pression sur les mesures environnementales contraignantes. Une petite anecdote qui s’est déroulée au tout début du mandat de Donald Trump, en 2017, en donne une illustration frappante.

Comme le rapportait à l’époque le Guardian, l’industrie pétrolière internationale s’est alors offert une importante campagne de publicité en soutenant la mise en place de la fameuse taxe carbone aux États-Unis: une manière de marquer sa différence face à l’arrivée d’une nouvelle administration très peu sensible aux enjeux environnementaux. Le prix à payer pour cet engagement? La fin du Clean Power Plan et de ses contraintes, comme le précise, aujourd’hui encore, le site de l’initiative lui-même.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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