"Si on tombe, les Européens seront les prochains", l'ex champion NBA Medvedenko explique pourquoi il a pris les armes en Ukraine

Stanislav Medvedenko - AFP
Stanislav Medvedenko - AFP

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Stanislav Medvedenko, l’invasion russe débutait le 24 février. Le 25, vous faisiez la queue pour devenir volontaire. Qu’avez-vous fait lors de ces premiers jours de guerre?

Je n’avais pas le choix. L’agression a commencé et tous les Ukrainiens se sont unis pour défendre leur patrie. J’ai pris la décision de ne pas quitter Kiev, même si l’armée russe était tout près. Nous avons créé la Force de défense territoriale ukrainienne avec l’état-major sur le territoire de notre district, où habitait 45 000 habitants avant la guerre. La moitié sont partis au début de la guerre. Nous avons créé cet état-major et rassemblé des stocks de nourriture et de produits de première nécessité.

Quand l’armée ukrainienne a réussi à faire reculer l’ennemi, nous avons commencé à pouvoir aider les habitants intensément. Surtout à Boutcha, où les gens sont restés pendant un mois sans eau, ni nourriture, ni chauffage. Evidemment, les occupants russes ne s’occupaient pas d’eux. Beaucoup de personnes ont donc eu très faim. Ensuite, on a décidé d’aider les volontaires, de recueillir ce dont la population avait besoin. Nous faisions des livraisons à l’est de l’Ukraine, nous l’avons fait un temps vers Marioupol.

En tant qu’homme avec trois enfants, vous auriez très bien pu fuir et partir à l’étranger. Vous disposiez finalement de ce choix, mais vous êtes tout de même resté…

Oui, on a eu des possibilités de partir vers l’Europe ou les Etats-Unis. Mais j’ai pris la décision de rester en Ukraine pour aider mon pays. Car je crois que mon pays tiendra. D’ailleurs, nous avons déjà montré au monde que la foi aide. Nous avons réussi à les faire reculer de Kiev. La chose la plus importante, c’est qu’il faut croire en l’Etat. Les Russes n’ont pas cette foi, c’est pour ça qu’ils perdent. L’Ukraine vaincra.

La chaîne américaine NBC raconte qu’à travers votre histoire, on comprend pourquoi l’Ukraine résiste aussi fort et aussi bien à l’envahisseur… Qu’est-ce que cela représente pour vous?

Les Russes avaient préparé des listes des activistes qui allaient être tués. C’est aussi pour ça que je n’avais pas le choix, j’allais être tué en tant qu’activiste. Donc nous ne pouvions que nous battre. Les Russes sont en train de répéter le génocide de 1933 quand des millions d’Ukrainiens avaient été tués (en 1932-33, la famine avait décimé des millions de paysans ukrainiens, un drame emblématique pour le pays qui avait été dissimulé alors par le pouvoir soviétique, ndlr).

Aujourd’hui, on est au XXIe siècle et je ne pouvais pas imaginer qu’une chose pareille aller se produire au milieu de l’Europe. Nous devons lutter pour notre Etat et l’Europe doit nous aider. L’Europe doit comprendre que si on tombe, les Européens seront les prochains. Ils ne font que temporiser, mais ce mal ne va pas les contourner. C’est comme ça que la Seconde Guerre mondiale avait commencé. Tout le monde doit comprendre qu’il faut arrêter la Russie et fournir à l’Ukraine toutes les ressources nécessaires pour le faire.

On voyait les voitures criblées de balles au milieu des routes, les cadavres qui jonchaient les rues…

Comment avez-vous vécu les horreurs de Boutcha?

Je n’y pensais pas à l’époque, je faisais juste mon travail. Mais a posteriori, les émotions sont ressorties. On s’y habitue, l’être humain s’habitue à tout… C’était des moments assez terribles. Nous sommes rentrés à Boutcha au deuxième ou troisième jour après le retrait des Russes. Tout avait été miné, on voyait les voitures criblées de balles au milieu des routes, les cadavres qui jonchaient les rues… Oui, ce sont des choses absolument horribles.

On n’imagine que jamais vous n’auriez pensé voir ces images-là, chez vous en Ukraine, lorsque vous évoluiez en NBA…

Non. Ma vie quand je jouais en NBA et ma vie aujourd’hui sont deux vies totalement différentes. Désormais, j’ai appris à apprécier les choses vraiment simples, les moments avec nos proches. Avant, j’y prêtais moins d’attention. Je ne comprends pas les Russes, ils vivaient normalement (avant la guerre). Tout le monde avant les voyais comme des gens normaux, ils pouvaient voyager dans le monde entier, faire du shopping en Europe… Mais par leurs méthodes et la propagande, ils ont élevé cette génération de dictateurs. Ils ont emprisonné tous les gens qui « pensent autrement ». Les gens ont peur de dire quoi que ce soit. Si tu ne soutiens pas le pouvoir, tu vas en prison. Je ne comprends pas pourquoi ils se battent, n’ont-ils pas déjà assez de territoires? Le leur est le plus grand dans le monde, pourquoi veulent-ils venir chez nous? Ils se comportent comme des sauvages du XXIe siècle.

Vous avez assuré être prêt à vendre vos deux bagues de champion NBA avec les Lakers, qui sont pourtant le symbole de votre réussite sportive personnelle. Pourquoi?

J’ai gardé contact avec les Lakers, un club à échelle mondiale. Tous ceux qui y ont joué gardent des contacts, alors je me suis adressé à eux pour avoir de l’aide afin de reconstruire des écoles détruites. Car je pense qu’en faisant du sport à l’école notamment, les enfants peuvent oublier les horreurs de la guerre. Quand j’ai contacté les Lakers, ils m’ont tout de suite demandé: « Comment pouvons-nous aider? ». Aujourd’hui, je suis en train de terminer l’enregistrement administratif de ma Fondation, et ils vont me transmettre des équipements à travers cette Fondation. On va réaliser des actions concrètes.

Si quelqu’un m’entend, j’en profite pour dire qu’il y aura une vente aux enchères pour ces deux bagues. J’ai toujours dit qu’il fallait apprendre aux enfants en montrant l’exemple. C’est ce que je veux montrer à mes enfants.

Article original publié sur BFMTV.com