Titan : la construction du sous-marin d’OceanGate a viré au fiasco par appât du gain, selon David Lochridge

Sur cette image non datée, on peut voir le submersible Titan au moment d’entamer une descente dans les profondeurs de l’océan Atlantique.
HANDOUT / AFP Sur cette image non datée, on peut voir le submersible Titan au moment d’entamer une descente dans les profondeurs de l’océan Atlantique.

INTERNATIONAL - Une parole qui était jusqu’alors demeurée inaudible. Au deuxième jour de l’audience menée dans le cadre de l’enquête des garde-côtes américains sur l’implosion du submersible Titan, ce sous-marin parti explorer l’épave du Titanic en juin 2023, la parole a été donnée à un témoin clé de l’affaire : David Lochridge, ancien directeur des opérations maritimes d’OceanGate.

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Ce mardi 17 septembre, l’ancien employé de la société exploitant le vaisseau a parlé publiquement de son passage chez OceanGate pour la première fois. Et force est de constater qu’il avait beaucoup de choses à dire sur la gestion plus que calamiteuse qui a mené à la construction et la mise en place du projet d’exploration privé de l’épave dans les profondeurs de l’océan Atlantique.

L’objectif d’OceanGate : « Gagner de l’argent »

Devant les gardes-côtes, l’homme à l’imposant CV n’a pas mâché ses mots sur son ancien employeur, qui l’avait nommé en janvier 2016 pour prendre la tête des opérations maritimes après un long parcours au sein de la Royal Navy et de nombreuses expériences en inspection sous-marine en haute mer. En tant que responsable de la sécurité de tout l’équipage et des clients susceptibles de monter à bord du Titan, David Lochridge dit avoir progressivement observé le projet prendre l’eau, comme le rapportent Sky News et la BBC.

Et alors qu’il était le seul « seul pilote de submersible qualifié pour piloter les engins » de l’entreprise, il explique avoir rencontré de premiers freins en matière de sécurité peu de temps après son arrivée. Notamment lorsqu’il a souhaité inclure des informations plus détaillées dans le manuel de formation des pilotes. « L’objectif d’OceanGate, je ne le savais pas alors, était de former un pilote en une journée. Quelqu’un qui n’avait jamais été assis dans un submersible », relate-t-il, en estimant qu’il s’agissait d’un premier « énorme signal d’alarme » pour lui.

Lors de l’audience, il a ajouté que « l’idée derrière la création de l’entreprise était de gagner de l’argent », affirmant qu’il n’y « avait que très peu de choses en matière de science ». Un appât du gain rapidement confirmé par la stratégie d’OceanGate et de son équipe de communication, pour qui les passagers ne devaient pas être des scientifiques, mais des « gens qui avaient de l’argent ».

David Lochridge estime d’ailleurs que c’est « l’arrogance » qui a poussé OceanGate à lancer la construction du sous-marin Titan. Stockton Rush, propriétaire d’OceanGate mort dans le TItan le 18 juin 2023, ainsi que Tony Nissen, ancien directeur technique de l’entreprise, estimaient qu’ils pouvaient construire l’appareil eux-mêmes, sans le moindre soutien technique, a-t-il également affirmé.

Une « abomination de sous-marin »

Malgré de vives tensions par le passé – David Lochridge évoque un épisode lunaire où Stockton Rush lui a jeté les commandes du sous-marin Cyclops 1 sur la tête en pleine descente - c’est à partir de 2017 et la construction du Titan qu’il dit avoir « parlé très ouvertement » de ses craintes en matière de sécurité. Des avertissements balayés au profit de « la réduction des coûts » et du « désir de se rendre sur l’épave du Titanic le plus rapidement possible pour commencer à faire des bénéfices ».

« Il y a eu une grande pression pour y parvenir, mais de nombreuses étapes ont été sautées », ajoute-t-il, pointant une fois encore le PDG Stockton Rush et taclant son inexpérience en matière de construction de submersible. Il cite à ce propos le fait de confier des postes dans l’équipe d’ingénierie à « des gamins qui sortaient tout juste de l’université ». Il parle aussi des composants utilisés pour construire le sous-marin, qui présentaient des « anomalies ou des déficiences », telle qu’une coque en fibre de carbone plutôt qu’en titane. De quoi lui faire dire qu’il s’agissait d’une « abomination de sous-marin ».

Ses positions jugées « anti-projet » ont finalement conduit à son licenciement en 2018, après une réunion où il avait présenté ses craintes sur la fibre de carbone et un hublot du sous-marin qui n’avait jamais été testé au-delà de 1 300 mètres. Pour rappel, l’épave du Titanic repose à plus de 3 800 mètres de profondeur…

L’homme est d’ailleurs devenu une sorte de lanceur d’alerte après avoir été poursuivi en justice par OceanGate pour avoir révélé des informations confidentielles sur la construction du sous-marin, bien avant son implosion en juin 2023.

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