Tirs de roquettes du Liban: dans le nord d'Israël, des habitants résignés
Le réfrigérateur est plein, internet fonctionne et même si la salle est un peu en désordre, Ilan Ravor pense pouvoir s'en accommoder. Ce retraité de 76 ans est venu jeter un oeil à l'abri antiaérien public à quelques mètres de son domicile à Haïfa.
D'habitude, ce lieu souterrain sert de point de rencontre pour l'ONG Alcooliques anonymes. Aujourd'hui, il pourrait abriter des dizaines de personnes du quartier si les sirènes d'alarme signalant une attaque aérienne résonnent dans la troisième ville d'Israël, à une trentaine de kilomètres de la frontière libanaise.
Le nord d'Israël est en alerte après les tirs d'"environ 150 roquettes, missiles de croisière et drones" pendant la nuit, selon l'armée israélienne, la plupart depuis le Liban. Le Hezbollah libanais échange des tirs quasi quotidiennement avec l'armée israélienne depuis le début de la guerre le 7 octobre dans la bande de Gaza, disant soutenir ainsi son allié le Hamas.
Les tirs du Hezbollah dans la nuit ont atteint les environs de Haïfa, ville de près de 300.000 habitants et important port commercial. La dernière fois que des frappes semblables se sont produites, c'était en 2006, lors de la dernière guerre en date entre le Liban et Israël.
M. Ravor s'attendait à une réplique d'ampleur sur la région après ce qu'Israël "leur a fait, a fortiori avec les bipeurs", dit-il en référence aux vagues d'explosions spectaculaires d'appareils de transmission du Hezbollah, qui a fait 39 morts et 2.931 blessés mardi et mercredi dans des bastions du mouvement pro-iranien au Liban, selon les autorités du pays.
Les échanges de tirs entre l'armée israélienne et le Hezbollah ont depuis gagné en intensité. "Je suis inquiet, je sais que c'est possible que les missiles arrivent jusqu'ici", mais il dit avoir "confiance en l'armée de (son) pays" et qu'il se sent "prêt" à prendre son chien sous le bras pour se mettre à l'abri.
- "Avec courage" -
"Ce matin, on était un peu sous le choc", raconte Sylvia, une écrivaine de 77 ans, "mais nous n'avons pas peur, nous sommes plutôt dans l'expectative".
"On a grandi avec des histoires de la Shoah, des guerres précédentes, donc même si ce qui s'est passé cette nuit est important, on n'est pas plus inquiet que ça", note pour sa part Adir Schaffer, un jardinier de 33 ans qui vit dans le quartier de Hadar aux bâtiments du siècle dernier, dont la plupart ne sont pas équipés d'abris antiaériens.
"C'est malheureux mais on s'y est habitué, on sait que le Hezbollah veut détruire Haïfa, les gens peuvent changer mais l'idéologie reste", note-t-il, en appelant de ses voeux "des jours de paix".
Il n'a rien préparé de spécial en cas d'alerte, contrairement à d'autres habitants qui remplissent des coffres de voitures de packs d'eau et de conserves devant des supermarchés pour avoir de quoi tenir pendant plusieurs jours.
"Certaines personnes paniquent un peu", estime Shaked Ariel, vendeur dans l'épicerie d'une rue fréquentée.
Les grandes artères de la ville ont des allures de week-end ce dimanche, pourtant premier jour de la semaine en Israël, même les écoles sont fermées sur ordre du commandement du front intérieur (la défense passive).
En début de soirée, quelques personnes manifestaient dans la ville, brandissant des pancartes appelant à la libération des otages emmenés dans la bande de Gaza lors de l'attaque du Hamas.
"Nous sommes sur le qui-vive depuis le 7 octobre", dit Merav Ben Nun, une manifestante de 49 ans. "La nuit dernière a été la pire", ajoute-t-elle, "mais je pense que nous sommes encore un peu loin d'une guerre totale".
Sur les téléphones portables, dans les médias israéliens, les images des villages touchés dans la nuit au nord de Haïfa tournent en boucle, comme celles de Kiryat Bialik où la chute de roquettes a provoqué des incendies.
Devant sa maison aux murs calcinés, Léa Sabag a, elle, affirmé à l'AFP: "Nous savons que cela durera quelques jours et nous devons garder le moral, être patients et j'espère que nous ferons face avec courage."
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