Tireuse hors pair, addict aux tatouages… Qui est Lou Jeanmonnot, la nouvelle pépite du biathlon français?
"C’est à moi de prouver que je peux rester et que j’ai ma place." En mars 2022, Lou Jeanmonnot n'avait pas froid aux yeux. Tout juste vainqueure du Gros globe en IBU Cup - l’antichambre de la Coupe du monde - la biathlète jurassienne, 23 ans à l’époque, confiait à RMC Sport ses ambitions et son envie de réussir dans la cour des grands, sur le circuit principal.
18 mois plus tard, c’est avec fracas que la pensionnaire de l’Olympic Mont d’Or a enfoncé la porte menant vers la voie du succès. À 25 ans, Lou Jeanmonnot sort d’un week-end de rêve à Östersund (Suède), où elle a remporté ses deux premiers succès en individuel sur le sprint puis lors de la poursuite, avec un 30/30 à la carabine. Elle est devenue par la même occasion la quatrième Française à réaliser le doublé sprint-poursuite après Sandrine Bailly, Corinne Niogret et Marie Dorin-Habert, trois légendes de la discipline. Deux exercices totalement différents (une course contre-la-montre et une course en confrontation conditionnée par les résultats du sprint, ndlr) qui ont mis en lumière les qualités de la Jurassienne, dont la réussite est loin d’être une surprise.
Une éclosion tardive mais en boulet de canon
Mais Lou Jeanmonnot a su être patiente pour décrocher le graal. À titre de comparaison, Justine Braisaz-Bouchet et Julia Simon, ses coéquipières en équipe de France, ont décroché leur premier succès à 21 et 23 ans. La suite pour les deux biathlètes? Un titre de championne olympique de la mass start en 2022 pour la première et le Gros Globe de cristal et un titre de championne du monde l’an passé pour la seconde.
Un palmarès que ne possède pas encore Lou Jeanmonnot. Mais cette dernière est ambitieuse après ces deux premiers succès individuels de l’hiver, auxquels il faut ajouter une victoire collective sur le relais mixte lors du premier week-end de compétition.
“On ne peut pas faire beaucoup mieux", estimait-elle, lucide.
"C'est très cool. Très satisfaisant. Ça donne envie de plus. Ça veut bien dire que je suis capable de gagner. À partir de là, l'hiver s'annonce intéressant. Pour l'instant, je vais savourer un peu ça, me reposer. Ça va être excitant de faire des courses avec le dossard rouge (de leader de la spécialité, la semaine prochaine à Hochfilzen, en Autriche, ndlr). Il y a un paquet de choses qui vont être bien”, concluait-elle après son succès sur la poursuite de dimanche au nez et à la barbe de l’Allemande Franziska Preuss.
Le tir comme arme fatale
Considérée comme un grand espoir du biathlon tricolore, Lou Jeanmonnot a vite confirmé les attentes dès sa première saison complète sur le circuit de la Coupe du monde en 2022-2023. Après quelques apparitions en coup de vent en 2021, elle a signé ses premiers coups d’éclat sur les relais, en allant chercher trois victoires collectives (deux relais féminins, un relais mixte). La consécration du premier podium individuel arrivera en janvier 2023 sur l’individuel à Ruhpolding (Allemagne) et la mass start à Östersund (Suède) avec deux deuxièmes places assorties d’un 20/20 au tir, son arme fatale.
Car lorsque les jambes ne répondent pas, la carabine fait le reste. Son 30/30 du week-end est le reflet de la réussite de la Jurassienne face aux cibles, elle qui tourne à 92% de réussite au tir (couché et debout). Des statistiques sensiblement similaires à celles de l’an dernier (89%). “Au niveau du tir, elle a toujours eu un niveau exceptionnel. Son naturel, c’est ça. Elle sait de quoi elle est capable. Aller chercher un 20/20 en partant en tête d’une poursuite pour faire un doublé, ce n’est pas donné à tout le monde. Elle a été capable d’aller chercher la perfection derrière la carabine”, analysait Fred Jean, l’ancien entraîneur de l’équipe de France féminine, sur le plateau de la Chaîne L’Équipe.
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Une intelligence de course stupéfiante
Au-delà de sa maîtrise derrière la carabine, Lou Jeanmonnot montre également des progrès sur les skis. En début de saison, sa victoire dans l’épreuve du ski de fond lors du Martin Fourcade Nordic Festival (une compétition estivale disputée sur des ski-roues, ndlr) devant les spécialistes de la discipline avait déjà démontré ses énormes progrès ces derniers mois.
Et quand les jambes ne répondent pas complètement, la tête fait le reste. Loin d’être à son avantage sur les skis - de son propre aveu - par rapport aux Allemandes, qui semblent avoir trouvé la solution à l’absence de fluor, la Tricolore a su s’économiser aux bons moments dans le dernier tour de la poursuite, avant de coiffer sur le poteau Franziska Preuss dans la dernière ligne droite pour arracher la victoire. Un finish géré d’une main de maître.
"Je n’y ai pas cru au début (du dernier tour). Quand Steph (Stéphane Bouthiaux, le patron du biathlon français ndlr) m’a dit qu’elle était 5 secondes derrière moi et que je l’avais vue tout au long de la course très très rapide et vraiment beaucoup plus forte que moi sur les skis, je me disais 'tu la gardes en visu pour être sûre de sauver la deuxième place'. Je n’y croyais pas du tout, analysait-elle au micro de la Chaîne L’Équipe. Elle a même posé une petite accélération en haut de la bosse, je me suis dit que c’était foutu. Finalement je l’ai vue ralentir dans les parties où moi je me sens meilleure. Elle a dû serrer aussi un petit peu et ça l’a fait. Je suis partie au début du dernier tour en me disant que c’était la deuxième place aujourd’hui."
Objectif top 6 du général
Pourtant, c’est bien la première place qu’est allée chercher celle qui fait partie de l’Armée des Champions (elle a d’ailleurs défilé sur les Champs-Elysées le 14 juillet, ndlr). La deuxième consécutive dans cet hiver 2023-2024 qui peut marquer une bascule dans la carrière de la Jurassienne. 11e du classement général remporté par Julia Simon l’an dernier, la biathlète de 25 ans a élevé le curseur au niveau des objectifs pour cette saison, avec le top 6 du général dans le viseur. Son doublé du week-end la propulse à la deuxième place du classement général, à trois points du dossard jaune porté par Franziska Preuss. De là à viser plus grand après la première étape de Coupe du monde?
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La native de Pontarlier fait en tout cas le bonheur de "mamie Nine-Ja", qui collectionne les exploits de sa petite-fille dans des classeurs amenés à grossir ces prochaines semaines. Habituée à se faire un nouveau tatouage chaque année entre deux sorties VTT, Lou Jeanmonnot peut aussi envisager de trouver une place pour un dessin de Gros Globe, qui pourrait arriver dans quelques années, ou des anneaux olympiques, puisque les JO de Milan-Cortina arrivent très vite. "En 2026, j’aurai vraiment l’âge pour être la plus performante", nous indiquait-elle en mars 2022. Une prémonition?