Thyssenkrupp renonce à se scinder et organise l'IPO des ascenseurs

par Edward Taylor, Christoph Steitz et Tom Käckenhoff

FRANCFORT (Reuters) - Thyssenkrupp a annoncé vendredi un nouveau projet de réorganisation et l'introduction en Bourse de sa division dédiée aux ascenseurs, son activité la plus rentable, renonçant ainsi à une scission annoncée en septembre dernier et à une coentreprise dans la sidérurgie avec l'indien Tata Steel.

Le conglomérat allemand a également déclaré qu'il pourrait chercher des partenariats pour ses divisions de pièces automobiles et d'ingénierie, adoptant ainsi une approche similaire à celle de l'industriel Siemens.

Thyssenkrupp, sous la pression de fonds activistes, avait chercher à fusionner ses actifs sidérurgiques en Europe avec ceux de l'indien Tata Steel.

Vendredi, les deux groupes ont toutefois abandonné ce projet de coentreprise, sur lequel ils travaillaient depuis trois ans, expliquant qu'ils n'étaient pas disposés à offrir de nouvelles concessions pour satisfaire la Commission européenne.

Parallèlement, Thyssenkrupp renonce à se scinder en deux entités cotées, l'une concentrée sur les biens d'équipement et l'autre reprenant le reste des actifs du groupe.

Après une première réaction positive des investisseurs, l'action Thyssenkrupp a perdu près de la moitié de sa valeur depuis l'annonce de ce projet de scission en septembre.

"Nous devons être honnêtes. Dans ces conditions, une scission ne constitue plus la meilleure solution pour Thyssenkrupp. Nous ne pouvons plus réaliser le nouveau départ que nous souhaitions", a déclaré le président du directoire Guido Kerkhoff.

6.000 SUPPRESSIONS DE POSTES

Thyssenkrupp a également annoncé qu'il supprimerait 6.000 postes, soit 4% de ses effectifs, dont un tiers dans sa division acier, et s'attellerait à l'introduction en Bourse de sa filiale dédiée aux ascenseurs, évaluée à 14 milliards d'euros, soit deux fois la valeur boursière du groupe.

A la Bourse de Francfort, l'action Thyssenkrupp, qui s'est envolée après cette confirmation d'une information de Reuters publiée en début de matinée, bondissait de plus de 22% à 13,79 euros à un peu plus d'une demi-heure de la clôture. Elle était en passe de réaliser sa meilleure séance depuis sa première cotation en 1991.

"Le ralentissement économique et ses effets sur le développement des entreprises et l'environnement actuel des marchés ont empêché de réaliser la scission prévue", a déclaré Thyssenkrupp dans un communiqué.

Le conglomérat allemand est depuis plusieurs années sous la pression des investisseurs lui réclamant d'améliorer ses performances en simplifiant sa structure.

Opposé à la restructuration en profondeur prônée par des fonds activistes, Heinrich Hiesinger a démissionné en juillet 2018 de son poste de président du directoire, suivi quelques jours plus tard par le président du conseil de surveillance Ulrich Lehner.

Guido Kerkhoff, ex-directeur financier du groupe, lui a succédé en septembre dernier.

Thyssenkrupp a déclaré que son nouveau plan de réorganisation, qui implique la mise en place d'une structure de holding afin de permettre une gestion plus souple de ses multiples activités, se traduirait par une perte nette en 2019.

De son côté, Tata Steel a indiqué qu'il explorerait toutes les options pour ses activités européennes, notamment la recherche d'un nouveau partenaire et la vente d'actifs.

THYSSENKRUPP ATTENDRA LE BON MOMENT POUR L'IPO

Thyssenkrupp a été la cible de l'investisseur activiste Cevian, qui détient une participation de 18%, et d'Elliott Capital Advisors, dont la part est plus faible.

"Il est clair que la stratégie passée de Thyssenkrupp a échoué", a déclaré Lars Förberg, partenaire fondateur de Cevian.

La pression des investisseurs, qui cherchent à obtenir davantage de valeur en démantelant les conglomérats, a déjà contraint General Electric à scinder ses activités de santé et Siemens à annoncer la scission de sa division de turbines en vue d'une introduction en Bourse.

Guido Kerkhoff a déclaré qu'il allait "préparer rapidement" un projet d'IPO de la division ascenseurs, dans laquelle Thyssenkrupp restera au départ majoritaire, mais qu'il attendrait le bon moment pour le concrétiser.

Deka, actionnaire de Thyssenkrupp, a déclaré au journal Rheinische Post que ce revirement était la bonne décision car il permettrait au groupe de gérer son portefeuille plus activement, même si, à ses yeux, cela aurait dû intervenir plus tôt.

"Toutes les parties prenantes estiment à présent qu'il est urgent de donner une nouvelle direction aux activités de la société. Il ne peut y avoir de tabous historiques ou politiques (...) si Thyssenkrupp veut lutter sincèrement contre la sous-performance et ramener les entreprises à la croissance", a dit Lars Förberg, du fonds Cevian.

Thyssenkrupp a dit désormais prévoir un résultat d'exploitation ajusté compris entre 1,1 et 1,2 milliard d'euros et un cash-flow négatif de plusieurs centaines de millions sur 2018-2019.

(Dominique Rodriguez et Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten et Bertrand Boucey)