The Substance : pourquoi vous ne pourrez pas oublier ce film avec Demi Moore après l'avoir vu ?

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Avant The Substance, Coralie Fargeat avait réalisé deux courts métrages et un premier film remarqué, Revenge, sorti en 2018. Mais depuis The Substance, le nom de la cinéaste est sur toutes les lèvres. Elle offre à Demi Moore son plus beau rôle, rafle le Prix du scénario au Festival de Cannes et remporte au joli succès outre-Atlantique - le plus important du distributeur MUBI.

"Avez-vous déjà rêvé d'une meilleure version de vous-même ?" C'est la question, existentielle il faut le dire, sur laquelle se repose le concept du film. Elizabeth Sparkle (Demi Moore), une actrice de renom sur le déclin, craque sous la pression d'une industrie qui diabolise la vieillesse et s'injecte une étrange substance. Elle donne vie à une version d'elle-même (Margaret Qualley) plus jeune et plus belle.

Le spectateur sait que l'expérience va mal tourner, mais comment, il l'ignore. La scénariste et réalisatrice met au point une expérience de cinéma unique, féministe et outrancière. Elle filme cette descente aux enfers d'une main de maître avec un sens du cadre précis, une excellente direction d'acteurs - Demi Moore, dévouée à son rôle, est impressionnante - et une créativité sans bornes.

AlloCiné a rencontré la réalisatrice Coralie Fargeat pour comprendre tout ce qu'il se passe dans son imagination.

AlloCiné : Le film va toujours plus loin. Quand on pense avoir touché un plafond de verre, vous l'explosez pour passer au suivant. Avez-vous le sentiment d'être allé au bout de votre projet ?

Coralie Fargeat, scénariste et réalisatrice : Le film a été extrêmement cathartique parce qu'il n'a pas eu de limites autres que celles de ma sincérité et de mes tripes dans ce que j'avais envie d'exprimer dans son jusqu'au boutisme, dans son excès. C'est vraiment une des choses pour lesquelles je me suis battue pour pouvoir garder ce côté extrême, parce que je savais que c'était l'ADN du film.

C'est un pari et un risque, c'est vrai, parce qu'on crée une chose qui n'est pas habituelle ou qui ne respecte pas les normes habituelles. Surtout avec le genre, ça peut toujours tomber d'un côté ou de l'autre. Je pense qu'on est toujours un peu obligé de flirter avec les limites du grotesque et du Grand-Guignol pour trouver cet espace de liberté et de catharsis qui permet de se purger.

La plus belle émotion que j'ai eue hier soir pendant la projo, c'est à la fin du film. Je ne veux pas spoiler, mais quand on arrive à la scène finale et que j'ai vu la salle réagir d'enthousiasme, ça m'a émue parce que j'ai su que l'excès du film avait été reçu. J'ai énormément travaillé sur ça et que je suis vraiment ravie d'avoir pu aller au bout.

Avec Demi Moore, on a beaucoup parlé de la manière dont je voulais filmer toutes les scènes de nudité.

Votre film fait l'économie des mots. Les images parlent pour les personnages. The Substance aurait pu être un film muet.

C'est vrai. Quand j'ai écrit le film, j'ai été vraiment très spécifique pour décrire visuellement ce que je voulais montrer car, comme vous le dites, il y a très peu de dialogues. Dans mes scénarios, j'écris énormément de didascalies.

C'est presque comme des romans où je décris vraiment tout ce qu'on ressent, tout ce qu'on perçoit, même au son, à quel point je vais filmer certains endroits en gros plan, etc. Il y avait déjà toute cette partie qui se transmettait dès le scénario.

Demi Moore donne tout dans The Substance. Elle se dévoile comme jamais. Elle a plusieurs fois utilisé son corps comme un outil dans ses films : Strip-Tease, À Armes égales... Comment avez-vous su créer ce lien de confiance avec elle ?

Très tôt, quand on s'est rencontrées, quand on a commencé à discuter du film et à la perspective de travailler ensemble, le sujet de la confiance est venu très vite sur la table. Le corps et sa nudité, son côté recru, allaient avoir une vraie importance dans le film et je voulais qu'elle se sente à l'aise avec ça, sinon elle aurait été malheureuse et moi aussi.

Comme vous disiez, je pense que la relation à son corps est quelque chose qui a traversé sa vie. Avant de collaborer avec elle, j'ai lu son autobiographie qui m'a mis une claque parce que j'ai vu ce qu'elle avait traversé et à quel point, elle s'était construite à la force du poignet, à quel point elle avait été féministe avant l'heure, à quel point elle avait réussi à s'imposer dans un monde masculin.

Je pense qu'instinctivement, elle a compris la force du film. Elle a compris la force de cet outil-là qui pourrait titiller une corde sensible, parce que je savais que ce rôle pour une actrice, il allait être très confrontant. Ce qui m'a marquée dans le livre de Demi, c'est son intelligence, c'est ce côté instinctif. C'est quelqu'un qui a une intuition très forte.

La confiance, ça ne vient pas de nulle part. On a beaucoup parlé de la manière dont je voulais filmer toutes les scènes de nudité, toutes les scènes liées au corps, expliquer aussi le sens que j'y mettais. Demi a très vite perçu l'importance de la composition visuelle et à quel point le corps devait rester incarné.

Il y a eu plein de moments difficiles parce que c'était un tournage impliquant.

C'était comment le tournage avec Demi Moore et Margaret Qualley ?

Elles étaient toujours concentrées sur l'incarnation, toujours connectées à l'humain. Elles ont pris leur corps comme un vrai outil de travail, une vraie œuvre au service de l'œuvre cinématographique. Je pense que ça a été des moments forts. Toute l'équipe a senti ce qu'il se passait dans cette salle de bains qui est très matricielle.

Il y a eu plein de moments difficiles parce que c'était un tournage impliquant. Donc émotionnellement, c'était difficile. Souvent, nous étions fatiguées. C'était un tournage long. Mais l'une comme l'autre, même dans les moments durs, elles n'ont pas lâché. Même si à des moments, on en avait tous marre, on était tous crevés. Il y avait cet engagement pour le film et elles y sont allées.

Quelles étaient les références dans vos têtes lorsque vous construisiez l'univers visuel de The Substance ?

Il y a La Mouche, il y a The Thing de John Carpenter. Tous les Carpenter, d'ailleurs. Il y a Paul Verhoeven aussi, qui a un rapport au corps extrêmement fort, avec ce cinéma très sensuel, très violent, ce mélange absolument incroyable.

David Cronenberg, qui est un cinéaste qui m'a énormément marquée quand j'étais adolescente, avec La Mouche et Le Festin Nu, un film qui m'a énormément dérangé à l'époque, dans le bon sens de ses univers corporels étranges qui résonnent pour plein de raisons.

David Lynch aussi, d'une certaine manière. Et puis aussi, effectivement, plein d'autres films, on va dire, plus fun, comme les Freddy, où il y a tout ce plaisir un peu expiatoire, où on libère quelque chose qu'on n'est pas amené à libérer dans notre vraie vie et qui est jouissif. Qui permet pour moi d'atteindre une autre dimension, de construire un univers riche et drôle à la fois et très artisanal, au fond.

Propos recueillis par Thomas Desroches, à Cannes, en mai 2024.

The Substance de Coralie Fargeat, au cinéma dès le 6 novembre.

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