"On m'a dit que ma tenue était vulgaire" : au lycée, une "tenue correcte exigée"... surtout pour les filles
Plusieurs lycéennes ont été sermonnées depuis la rentrée pour leurs tenues jugées “provocantes” par les surveillants.
“Tenue correcte exigée”, “Avec cette tenue, je vais à la plage / en soirée / avec mes potes / en cours d’EPS, pas au lycée”. À l’entrée de deux lycées de Dax (Landes), des affiches montrent les tenues interdites aux lycéens : pas de jogging, de jean troué, de jupe, ou de haut décolleté ou laissant apparaître le nombril.
Bienvenue au lycée de Borda et le lycée Haroun Tazieff à Dax !! C’est surréaliste en 2020 de voir ça pic.twitter.com/R5z8cmwrT4
— E V A N ❄️ (@Junoow_) September 11, 2020
Ces affiches ont suscité l’incompréhension de certaines lycéennes de Dax, comme Ella, élève de 1ère. “Je porte souvent des jupes, des décolletées, et je subis des remarques des surveillants et des CPE. Ces affiches, je ne trouve pas ça normal, qu’on interdise à une femme de s’habiller comme elle veut. On devrait se sentir en sécurité au lycée, ce n’est pas le cas avec ces affiches” nous confie la lycéenne.
“La tenue ne justifie pas le viol”
Même situation à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), rapportent nos confrères de la Voix du Nord. Une manifestation devant un lycée de la ville a même eu lieu ce vendredi matin. “La tenue ne justifie pas le viol”, “Eduquez vos fils” pouvait on lire sur les pancartes. En cause, une lycéenne qui aurait été collée en raison d’une tenue vestimentaire trop courte et des propos qu’auraient tenus des membres de l’équipe surveillante à ce sujet.
Des jeunes femmes du lycée Edouard Branly de Boulogne-sur-Mer ont organisé une manifestation ce matin contre des humiliations sexistes liées à leur tenue dont elles ont été l’objet par l’administration de leur établissement.https://t.co/48YbJ8pknG
— Pauline (@paulinemski) September 11, 2020
De nombreux témoignages
Sur les réseaux sociaux, les témoignages de lycéennes dont la tenue n’a pas plu à la rentrée se multiplient. “Une surveillante de mon lycée s’est permise aujourd’hui de me faire une remarque sur ma tenue parce que c’était trop court et pouvait provoquer Est-ce provocant ?”, s’interroge une lycéenne, photo à l’appui.
Une surveillante de mon lycée s’est permise aujourd’hui de me faire une remarque sur ma tenue parce que c’était trop court et pouvait provoquer
Est-ce provocant ? pic.twitter.com/R642hItzCL— 𝖈𝖑𝖆𝖎𝖗𝖔𝖚𝖘𝖘𝖊 (@clairoussesvg) September 10, 2020
“Aujourd’hui au lycée on m’a dit que ma tenue était ‘vulgaire’ ??”, indigne de son côté Agathe.
Aujourd’hui au lycée on m’a dit que ma tenue était « vulgaire » ?? pic.twitter.com/NKfBlgCxN9
— agatheM (@agatheM6) September 11, 2020
Des situations qui ont fait réagir le président du principal syndicat étudiant, l’UNL, union nationale lycéenne.
Ça se passe à Dax. Un autre exemple à Boulogne/mer ⬇️https://t.co/PQrH0Dlrqk
Ces interdictions ne se fondent sur aucune loi et sont discriminantes au possible, surtout pour les lycéennes. @education_gouv une solution ?— Mathieu Devlaminck (@Mathieu_Devl) September 11, 2020
“C’est une question de liberté”
“On est indignés, parce qu’on pense que le lycée peut être inclusif, permettre à chacun de se sentir soi. Restreindre la liberté de s’habiller, c’est empêcher les élèves d’être eux-mêmes. On aimerait que la mention ‘tenue correcte exigée’, qui est totalement floue et permet aux établissements de faire ce qu’ils veulent, soit retirée. Il faut faire confiance aux jeunes. Oui les jeans troués; le ventre apparent, sont des évolutions vestimentaires, mais c’est une question de liberté”, nous explique Mathieu Devlaminck, président de l’UNL.
Pourtant, si ces affiches peuvent choquer, ce sont les établissements qui fixent leur propre règlement intérieur, dans le cadre précisé par le ministère de l’Education. “Généralement, le règlement intérieur contient la mention ‘tenue correcte exigée’. Mais c’est une mention très vague, et rien d’autre ne réglemente le port des vêtements au lycée, il y a un flou juridique”, nous éclaire Maître Valérie Piau, avocate spécialiste en droit de l’éducation.
Pas de sanction avant un entretien
La situation est donc laissée à l’appréciation des chefs d’établissement, de définir ce qu’est ou non une ‘tenue correcte’. Mais, préviens l’avocate, il y a tout de même une procédure à respecter. “On ne peut pas sanctionner un élève en raison de sa tenue. Il doit auparavant y avoir un entretien avec un responsable et ses parents, car les sanctions doivent avoir un caractère pédagogique”, rappelle maître Valérie Piau.
En cas de litige entre les parents et l’établissement, “il faut dialoguer avec le principal, pour trouver un accord sur les tenues correctes. Si la famille du lycéen estime que l’interdiction porte atteinte aux libertés, alors le directeur académique peut être saisi. Dans de rares cas, un juge tranchera”, rappelle l’avocate.
En 2016, dans l'Isère, une collégienne était visée par une procédure disciplinaire pour un débardeur jugé "provocant”. Contacté par l’AFP, le rectorat précisait : “On parle d’adolescents, de leur construction, de leur rapport à l’autre et de l’importance du vêtement dans notre société. On est dans un processus éducatif, qui n’est pas mis en place pour stigmatiser ou punir, mais pour faire prendre conscience. Il y a un règlement et ce dernier doit être appliqué”. Aucune sanction n’avait finalement été prise, et le rectorat a demandé au collège de préciser les tenues interdites au sein de son établissement dans son règlement intérieur.