Tentative d'assassinat de Trump : Comment la désinformation, dans chaque camp, jette de l'huile sur le feu
Certains n'hésitent pas à évoquer une "mise en scène pour s'attirer les sympathies", ou carrément un "ordre" émanant de la CIA, impliquant directement Barack Obama et les Clinton. Ce n'est qu'un bref florilège des théories complotistes qui agitent les réseaux sociaux depuis la tentative d'assassinat perpétrée sur l'ancien président américain Donald Trump, ce samedi, lors d'un rassemblement, mais ils continuent d'alimenter la toile, et de circuler notamment sur X, Facebook, Instagram ou TikTok.
Démocrates, Républicains... voire personnalités de la classe politique américaine ont relayé de nombreux messages sans équivoque.
"Joe Biden a donné des ordres", a posté sur X Mike Collins, membre républicain du Congrès de Géorgie, en référence à un commentaire sur l'élection que le président sortant avait fait plus tôt et qui consistait à mettre "Trump dans une cible".
"Le plus alarmant, c'est que la désinformation consécutive au rassemblement soit si fortement polarisée à travers les clivages politiques", a déclaré à Euronews Next Yotam Ophir, professeur adjoint de communication à l'université de Buffalo, dans l'État de New York.
"Cela nous montre à quel point les théories du complot sont malléables - comment elles peuvent être modelées pour s'adapter à n'importe quelle idéologie. Et comment elles peuvent être utilisées pour nous diviser davantage", a-t-il ajouté.
Les forces de l'ordre et le ministère américain de la Justice ont déclaré qu'ils continuaient à enquêter sur la fusillade.
"Le président Joe Biden, qui se présente contre M. Trump aux élections présidentielles de 2024, a ordonné un examen indépendant sur la manière dont l'attaque s'est produite.
Mais sur les réseaux sociaux, nous assistons déjà à une recrudescence des discussions sur les raisons pour lesquelles l'assaillant n'a pas été vu plus tôt, ce qui a donné lieu à de nombreuses spéculations sur d'éventuelles défaillances dans les mesures de sécurité", a déclaré Sarah Morris, professeur de criminalistique numérique à l'université de Southampton, au Royaume-Uni.
De nombreuses vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux, dont une sur X montrant une femme située derrière Donald Trump, en train de regarder autour d'elle.
Le message indique, sans fournir de preuves, que son comportement était "très suspect" et que son langage corporel et son comportement "semblent indiquer qu'elle savait que quelque chose se préparait".
Une autre tendance sur les médias sociaux s'est traduite par l'identification supposée du tireur, sans vérification des faits.
Avant que le FBI ne désigne le tireur, un commentateur de football italien a été identifié à tort comme étant à l'origine de l'attaque, et membre d'un groupe Antifa.
La faute aux réseaux sociaux ?
Selon Sarah Morris, la modération des contenus devient de plus en plus difficile pour les réseaux sociaux, qui s'efforcent de suivre les progrès réalisés dans le domaine des "deep fakes", et de la désinformation générée par l'IA autour des élections américaines.
L'entreprise de la tech israélienne Cyabra a découvert qu'une image représentant Trump souriant avait été créée à l'aide de l'intelligence artificielle (IA) quelques instants après la fusillade, et avait circulé sur les médias sociaux.
"Les entreprises doivent continuellement améliorer et adapter leurs algorithmes de détection et renforcer leur collaboration avec des vérificateurs de faits indépendants afin de lutter efficacement contre ces menaces en constante évolution", a déclaré Sarah Morris.
"En l'absence de solutions et de réglementations systématiques, nous ne serons pas en mesure de ralentir la propagation de la désinformation", indique-t-elle, ajoutant qu'il n'était pas évident de savoir quelles solutions il faudrait adopter.
"Nous avons besoin d'idées plus créatives, peut-être des initiatives visant à restaurer la confiance dans le journalisme et les sources d'information dignes de confiance ou à exiger des changements dans les algorithmes des réseaux sociaux afin qu'ils favorisent un contenu précis - plutôt que sensationnaliste".
Elon Musk soutient Donald Trump
Le réseau social X d'Elon Musk s'est détourné de la censure pour devenir un espace de liberté d'expression, en supprimant certaines des restrictions que les anciens propriétaires de l'entreprise avaient mises en place.
La tentative d'assassinat constituait une sorte de test pour la plateforme de Musk, auquel elle aurait échoué selon les experts. L'algorithme du site a poussé les posts des deux camps, démocrate et républicain, à créer une véritable pipeline pour les théories conspirationnistes.
Pendant ce temps, Meta a réintégré Trump sur Facebook et Instagram, vendredi, après avoir banni ses comptes en 2021 à la suite de l'insurrection du 6 janvier au Capitole, estimant que Trump faisant l'éloge des émeutiers, les appelant à "se battre comme l'enfer".
La réintégration de Trump par Meta pourrait entraîner une augmentation du nombre d'abonnés, qu'ils soient ou non en accord avec ses opinions, selon Sarah Morris.
"Cette augmentation du nombre d'abonnés est susceptible d'amplifier le contenu lié à Trump, ce qui pourrait favoriser la propagation de la désinformation et poser des problèmes de modération du contenu", a-t-elle déclaré.
Le poids des mots
L'une des images les plus marquantes du rassemblement de dimanche était sans doute celle montrant Donald Trump debout après la tentative d'assassinat, le poing en l'air et le visage maculé de sang, criant "fight !".
Cet appel susceptible, s'il est sorti de son contexte, pourrait encore inciter à la violence, comme cela a été le cas par le passé.